Voici encore quelques tableaux à accrocher au petit musée de notre mémoire … ! Ils représentent des scènes d’une vie ordinaire mais dans un endroit qui, lui, ne l’est pas du tout … !
À première vue, ces tableaux n’ont pas grand-chose en commun : les photos ont été prises à des époques différentes, les personnages sont différents et ne se connaissent sans doute même pas, ce ne sont pas les mêmes photographes qui ont immortalisé ces instants-là …
Aussi, s’il fallait écrire quelques mots pour inaugurer cette galerie-là, on aurait beaucoup de mal à trouver le fil d’Ariane capable de relier tous ces tableaux … à part, très certainement, le plaisir partagé lors de ces instantanés de vie, saisis au vol … !
On pourrait alors pousser la réflexion un peu plus loin et s’interroger sur ce que nous avions réellement en communou ce qui faisait que là, nous nous sentions tous si bien ?
Bien sûr, on pourrait être tenté de rechercher la réponse dans le fait que nous étions tous polonais, tous catholiques pratiquants, tous issus de l’immigration, tous … Mais ce type de réponse serait un peu réducteur et ne correspondrait pas à la réalité des faits. Cela pourrait donner l’impression qu’il y avait une volonté de se retrouver entre soi, qu’il y avait comme une forme de sélection, pour ne pas dire de « ségrégation » qui n’avait cependant pas cours, à l’époque à Comblain.
C’est au contraire le mot « ouverture » que j’associe spontanément à la formidable mixité qui régnait durant les colonies. Rappelez-vous … combien d’entre nous ne parlaient qu’un polonais approximatif ? Combien ne le parlaient pas du tout ? Combien d’entre nous n’avaient qu’un seul parent d’origine polonaise, ou aucun des deux ? Il suffirait de retrouver les noms de famille de tous les participants pour en être persuadé. Et ça n’a jamais posé le moindre problème à personne.
Ce n’est pas non plus notre lieu de résidence, ni la langue que nous parlions quotidiennement qui nous rapprochaient. À Comblain, on venait des 4 coins de la Belgique et même d’ailleurs. À Comblain, on parlait polonais, mais aussi néerlandais, français, anglais, allemand … et, même sans être polyglotte, tout le monde se comprenait. La langue n’a jamais été un obstacle pour nous. Nous avons appris très jeune à utiliser les mots pour en faire des ponts et non pas des barrières, ni des murs. Je n’ai pas le souvenir d’avoir croisé un seul enfant mis à l’écart pour sa différence d’appartenance à tel ou tel groupe linguistique ou autre … J’ai par contre d’innombrables souvenirs d’enfants et d’adolescents se traduisant les consignes, les plans pour de futures bêtises et les histoires drôles … et tout le monde s’amusait des mêmes choses. Et c’est maintenant le mot « légèreté » qui s’impose dans mon esprit. C’est lui qui reflète le mieux notre état d’esprit d’alors.
Une fois sur place, on découvrait des « étrangers » qui devenaient très vite des amis. Personne ne songeait à économiser ses efforts, ni à se protéger … se protéger de qui ? On avait confiance. Cette « confiance » était spontanée, naturelle et sans aucune arrière-pensée. Elle transpirait de partout, et tous les visages souriants qu’on croisait n’étaient que l’expression d’une confiance intérieure qui semblait inépuisable. Elle était même à l’origine de tout. Car il leur a fallu une sacrée confiance, quand « ils » ont décidé de se lancer dans cette aventure et acheter l’Hôtel du Parc … de la confiance les uns dans les autres … de la confiance envers la communauté polonaise – sans qui ils n’auraient pas pu financer l’achat – mais aussi de la confiance dans l’avenir et dans les générations futures.
C’est ainsi, qu’avec ces trois valeurs « ouverture, légèreté et confiance », le rêve de quelques-uns est devenu le petit paradis de tant d’autres.
Depuis, nous avons grandi. On nous a convaincus qu’il était important d’être raisonnable, sérieux, réfléchi.
