T07 – Tour de France, 15/09/2020, 16-ème étape : La Tour-du-Pin – Villard-de-Lans !

« Quel rapport avec les Anciens de Comblain-la-Tour ? » me direz-vous.

Laissez-moi vous esquisser en quelques lignes l’histoire du Lycée polonais Cyprian Norwid de Villard-de-Lans.

En octobre 1940, sous l’impulsion de Zygmunt Lubicz-Zaleski, délégué en France du ministère polonais de l’Instruction publique, aidé par Wenceslas Godlewski, lecteur de langue polonaise à l’université de Lille, est créé le Lycée polonais Cyprian Norwid à Villard-de-Lans, en zone libre. Les cours sont dispensés en langue polonaise et se basent sur les programmes des écoles d’enseignement secondaire de la Pologne d’avant-guerre. À ces cours de base s’ajoute un enseignement approfondi de la langue et de la littérature française (cinq heures par semaine).

Les élèves suivent un cursus secondaire organisé en deux cycles : les quatre premières années sont sanctionnées par le « Mała matura » ; au terme des deux années terminales, les élèves passent le « Matura », reconnu équivalant au Baccalauréat par les autorités françaises.

Entre 1940 et 1946, le Lycée va accueillir des filles et garçons provenant de diverses origines : des jeunes soldats polonais ayant pris part aux campagnes de Pologne, de Norvège et de France, des évadés des camps de prisonniers, les enfants des réfugiés polonais arrivés en France en 1939 et 1940, les enfants des émigrés d’avant-guerre établis dans les bassins miniers,…

Les cours du programme de base sont donnés par d’anciens professeurs et chargés de cours venus d’universités polonaises. Les cours de français par des enseignants autochtones. Le Lycée comptera chaque année quelque deux cents élèves en moyenne (cent vingt-cinq en 1940 et deux cent trente en 1946).

Après la fin de la guerre et la reconnaissance par l’Ouest du gouvernement communiste, Varsovie envoie un émissaire, nommé vice-directeur, pour prendre en charge les études sur la Pologne.

Le Lycée Cyprian Norwid de Villard-de-Lans fermera définitivement ses portes au terme de l’année scolaire 1945-46. Une partie des élèves continueront leur scolarité au Lycée Polonais à Paris, d’autres rejoindront des lycées français pour éviter un établissement considéré comme soumis à Moscou.

Mais quel est donc le rapport avec Comblain ?

Dans le livre qu’a consacré au Lycée un de ses anciens, Tadeusz Łepkowski, j’ai pu lire : « Presque dès l’instant où, en 1946, le lycée fut transféré à Paris… les « Villardiens » envisagèrent d’écrire son histoire, désormais achevée, de laisser un témoignage sur eux-mêmes. La plupart d’entre eux avaient à l’esprit de raconter l’histoire du Villard polonais, et non celle, réécrite pour les besoins propagandistes des autorités de la nouvelle Pologne populaire,… ».

N’est-ce pas ce à quoi nous invite aussi Jean-Pierre Dziewiacień ? Écrire notre histoire, celle de l’émigration polonaise en Belgique, celle de nos cités minières, de nos organisations, de nos fêtes et commémorations, celle de nos colonies de vacances, telles que nous les avons vécues, ressenties. Faisons-le avec ce qu’il faut de subjectivité, voire de mauvaise foi mais surtout avec notre cœur et nos tripes. Aidons Jean-Pierre à compléter ce livre, témoignons, racontons ; laissons une trace qui ne pourra être dévoyée. Merci mille fois à toi, Jean-Pierre. Félicitations et courage.

D’autres liens existent entre la communauté polonaise de Belgique et Villard-de-Lans : l’abbé Kazimierz Czajka y a été professeur, Zofia Kułakowska-Wajs et Anna Gralla, élèves. Mais ce sera pour une prochaine publication.

