Il y a quelques jours, Monsieur Edmond De Koker nous avait expliqué comment il avait vécu 16 mois à l’hôtel du Parc durant la seconde guerre mondiale. Je lui ai demandé s’il n’avait pas d’autres souvenirs. Voici donc la suite de ses souvenirs … vieux de 79 ans !
À la lecture de ce qui suit, vous verrez que Mr De Koker ne croit pas aux coïncidences – moi non plus – et que c’est là, sur les hauteurs de Comblain, qu’il a découvert en 1944 … le jazz !
« J’ajoute que :
C’est tout à fait par hasard que je suis tombé sur votre site et les souvenirs vieux de 79 ans ( ! ) ans se sont réveillés. C’était la guerre on espérait tout le temps que le jour suivant ne serait pas plus mauvais que le précédent. Ce n’était pas à proprement parler des colonies de vacances, on n’était pas là pour s’amuser, même si aux récréations nous jouions. Les promenades extérieures étaient rares. Les jours se suivaient inlassablement, à l’abri des bombardements ( je ne me souviens pas d’une seule alerte lors du séjour – et il fut long ). Nous étions là pour soulager nos familles qui étaient en difficultés, en les déchargeant de nos frais de nourriture sans intervention financière. Dans le milieu qui fréquentait ces lieux il n’y avait pas à l’époque de matériel photographique, donc pas de photo de ces joyeux ( ? ) moments.
Mon dernier souvenir, plaisant celui-là, se déroula quatre à cinq jours après notre libération. Après avoir vu les américains passer de l’autre côté de l’Ourthe avec tout leur matériel en direction de Liège, nous fûmes invités à visiter Leur camp de repos. C’est en rang que nous traversons le pont en bois qui surplombait les ruines de l’explosé et nous montons la côte qui nous mène à Comblain Fairon. Là sur le sommet, à gauche de la route, dans les prés et les vergés, une étendue de tentes, de camions, de ces petits véhicules qu’ils appellent jeep, et d’autres véhicules disons plus guerriers.
Nous entrons dans l’enceinte et on nous invite à circuler librement dans le camp. Nous sommes immédiatement happés les uns et les autres dans toutes ces tentes et ils nous invitent à goûter à toutes leurs nourritures. On découvre ou on retrouve, les oranges, le chocolat, la viande en boîte, le coca ( qui ne nous plaît pas car il a un goût de produit pharmaceutique ), du pain BLANC ! mais que l’on trouve cotonneux après le gris collant, les paquets de chewing-gum ( ils doivent nous expliquer le fonctionnement car cette chose nous est inconnue ), bref c’est bombance ( il y aura quelques indigestions le soir ) ils nous remplissent les poches !
Mais nous découvrons autre chose, une autre nourriture, il y a de la musique partout, une sonorité, un rythme, jamais entendu. J’entends des voix de femmes un peu nasillardes, des ouwap-ouwaps d’un trombone, mes oreilles viennent de découvrir les Andrews Sisters et Glen Miller mais je ne le sais pas encore, bref je découvre le jazz et je ne le sais pas ( il n’y a pas de traducteur ! ), mais il ne me quittera plus.
Le retour vers l’hôtel sera bruyant, chacun voulant dire à l’autre ce que lui, a vu. À la soirée il y a quelques indigestions pour nos estomacs un peu malmenés par un excès auquel nous ne sommes plus habitués. Mais quelle belle journée dans nos oreilles et dans nos yeux lorsque nous les fermons recrus de fatigue.
Bizarrement, une dizaine d’années plus tard, je décide de partir en vacances en vélo avec un ami, nous voulons aller au Luxembourg en faisant étape dans les fermes, dès le premier jour nous n’en trouvons pas. Nous n’avons pas pensé que les fermes ne sont pas sur les grand-routes. Il fait noir au-dessus d’une côte, on voit vaguement quelques meules de foin, et des vaches qui toussent. Nous décidons de nous abriter au pied d’une meule et nous sombrons dans le sommeil. Au petit matin je me réveille et je constate avec stupeur que j’ai passé la nuit dans le camp des américains.
Voici un récit MAGISTRAL qui est arrivé un matin sur le blog des Anciens de Comblain.
L’auteur – Monsieur Edmond De Koker – raconte comment à l’âge de 9 ans, il a séjourné pendant 16 mois à l’Hôtel du Parc – notre Centre Millennium – entre Juillet 1943 et Octobre 1944. L’hôtel était alors transformé en … colonie de vacances pour protéger les enfants des bombardements.
Monsieur De Koker nous plonge dans ce que fut sa vie sous l’occupation et comment lui et ses condisciples ont vécu l’arrivée des américains et la libération à Comblain-la-Tour.
Ce témoignage est très intéressant parce qu’il relate une période – celle de la seconde guerre mondiale – dont nous n’avions encore jamais parlé … par faute de connaissance, mais il est aussi particulièrement bouleversant ! En effet, il arrive à un moment où tant d’autres enfants souffrent à nouveau sous les bombes … où ces bombes tombent à quelques kilomètres à peine des frontières polonaises … où l’Europe à nouveau s’embrase … où il faut à nouveau sauver les enfants de la folie des adultes.