On nous a appris qu’il fallait être plus méfiant, qu’il fallait savoir tenir une certaine distance avec les autres … surtout quand ils étaient trop différents … On sait maintenant faire la part des choses, veiller à nos intérêts, jauger les avantages et les risques du quotidien, distiller notre confiance et notre amitié ; pour un peu, on aurait perdu notre belle âme d’enfant …
Mais quand on y pense, il suffit de pas grand-chose pour retrouver un peu de la magie de cette enfance révolue : quelques souvenirs évoqués sur la page des Anciens de Comblain, quelques retrouvailles d’anciens et les galeries du petit musée de la mémoire s’éclairent soudain de mille sourires …
Merci pour vos visites et n’oubliez pas le guide … n’oubliez pas que le guide, c’est vous et que ce petit musée de la mémoire est appelé à grandir chaque fois que nos souvenirs communs seront évoqués et partagés !
26/03/2018 – JP Dz
1.144 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko sur le terrain de volley-ball : ( ? ) ; ( ? ).1.145 : COMBLAIN-LA-TOUR : Dans le réfectoire, anniversaire de Pani Załobek : Au centre, Pani Załobek ; autour, Pani Bardo ; … ; Mr Joseph Szczepanski ; Léo Wattiez ; … ; ( ? ) ; Georges Bardo ; Isabella Cosaro ; Luciano Cosaro ; Christine Mironczyk ? ; … ; ( ? ).1.146 : COMBLAIN-LA-TOUR : Rue des Ecoles : ( ? ) ; Richard Musiał ; Yollande Hordynska.1.147 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant le perron : ( ? ) ; Yolande Lewandowska ; ( ? ).1.148 : COMBLAIN-LA-TOUR : En promenade : ( ? ) ; … ; Piotr Rozenski ; … ; ( ? ).1.149 : COMBLAIN-LA-TOUR : Deux cuisinières devant l’Ourthe : Madame Dziewiacien ; Madame Bujanowski.1.150 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant le perron : Madame Wojas ; ( ? ) ; ( ? ).1.151 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant le perron : ( ? ) ; ( ? ).1.152 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1979 : Sur le perron : Fabienne Laffut ; Michel Konarski ; Richard Chwoszcz ; Thérèse Spiewak ; ( ? ) ; ( ? ).
C’est encore une bien triste nouvelle que je dois vous annoncer.
Celui qui nous a quittés aujourd’hui est une personnalité qui a beaucoup œuvré pour la communauté polonaise de Belgique, spécialement à Charleroi, et qui a largement contribué à l’essor de Comblain-la-Tour.
Si vous relisez l’article n° 100, consacré à la générosité, vous vous souviendrez de l’action de Monsieur Eugeniusz Piech. La Narodowiec du 21/06/1979 lui rendait hommage … c’était déjà il y a 40 ans …
C’est donc le papa de Christine et Hélène Piech qui s’en est allé. Nous voulons nous associer à leur douleur et leur témoigner, ainsi qu’à André et Janusz, notre profonde tristesse ainsi que notre amitié indéfectible.
Les Anciens de Comblain.
0648 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant le rocher de la vierge : Monsieur et Madame Eugeniusz Piech.
Si certains venaient à Comblain en train, d’autres arrivaient en autocar ; ceux-là, venaient de loin, parfois de très loin … d’Allemagne, de Grande-Bretagne, des Pays-Bas. Du coup, chaque fois qu’un autocar ( on ne disait pas encore « car » à l’époque ) franchissait la grille d’entrée du Centre Millennium, il générait toutes sortes d’émotions et forcément, des attroupements s’organisaient, comme sur les photos en annexe.
Quand le véhicule amenait de nouveaux « vacanciers », c’était surtout la curiosité qui prédominait : « Qui sont les nouveaux arrivants ? À quoi ressemblent-ils ? Est-ce que ceux de l’année passée sont revenus ? Allons-nous nous entendre avec eux ? Sont-ils aussi sympas que ceux de la dernière fois ? ». Cette curiosité qui nous animait était cependant teintée d’un brin d’inquiétude, il faut bien l’avouer : « Ils ont l’air nombreux, aurons-nous assez de place pour loger tout le monde ? Ne devrons-nous pas changer de chambre et nous serrer ? Jusque-là, on avait nos aises … pourvu que ça dure ! ».