15/09/2020 : André Karasiński

SOURCES

TADEUSZ ŁEPKOWSKI, Une école libre polonaise en France occupée, © Mémoire du Lycée Cyprian Norwid – Villard-de-Lans (1940-1946), juin 2013. http://www. http://www.lycee-polonais.com

MONIKA SALMON-SIAMA Chapitre 24. Le lycée polonais Kamil Cyprian Norwid de Villard de Lans. Un lycée pour les Polonais dans le Vercors. 

https://books.openedition.org/septentrion/7231?lang=fr

T06 – Legenda o Smoku Wawelskim

La légende du dragon de la colline du Wawel à Cracovie  ( 1 )

 Il y a longtemps, bien avant que Mieszko, le prince des Polanes, ne fédère sous son autorité les peuples slaves vivant sur un territoire s’étendant de l’Oder à la Vistule, un château-fort fut érigé sur la colline du Wawel ( 2 ). Le noble roi Krak en était le seigneur.

La Principauté était belle et prospère et les sujets de Krak se réjouissaient d’être administrés par un souverain si bienveillant. La splendide ville fortifiée fut appelée Kraków – la ville de Krak. Kraków ( 3 ) se développa rapidement et séduisit les membres des tribus voisines qui se pressèrent en nombre à ses portes. Parmi les candidats en quête d’une vie meilleure se présenta un jeune cordonnier du nom de Skuba. Il aspirait à développer son propre atelier.

Tout se déroulait pour le mieux : les habitants de Kraków vivaient heureux, les journées s’écoulaient paisiblement.

Un jour pourtant, leur vie tranquille se mua en un véritable cauchemar : voici qu’apparut dans le ciel un énorme dragon ! Ses ailes immenses éclipsaient le soleil et son épaisse armure résistait aux flèches et aux épées. Le dragon élut domicile dans une grotte sous la colline et s’attaqua, pour se nourrir, à tout ce qui passait à sa portée : bétail, volailles et même de jeunes femmes. À partir de ce moment, à travers tout le pays et parmi les peuplades voisines, la bête féroce fut appelée « Smok Wawelski », le dragon du Wawel.

Peu à peu, par petits groupes, terrifiés par le dragon et horrifiés par ses exactions, les habitants commencèrent à quitter la ville. La cité se vida lentement, les rues bruyantes et animées se transformèrent en labyrinthes silencieux ; quitter sa maison devenait un acte de bravoure.

Se sentant démuni et désarmé face à cette situation tragique, le roi Krak se tourna vers ses conseillers et puis vers les chevaliers et les habitants de Cracovie. La décision fut prise de rassembler la fleur de la chevalerie slave afin de lui confier la mission de tuer le dragon du Wawel et de soustraire, ainsi, la forteresse à sa tyrannie. Le roi promit la main de sa fille Wanda à celui qui terrasserait la créature. Wanda était une princesse très belle et très sage qui avait beaucoup de prétendants ; ils se présentèrent en nombre pour défier le dragon.

Mais notre Smok n’avait pas l’intention de céder : quelques téméraires se présentant seuls dans la grotte furent immédiatement avalés et un sort identique frappa des chevaliers venus en groupe. De la même manière, le dragon dévora une armée d’une centaine de casse-cous équipés de boucliers et d’épées.

Toutes les pensées et réflexions de Skuba tournaient autour du dragon. « Ce n’est quand même pas possible que tout Kraków souffre à cause d’un seul monstre », maugréait-il. Pendant des jours et des jours il chercha un moyen de lui tendre un piège.

La ville avait été complètement désertée par ses habitants, l’atelier de cordonnerie était vide, il fallait agir. Skuba demanda à son contremaître une peau de mouton, comme celle dans laquelle on réalisait les pelisses. Curieux, dans un premier temps et incrédule devant le plan de son jeune cordonnier, le contremaître décida finalement de l’aider, redoutant seulement une pénurie de matière première. Notre petit cordonnier travailla dur pendant toute la nuit et finit par coudre une marionnette ressemblant à s’y méprendre à un mouton vivant. Il la farcit de soufre et partit la déposer à l’entrée du repère de la bête immonde. A son retour, les quelques courageux ou inconscients encore présents lui demandèrent s’il avait vu le dragon. Skuba répondit que ce dernier dormait dans la grotte et il dévoila le stratagème qu’il avait mis en place.

À un moment donné, un rugissement terrifiant retentit : le dragon avait dû se réveiller et dévorer le mouton. Tous escaladèrent les murs de la ville pour mieux voir l’horrible bête. Ils virent le Smok Wawelski avaler l’eau de la Vistule, tentant vainement d’éteindre le feu que le soufre avait déclenché. La bête ne parvint pas à se contrôler et bien que son ventre fût tendu comme une peau de tambour, il continua de boire jusqu’à ce qu’il finît par exploser. Tout le monde se précipita et dépiauta le monstre afin de s’assurer qu’il ne se relèverait plus.