Voici le récit de Mr Edmond De Koker :
« Je revois les photos de l’endroit où, à neuf ans, j’ai vécu seize mois ( du premier juillet 1943 à la fin octobre 1944 ). Pendant la guerre, l’Hôtel du Parc a été occupé par des colonies de vacances, tout comme l’Hôtel du Pont de Comblain-la-Tour, pour écarter les jeunes des villes des risques de bombardements fréquents les nuits par les anglais et le jour par les américains.
Deux institutrices de Herstal s’occupent des cours et nous surveillent lors de nos jeux dans le parc d’où l’on aperçoit le Rocher de la Vierge. Médicalement nous sommes suivis par le docteur local que nous avions baptisé Docteur Rubiazol, du nom du médicament qu’il utilisait pour presque tous les maux, du mal de tête à la jaunisse.
À partir de juin 1944, débarquement des alliés, les déplacements des parents sont très rares et malaisés. Début septembre les troupes américaines s’approchent de Hamoir. Nous sommes excités, et, avec l’aide des institutrices et du personnel on bricole des drapeaux et des banderoles en papier aux couleurs de la Belgique ainsi que des Alliés.
Quand, catastrophe, on est prévenu que les allemands arrivent. On enfourne tout en vrac dans des caisses que l’on transporte sur le toit de la partie arrière de l’hôtel. Ouf, tout est caché à temps. C’est l’arrière-garde allemande, ils creusent trois emplacements le long de l’Ourthe qui longe le parc et d’où ils ont en enfilade la route Hamoir-Liège.
Tout le personnel civil et les enfants sont confinés dans l’hôtel. On tremble en espérant qu’ils ne montent pas sur le toit où sont cachés nos drapeaux. Le comble, on entend tirer des coups de feu dans les arbres du rocher de la Vierge, ce sont les résistants qui s’entraînent, et les allemands sont extrêmement nerveux.
Les enfants et le personnel de l’hôtel du Pont nous rejoignent et nous devrons dormir tous au sous-sol. Au milieu de la nuit, une forte explosion retentit des morceaux de béton fracassent des fenêtres et blessent quelques enfants sans trop de gravité. Les allemands viennent de faire sauter le pont.
Au petit matin, nous sortons. Les soldats sont partis les mitrailleuses n’ont pas été utilisées. Une voiture se présente à la grille, deux hommes avec mitraillettes couchées sur les garde-boue et deux autres sur les marchepieds arrières, au volant le docteur Rubiazol. Ce sont les maquisards qui viennent nous libérer.
On monte sur le toit récupérer nos drapeaux et nous les déployons pour saluer les américains qui passent sur l’autre rive en direction de Liège. Il faudra encore un mois avant que tous les enfants retrouvent leurs parents.
Pour ma part, je fus le dernier à retourner à Herstal avec les institutrices et sortant de la gare des Guillemins nous fûmes accueillis par les sirènes et survolé par un petit avion avec un tuyau qui pétaradait comme une vieille moto et qui s’écrasa un peu plus loin dans une énorme explosion. Nous venons de faire connaissance avec les V1 et comprenons que tout n’est pas fini ».
Suite de nos aventures italiennes par Malvina Rusowicz :
Nous n’eûmes pas que des déconvenues durant nos vacances italiennes. Ainsi à Venise, après l’inévitable traditionnel tour en gondole, nous marchâmes longtemps, trop heureux de retrouver le plancher des vaches.
Soudain le coin d’une ruelle plus commerçante offrit à nos yeux effarés, le plus inattendu des spectacles : Dans l’angle ombragé de la venelle, un gigantesque soupirail vitré nous livra le secret d’un atelier, où trois verriers travaillaient passionnément ! Ils se mouvaient en silence, prélevant la matière molle et brûlante, au bout de longues tiges pour la modeler avec une précision chirurgicale et des outils appropriés. Avec des gestes parfaitement synchronisés, ils alliaient imagination et compétence afin de créer « l’œuvre » dans le recueillement au fond de l’atelier en sous-sol.
Ces artistes évoluaient quasi religieusement autour d’un arbre, un arbre mort … de deux pieds de haut, tout au plus, avec des branches tristement dénudées après l’hiver.
Chaque homme s’ingéniait à lui insuffler un peu de vie en l’habillant délicatement de jeunes feuilles verdoyantes, de fleurettes fraîchement écloses, de nids minuscules habités par des oiseaux imaginaires qui veillaient sur leur couvée. Rien n’y manquait, ni les nervures du feuillage ni le relief des plumes et même, détail attendrissant, certaines coquilles d’œuf commençaient à se fendiller.
J’ignore combien de temps, nous restâmes agglutinés à la vitre, à vivre, le cœur palpitant, à la résurrection de l’arbre. Depuis lors, j’éprouve toujours la même émotion, quand j’ai l’occasion d’admirer un ouvrage en provenance de Murano.
Jerzyk ne nous avait pas accompagnés sur ce coup-là ; Avec des potes français, il pensait s’offrir une glace sur une terrasse, où l’on jouait du violon … Heureusement, ils ont aperçu les tarifs avant de commander et ils ont tous décampé comme un envol de pigeons.
Je ne suis pas tout à fait sûre de cette dernière anecdote, Georges Bardo était si excité en nous la racontant et moi, encore trop hallucinée par le travail de trois maîtres verriers.