Nous tentions alors, de deviner, à travers les vitres qui étaient les enfants ou les adolescents … Ce n’est pas seulement les enfants et les ados du car qu’on essayait de deviner à travers les vitres, on essayait aussi de savoir combien d’adultes les accompagnaient. Avec l’expérience, on avait appris que si le nouveau groupe était trop bien organisé et suffisamment encadré, il finirait par nous imposer son mode de fonctionnement ; et nous, on n’avait pas trop envie qu’on nous impose d’autres habitudes. Et quand ils commençaient à descendre, on tendait l’oreille, histoire d’apprendre s’ils parlaient mieux polonais que nous.
Au bout de quelques minutes, à force de dévisager un par un chacun des arrivants, on pensait reconnaître celui-ci ou celle-là : « On dirait que c’est Hania ? Lui, il ressemble beaucoup à Andy … mais je ne suis pas sûr. ». Les premiers contacts étaient réservés, voire prudents. Il ne fallait pas brusquer les choses. Et par où commencer ?
Heureusement, les valises des filles étaient toujours là pour nous offrir une bonne occasion de créer les premiers contacts : elles étaient tellement lourdes qu’on en profitait pour proposer notre aide … c’était la meilleure façon d’établir les premiers liens et la meilleure des entrées en matière …
Le même soir, toutes les inquiétudes et tous les a priori avaient disparu ; c’était comme si on se connaissait depuis toujours.
Par contre, quand le même autocar venait rechercher nos nouveaux amis, c’est la tristesse qui prévalait. On s’en voulait de n’avoir pas suffisamment passé de temps avec eux, de n’avoir pas eu le cran d’avouer, à celle-ci, combien elle allait nous manquer et à celui-ci, les sentiments qu’il nous inspirait. Et le temps était passé tellement vite … On se prenait à rêver que le moteur refuse de redémarrer ou qu’un incident suffisamment grave empêche le départ. Juste gagner encore un jour … une soirée … quelques heures. Mais le miracle ne s’est jamais produit. Tout au plus, le car repartait avec quelques dizaines de minutes de retard par rapport l’horaire prévu. Ensuite … le parc nous semblait soudain, tellement vide …
Parfois, quand un autocar franchissait la grille, à vide, ce n’était pas pour amener ou emporter des enfants, il venait nous chercher tous pour faire une excursion ensemble quelque part dans les Ardennes. Ça n’arrivait pas chaque année. Nous embarquions alors tous, excités et curieux, pour une fois qu’on allait promener sans devoir marcher. C’est ainsi qu’on a pu découvrir quelques destinations plus ou moins insolites. Eveline et moi, nous nous souvenons d’avoir visité, avec la colonie, Coo et sa cascade, mais aussi l’entreprise de mise en bouteille de Spa.
Ce qui nous avait marqués lors de cette visite, c’était le bruit infernal des milliers de bouteilles de verre ( à l’époque, elles étaient toutes en verre ) qui s’entrechoquaient les unes contre les autres sur les immenses tapis roulants de la chaîne d’embouteillage. On se demandait comment des travailleurs pouvaient supporter pareille tintamarre ? C’était épouvantablement assourdissant et désagréable. Je me demande si ce n’est pas là que j’ai été définitivement dégoûté de … boire de l’eau ?
19/03/2018 – JP Dz
1.137 : COMBLAIN-LA-TOUR : Les autocars : Mme Dziewiacien ; Mme Bujanowski ; ( ? ) ; … ; Pierre Front ; Marek Bujanowski ; Jean-Pierre Dziewiacien ; Alexis Łagocki ; Eveline Ogonowski ; Francine Załobek ; Malvina Rusowicz ; … ; ( ? ).1.138 : COMBLAIN-LA-TOUR : Les autocars : ( ? ) ; … ; Ks Kurzawa ; … ; Mme Kołodziejka ; … ; Mr Józef Rzemieniewski ; … ; ( ? ).1.139 : COMBLAIN-LA-TOUR : Les autocars : ( ? ) ….1.140 : COMBLAIN-LA-TOUR : Les autocars : ( ? ) ; … ; Pierre Bartnik ; Pan Bardo ; Marek Bujanowski ; ( ? ) ; Géniu Bujanowski ; Daniel Pietka ; le bout du coude de Jean-Pierre Dziewiacien.1.141 : COMBLAIN-LA-TOUR : Les autocars : ( ? ) ; … ; Mme Dziewiacien qui regarde vers le photographe qui n’est autre que son fils.1.142 : COMBLAIN-LA-TOUR : Les autocars : Ks Kurzawa ; … ; Mr Józef Rzemieniewski ; … ; Marek Bujanowski ; Michel Mikolajczyk ; … ; Alexandre Persich ; … , ( ? ).1.143 : COMBLAIN-LA-TOUR : Les autocars : ( ? ) ; … ; Ks Kurzawa ; … ; ( ? ) ; … ; Zdzisław Blaszka ; … ; ( ? ) ; ( collection Zdzisław Blaszka ).