Revenus de leur exil forcé, portant Skuba sur leurs épaules, les habitants déambulèrent joyeusement dans la ville. Le roi Krak, heureux que quelqu’un ait finalement vaincu le dragon du Wawel, accorda au cordonnier la main de sa fille, ce que la jeune Wanda accepta avec joie. La noce dura une semaine. Devinerez-vous ce que Skuba offrit à sa jeune épouse en cadeau de mariage ? Des escarpins en cuir de dragon ! Deux ans plus tard, Wanda mit au monde une petite fille toute mignonne à qui l’on donna le prénom de Żaganna.

06/06/2020 : André Karasiński

La grotte du dragon

Il est possible de visiter la grotte du dragon du Wawel pendant les mois d’été. Après avoir traversé un ancien puits et descendu 21 mètres, on parcourt une partie de l’ancienne demeure du dragon jusqu’à atteindre les rives de la Vistule.

Le dragon

À la sortie de la grotte, on trouve une grande statue du dragon, œuvre de Bronisław Chromy, créée en 1971. Le dragon crache du feu par la gueule toutes les cinq minutes. C’est une des attractions touristiques de la ville.

( 1 ) : Adapté du texte polonais « Smok Wawelski », disponible sur https://www.polskatradycja.pl/

( 2 ) : Fièrement dressée entre deux coudes de la Vistule, cette colline est le cœur historique de Cracovie et de la Pologne. S’y dressent, l’admirable cathédrale ainsi que le superbe château royal qui semblent veiller sur la vieille ville.

( 3 ) : En français : Cracovie

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T020 : Le dragon de la colline du Wawel à Cracovie.

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T021 : À la sortie de la grotte, on trouve une grande statue du dragon, œuvre de Bronisław Chromy, créée en 1971.

T022
T022 : Le dragon crache du feu par la gueule toutes les cinq minutes. C’est une des attractions touristiques de la ville.

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T023 : La grotte du dragon du Wawel : Après avoir traversé un ancien puits et descendu 21 mètres, on parcourt une partie de l’ancienne demeure du dragon jusqu’à atteindre les rives de la Vistule.

 

T05 – La Constitution du 3 mai 1791.

Le 6 octobre 1788, Stanisław August Poniatowski, dernier roi de Pologne, convoqua, avec le consentement de la tsarine Catherine II, la session du parlement dite Grande Diète ou Diète de quatre ans – Sejm Wielki ou Sejm Czteroletni. La mission, tardive et donc désespérée, que s’assigna la Diète fut la réforme de la gouvernance du pays et la restauration la souveraineté de l’Etat.

L’œuvre principale de la Diète fut l’adoption, le 3 mai 1791, d’une constitution, en fait d’une Loi de Gouvernement – Ustawa Rządowa z dnia 3 maja – régissant le système juridique de la République Unie de Pologne-Lituanie ( 1 ). La nouvelle constitution fut adoptée par acclamation durant la séance du 3 mai 1791 et sanctionnée à l’unanimité durant la séance du 5 mai.

La constitution comprenait 11 articles et disposait, entre autres :

  • La religion catholique est la religion de l’Etat et quiconque abandonnera son culte catholique pour un autre sera condamné pour apostasie mais la liberté religieuse et de culte est garantie ;
  • L’Union polono-lituanienne devient un État unitaire ;
  • La monarchie devient constitutionnelle (le roi règne mais ne gouverne pas) et héréditaire. L’élection libre du roi est remplacée par une élection au sein d’une famille (dynastie des Wettyn) ;
  • Séparation des pouvoirs : législatif (détenu par un parlement bicaméral), exécutif (aux mains du roi et du conseil de surveillance) et judiciaire (magistrature avec juges élus) ;
  • Limitation du pouvoir de la noblesse : abolition du liberum veto et introduction du vote à la majorité, limitation des immunités légales ;
  • Principe de la souveraineté populaire et droits politiques étendus à la bourgeoisie (y compris le droit à la sécurité personnelle, à la possession de terres, accès à des postes d’officier et dans l’administration de l’État, et même à l’acquisition d’un titre de noblesse);
  • Droits accordés aux citadins des villes royales ;
  • Les paysans sont placés sous la protection de la loi et de l’Etat ce qui permet l’intervention des autorités judiciaires et administratives ;

 En réalité, peu de changements ont été introduits temporairement dans la position des villages et des paysans ; le servage a été préservé et seuls les étrangers ont obtenu la liberté personnelle. La constitution invitait la noblesse et les paysans à conclure des contrats, ce qui a été compris par certains paysans comme l’abolition de la subordination féodale.

  • Constitution d’une armée nationale de 100.000 militaires.

La Constitution du 3 mai devait être la première étape d’un processus de réformes ; elle ne sera d’application que durant quelques mois.

En effet, le parti pro-russe s’opposa à la Constitution et forma la Confédération de Targowica à laquelle le roi lui-même finit par adhérer le 23 juillet 1792, abolissant la Constitution.

Une diète réunie à Grodno consentit au second démembrement du pays (1793) au profit de la Russie et de la Prusse. L’insurrection patriotique de Kosciuszko (1794) fut vaincue, le roi contraint à l’abdication et la Pologne partagée définitivement en 1795 entre la Russie, la Prusse et l’Autriche.

 Actuellement, bon nombre d’historiens polonais portent un jugement partagé sur la Constitution du 3 mai. « C’était un document exceptionnel, visionnaire, la preuve du patriotisme de l’élite polonaise et de sa volonté de réformer l’État. Mais les réformateurs auraient dû attendre un meilleur moment. La Constitution s’est avérée n’être qu’un testament. L’état qu’elle était censée servir, a disparu » – dit le prof. Andrzej Chwałba ( 2 ). Cette analyse moderne pourra faire l’objet d’une autre publication (3 mai 2021 ?), si vous en exprimez le désir.

Et pourtant, cette constitution éphémère occupe une place très importante dans la mémoire historique collective des Polonais. Pourquoi ? Pourquoi est-elle si très importante dans la vie de chaque Polonais ?

La Constitution du 3 mai est très importante pour les Polonais car des changements importants ont été introduits dans l’organisation des plus hautes autorités de la République de Pologne. Ce fut une étape importante sur la voie d’un type d’État moderne.

La Constitution du 3 mai est un élément tellement important de la mémoire collective, sans laquelle aucune communauté ne peut exister, car « la Pologne a retrouvé son indépendance à trois reprises : précisément le 3 mai 1791, le 11 novembre 1918 et le 4 juin 1989 », affirme l’historien prof. Henryk Samsonowicz ( 3 ).

Comme l’a souligné le prof. Janusz Odziemkowski ( 4 ), « la Constitution du 3 mai a mobilisé l’élite polonaise, a montré que nous pouvons prendre notre destin en main, que nous avons une idée pour la gouvernance de l’État et que nous pouvons nous sortir d’une situation très difficile. Tout au long du XIXe siècle, ce fut un vecteur certain, un liant auquel se référaient les chants et la poésie patriotiques ainsi que les soulèvements ». « Il y avait le sentiment que quelque chose de grand et de révolutionnaire se passait. Si seulement les élites polonaises pouvaient en profiter, si la direction de l’État était assurée par des personnes déterminées, dotées de qualités de leadership, notre histoire finirait peut-être mieux ».

« La Constitution du 3 mai reste pour les Polonais un modèle d’action politique et le mythe du sentiment national polonais, mythe qui nous rappelle que nous devons retrouver notre propre État, que nous en valons la peine » souligne la prof. Zofia Zielińska ( 5 ).

Rappelez-vous, durant notre enfance, notre jeunesse, dans toutes les régions de la Belgique, les associations des Polonais libres commémoraient chaque année la Constitution du 3 mai. Ils étaient fiers : la Constitution du 3 mai 1791 a été le premier acte juridique de ce type en Europe – deuxième au monde après la Constitution américaine de 1789 – précédant de 4 mois la Constitution française. Ils éprouvaient sans doute aussi beaucoup de nostalgie pour ce pays qu’ils avaient quitté, libre et qui était à nouveau, avec la complicité d’une minorité de Polonais, sous la coupe d’une puissance étrangère. C’est à ce sentiment double, fierté-nostalgie, qu’a fait un jour référence Lech Wałęsa : « …nous sommes si fiers de la Constitution du 3 mai qui espérait construire un État fort et libre qui apportait un espoir profond de souveraineté, d’indépendance et un espoir profond que nous surmonterions toutes les difficultés, que nous vaincrions nos ennemis éternels, que nous déciderions nous-mêmes dans notre propre pays. Tout cela était inscrit dans la Constitution du 3 mai ».

 Rappelez-vous, durant notre enfance, notre jeunesse, que de fois n’avons-nous pas entonné :

Witaj majowa jutrzenko
Świeć naszej polskiej krainie
Uczcimy ciebie piosenką
Pamięć twoja nie zaginie.

Witaj maj, Trzeci Maj!
U Polaków błogi raj.

02/05/2020 : André Karasiński

( 1 ) : Le texte en français de la Constitution du 3 mai 1791 est disponible sur :
https://mjp.univ-perp.fr/constit/pl1791.htm#1

 ( 2 ) : Andrzej Chwalba (né le 11 décembre 1949 à Częstochowa) – historien et essayiste polonais, professeur de sciences humaines, professeur à l’Université Jagellonne, spécialisé dans l’histoire du XIXe siècle, l’histoire des relations polono-russes, l’histoire de la Pologne moderne et l’histoire de Cracovie.

( 3 ) :  Henryk Bohdan Samsonowicz (né le 23 janvier 1930 à Varsovie – historien polonais, médiéviste et professeur universitaire, professeur de sciences humaines. Dans les années 1980-1982, recteur de l’Université de Varsovie, dans les années 1989-1991,  ministre de l’Éducation nationale du gouvernement de Tadeusz Mazowiecki. Chevalier de l’Ordre de l’Aigle blanc.

( 4 ) :  Janusz Józef Odzieżmkowski (né le 18 septembre 1950 à Łódź) – historien polonais, professeur de sciences humaines, maître de conférences et fonctionnaire. Professeur agrégé à l’Institut des sciences historiques de la faculté des sciences historiques et sociales de l’UKSW, il a également coopéré avec l’Université de la défense nationale, où il a lancé le département études européennes. Il étudie l’histoire universelle et l’histoire de la Pologne des XIXe et XXe siècles, l’histoire politique, la société polonaise du XIXe siècle, ainsi que l’histoire des conflits militaires et armés.

 ( 5 ) : Zofia Zielińska (née le 8 avril 1944 à Lviv) – historienne polonaise, professeure de sciences humaines, professeure universitaire Université de Varsovie. Dans ses travaux scientifiques, elle se spécialise dans les questions de l’histoire polonaise du XVIIIe siècle.

T016
T016 : Portrait du roi Stanisław August Poniatowski peint par Marcelleo Bacciarelli vers 1785.

T017
T017 : Première page d’un exemplaire original appartenant aux archives de la famille Potocki.

T018
T018 : Page de garde de la traduction en langue française éditée à Varsovie en 1791 par l’imprimerie Piotr Dufour.

T019
T019 : Tableau commémoratif (247 × 446 cm) peint par Jan Matejko en 1891.

 

T04 – Déclin de la « République unie de Pologne-Lituanie »

En introduction à l’article qui traitera de la Constitution du 3 mai, j’ai voulu situer cette dernière dans son contexte historique et rappeler très synthétiquement les points essentiels de l’histoire de Pologne qui sont indispensables pour en comprendre les effets réels et tenter d’expliquer la place importante qu’elle occupe dans la mémoire collective des Polonais.

En 1569, l’Union de Lublin formalisa le rapprochement qui existait entre la Pologne et la Lituanie depuis le mariage du roi de Pologne – roi et non reine ( 1 ) – Jadwiga (Hedwige d’Anjou) avec le grand-duc de Lituanie, Władysław II Jagiełło (Ladislas II Jagellon) ou, pour être complet, Jogaila Algirdaitis en lituanien. La noblesse polonaise avait joué un rôle primordial dans le choix de Jadwiga et de son mariage avec Ladislas Jagellon.

L’Etat nouvellement créé et que l’on appellera au XXe siècle la « République des Deux Nations » ( 2 ), est une monarchie élective et non héréditaire, caractérisée par un pouvoir monarchique très limité et encadré par une législation et une diète contrôlée par la noblesse. A partir de là, la puissance grandissante de la noblesse polonaise face au pouvoir central, va peu à peu mener le pays vers la division, l’anarchie et la disparition.

Après le décès en 1572 du roi Zygmunt August, le dernier Jagellon, le choix pour occuper le trône de Pologne va se porter de préférence sur un candidat étranger moins tenté d’affirmer son pouvoir ou de toucher aux privilèges des nobles ( 3 ).

L’affaiblissement de l’Etat fut encore accéléré après l’adoption du « liberum veto », principe constitutionnel inventé par la Diète en 1652 et selon lequel toutes ses décisions, en ce compris l’élection du souverain, devaient être prises à l’unanimité. Le système politique va encore s’affaiblir, le fonctionnement de la Diète va être bloqué et les puissances voisines – Autriche, Suède, Russie – vont imposer, tour à tour, leur candidat au trône.

Toutes ces ingérences étrangères vont priver la Pologne-Lituanie de son indépendance. Elle va devenir un simple enjeu territorial entre la Prusse, la Russie et l’Autriche. Finalement, lassées de ce petit jeu, sur proposition de Frédéric II de Prusse et malgré les réticences de l’Autriche, les trois puissances vont annexer, le 17 février 1772, un tiers du territoire de la République des Deux Nations. Ce sera le premier des « Trois Partages de la Pologne ».

En adoptant la Constitution du 3 mai 1791, la République accomplira un effort prodigieux pour réformer le système politique et sauver ce qui pouvait encore l’être. Trop tardive, cette tentative resta sans effets
Jouissant du statut de puissance européenne majeure dans la première moitié du XVIIe siècle, la Pologne finit par disparaître de la carte des états européens le 24 octobre 1795.

28/04/2020 : André Karasiński

1 ) En 1370, à la mort, sans héritier, de Casimir III dit le Grand, le denier des Piast, la couronne passe à son neveu Louis Ier roi de Hongrie. A son décès en 1382, la noblesse polonaise, désirant mettre fin à l’union personnelle entre la Hongrie et la Pologne, offre la couronne à sa fille Hedwige. Hedwige est couronnée à Cracovie le 16 octobre 1384 et porte le titre de roi (rex) de Pologne – et non pas de reine (regina) – pour indiquer qu’elle est monarque à part entière. Devenue patronne de la nation polonaise, Hedwige a été canonisée par le pape Jean-Paul II le 8 juin 1997. On la fête le 17 juillet.

2 ) Surnom créé par l’historien polonais Paweł Jasienica dans les années 1960.

3 ) Le premier des rois élus fut Henri de Valois, le fils du roi de France Henri II et de Catherine de Médicis. Elu roi de Pologne en 1573 sous le nom d’Henry Ier – Henryk Walezy – il ne régna que quelques mois. Apprenant la vacance du trône de France après le décès de son frère Charles IX, il se sauva de Pologne pour être couronné roi de France sous le nom de Henri III. Il était aussi le frère de Marguerite de France ou Marguerite de Valois, la célèbre reine Margot.

T03 – Pologne : les Fêtes nationales

La date du 3 mai approchant, et pour formaliser la réponse à une question que l’on me pose régulièrement sur la date de la fête nationale polonaise, je vous propose les quelques lignes qui suivent. En Pologne, la notion de « fête nationale » est plus complexe que celle que nous connaissons en Belgique ou en France.

Les Polonais distinguent d’ailleurs « Święto Narodowe » – de naród, nation – et « Święto Państwowe » – de państwo, état – que l’on traduit pourtant, dans les deux cas, par « Fête nationale ». De plus il existe aussi un certain nombre de « Dzień Narodowy » – Jour national – qui ont été déclarés « Święto Państwowe ».

Pour être complet, signalons que Fête nationale ne rime pas nécessairement avec jour férié. On compte 11 jours fériés dans l’année dont seulement 3 Fêtes nationales alors qu’on dénombre au total 12 jours de Fête nationale.

Deux jours sont appelés « Święto Narodowe » et on peut les considérer comme les deux jours de Fête nationale, au sens où nous l’entendons chez nous :

Le 3 mai, les Polonais commémorent la Constitution du 3 mai 1791 – Święto Narodowe Trzeciego Maja. Cette Constitution polonaise est le premier acte juridique de ce type en Europe et le deuxième au monde ( après la Constitution américaine de 1789 ).

Après la renaissance de l’État polonais en 1918, l’anniversaire de la Constitution du 3 mai a été officiellement reconnu comme Fête nationale en 1919. Après la Seconde Guerre mondiale, il a été célébré en 1946 et a donné lieu, dans de nombreuses villes, à des manifestations étudiantes. Suite à ces manifestations, les autorités communistes en ont interdit la célébration publique. Le 3 mai a été officiellement retiré en 1951 de la liste des jours fériés. La Fête nationale du 3 mai a été rétablie en 1990. Ce jour-là est un jour férié.

Le 11 novembre est la Fête nationale de l’indépendance – Narodowe Święto Niepodległości. Elle est célébrée pour commémorer le retour à l’indépendance de la Pologne en 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale, 123 ans après le dernier partage du territoire national en 1795. Le terme « Partages de la Pologne » – « Rozbiory Polski » – désigne les trois annexions successives ( 1772, 1793 et 1795 ) du territoire de la Pologne-Lituanie par l’Empire de Russie, le Royaume de Prusse et l’Empire d’Autriche-Hongrie.

Entre 1920 et 1936, les célébrations de la reconquête de l’indépendance se déroulaient exclusivement à Varsovie – le plus souvent le dimanche qui suivait le 11 novembre – et avaient un caractère strictement militaire. Le statut de jour férié n’a été accordé au jour de l’indépendance qu’en 1937.

En 1945, a été instituée la Journée nationale de la renaissance polonaise, célébrée le 22 juillet. En même temps, la Fête nationale de l’indépendance a été abolie.

Le 22 juillet 1944, a été publié le Manifeste du Comité polonais de libération nationale. En fait, ce document a été signé et approuvé par Staline le 20 juillet 1944 à Moscou, où il a été ensuite publié. Le Comité polonais de libération nationale – PKWN, Polski Komitet Wyzwolenia Narodowego – était un organe fantoche, créé à Moscou, à l’initiative des communistes polonais et d’une délégation du Parti ouvrier polonais. Il opérait sous le contrôle politique de Joseph Staline qui a pris la décision finale sur sa création, son nom, son statut et sa composition.

La célébration du 22 juillet a été abolie en 1990.

La Fête nationale de l’indépendance du 11 novembre a été rétablie en 1989 et est, évidemment, un jour férié.

NB : Le troisième jour de fête nationale férié est le 1er mai, jour de Święto Państwowe, officieusement appelé Fête du travail et instauré en 1950.

23/04/2020 : André Karasiński

 

T02 – Śmigus-Dyngus

En Pologne, les festivités de Pâques se clôturent joyeusement le lundi par la tradition du Śmigus-dyngus durant laquelle familles et amis se versent de l’eau les uns sur les autres. Plus particulièrement, les garçons aspergent les filles célibataires d’eau et fouettent leurs jambes avec des branches de saule.

À l’origine, Śmigus et Dyngus étaient deux coutumes distinctes. Elles viennent des rites païens des tribus slaves originelles. La coutume consistant à s’arroser à l’eau serait apparue sur les terres polonaises avec la princesse Wanda, dont on situe le décès en l’an 750. Wanda est une princesse légendaire, fille du légendaire roi Krak, fondateur de Cracovie.

Śmigus consistait à fouetter les jambes avec des rameaux de saule ou de palmier et à asperger le corps avec de l’eau froide. Cette habitude symbolisait la purification printanière de la saleté et des maladies. Plus tard, l’Église l’a introduite dans le rite de ce qui est appelé le « Lundi Arrosé » ( lany poniedziałek ) et qui est une partie intégrante des fêtes de Pâques, l’eau symbolisant la résurrection du Christ qui nous sauve du péché.

Les slaves croyaient aussi que l’arrosage à l’eau était propice à la fécondité. C’est pourquoi c’étaient surtout les jeunes filles en âge de se marier qui faisaient l’objet de cette coutume. Celle qui n’avait pas été arrosée en éprouvait de la colère et de la crainte car cela signifiait un manque d’intérêt des garçons pour sa personne et un risque de rester célibataire.

Dyngus consistait à se rendre visite mutuellement au printemps après la longue période d’un hiver très rigoureux et donc peu propice aux sorties. En se rendant les uns chez les autres, les gens apportaient des cadeaux, des collations ainsi que le casse-croûte pour un éventuel vagabond. L’ambiance de ces visites était rythmée par des chansons, des récits … C’était aussi l’occasion pour les pauvres de pouvoir goûter des plats faisant partie du menu d’autres familles.

Petit à petit les deux coutumes se sont fondues en une seule. Sauf en Cachoubie – région lacustre qui s’étend au sud-ouest de Gdansk, et où se situe Sierakowice, ville jumelée avec Saint-Ghislain – où la flagellation symbolique perdure jusqu’à nos jours, l’arrosage à l’eau ( étendu à tout le monde ) s’est imposé. On peut toutefois s’y soustraire en offrant des œufs colorés et décorés.

13/04/2020 : André Karasiński

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T012 : Dyngus.

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T013 : Dyngus.

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T014 : Dyngus.

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T015 : Dyngus.

 

T 01 – Święconka ou « panier béni »

Pour se changer un peu les idées et oublier momentanément le Covid-19 et le confinement qui lui a été associé, et à l’intention de ceux que les traditions venues d’ailleurs intéressent, je vous propose quelques lignes à propos d’une coutume pascale polonaise.

En Pologne, Pâques est la fête religieuse la plus ancienne et la plus importante. Comme pour les catholiques du monde entier, cette fête commémore la résurrection du Christ et marque la fin du jeûne du Carême. A côté des célébrations strictement religieuses qui débutent le Dimanche des Rameaux et se terminent le Dimanche de Pâques, en passant par les célébrations du Jeudi Saint, Vendredi Saint et de la Vigile pascale le Samedi Saint, il existe, dans la tradition polonaise diverses coutumes – chrétiennes et populaires – liées à cette fête.

Je voudrais décrire rapidement la coutume appelée Święconka ou « panier béni ».
Le Samedi Saint, les familles se rendent à l’église avec un panier garni afin de le faire bénir par le prêtre. La coutume chrétienne de bénir la nourriture est née au 8ème siècle, bien qu’elle n’ait été adoptée en Pologne qu’au 14ème siècle. Au départ, les prêtres se rendaient dans les maisons des paysans riches et bénissaient toutes les denrées qui se trouvaient sur la table. Pour éviter aux ecclésiastiques de courir d’une maison à l’autre, la bénédiction a été transférée aux églises et les tables richement dressées se sont transformées en paniers symboliques.

Qu’est ce qui doit se trouver dans le panier, le plus souvent un panier en osier ?
Le pain – le produit de base, symbolise le corps du Christ ;
Les œufs – le deuxième produit le plus important après le pain, est un signe de renaissance. Ces œufs sont peints et décorés ( pisanki, en polonais ) ;
L’agneau – en pâtisserie, chocolat ou sucre – symbolise la victoire de la vie sur la mort ;
Les saucisses et charcuteries – symbolisent la prospérité, la fertilité et la santé ;
Le fromage – signifie amitié entre l’homme et les animaux de compagnie ;
Le sel – symbolise la purification ;
Gâteau ( babka, baba ) pascal – symbolise l’habileté et la perfection ;
Le raifort – est un signe de force physique et de vigueur ;
Le poivre – l’association avec le sel exprime durabilité, immortalité ;
Le beurre – un symbole de prospérité ;
Le panier doit également être garni par du buis. Bien qu’il ne soit qu’un ornement, le buis a son symbolisme propre – cela signifie joie et espoir en la résurrection.

Après la messe solennelle du Dimanche de Pâques, les familles se réunissent pour rompre le jeûne par un petit-déjeuner festif ; au milieu de la table, parmi d’autres plats, trône le panier béni. Le repas commence par le partage d’un œuf béni et l’échange mutuel de vœux entre tous les participants.

Bonne fête de Pâques à tous.

12/04/2020 : André Karasiński

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T001 : Święconka ou « panier béni ».

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T002 : Święconka ou « panier béni ».

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T003 : Święconka ou « panier béni ».

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T004 : Święconka ou « panier béni ».

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T005 : Święconka ou « panier béni ».

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T006 : Święconka ou « panier béni ».

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T007 : Święconka ou « panier béni ».

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T008 : Święconka ou « panier béni ».

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T009 : Święconka ou « panier béni ».

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T010 : Święconka ou « panier béni ».

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T011 : Święconka ou « panier béni ».