Zalecoł mi się łoj Swierzyn, łoj Swierzyn, łoj Swierzyn świniorz
I co niedziela tu do mnie, tu do mnie, tu do mnie przyloz
I choć padało, choć było ślisko, to się przywlekło to świniorzysko
I choć padało, choć było ślisko, to się przywlekło to świniorzysko
Jak my się mieli ze sobą, ze sobą najbardziej cieszyć,
To on się musiał do swoich, do swoich, do świń się spieszyć.
I choć padało, choć było ślisko, to uciekoło to świniorzysko.
I choć padało, choć było ślisko, to uciekoło to świniorzysko.
Napisał ci mi na bibu, na bibu, na bibulinie,
Że mnie tak kocha, jak swoje, jak swoje, jak swoje świnie
A ja mu na to, na papiurecku – zeń się ze świnią , mój świniorecku
A ja mu na to, na papiurecku – zeń się ze świnią , mój świniorecku
L’Hostellerie Saint-Roch, que nous avons si bien connue, ne s’est pas toujours appelée ainsi.
En effet, c’est dans un ancien relais de Poste qu’a été fondé en 1898, par deux frères commerçants en chaussures, un hôtel de luxe. L’établissement s’appelait à l’origine l’Hôtel de la Gare, puis il a pris le nom de l’HôtelGillard ( plus exactement : Veuve Gillard / Philippin ). Déjà il était connu pour être l’endroit idéal pour jouer au billard.
Finalement, l’hôtel fut repris, en 1946, par un hôtelier, Mr Cawet, dont l’établissement ( le « Saint-Roch », à Houffalize ) avait brûlé pendant la guerre 44 – 45. En souvenir, il lui donna le nom de cet hôtel qui deviendra ainsi : l’Hostellerie Saint-Roch. Sur certains documents, on peut encore lire le nom de : Hôtel Cawet, du nom de son propriétaire, mais cette appellation n’est pas conforme. Durant 66 années, l’hôtel sera tenu par la même famille. En 1972, Mme Nicole Cawet ( la fille de Mr Cawet ) et son mari, Mr Francis Dernouchamps reprennent le flambeau et seront, durant 40 ans, à la tête de l’établissement jusqu’en 2012 … année de l’arrêt des activités.
L’Hostellerie Saint Roch – Rue du Parc, 1 à Comblain-la-Tour est devenue un établissement de grand standing. Il a été régulièrement récompensé et ce durant de nombreuses années. Il figurait en bonne place dans le Guide des Relais & Châteaux, où il faisait partie des 453 restaurants et hôtels dans le monde les mieux cotés. Quant à la cuisine de Mr Dernouchamps, elle lui a valu 1 étoile au Guide Michelin ; 2 toques au Guide Gault & Millau et 4 toques ( = classé dans les Top 20 ) + 4 rubis ( = cadre prestigieux ) par le Guide Lemaire 2005.
Tout naturellement, de nombreuses personnalités en vue ont séjourné ici. Durant le Festival de Jazz, Benny Goodman et Roger Moore y logèrent. Mais aussi Eddy Mitchell, Patachou, Ayrton Senna et Alain Prost. Il faut dire que le circuit de Spa – Francorchamps n’est pas bien loin.
D’ailleurs à propos d’automobile, il paraît évident que les gens qui pouvaient se permettre, à l’époque, un séjour à l’Hostellerie Saint Roch étaient relativement aisés … voire riche. Du coup, ce sont les mêmes qui avaient les moyens de se payer les premières automobiles. Quand ils débarquaient à Comblain-la-Tour, ils venaient avec leurs véhicules. Si vous regardez les photos 1.130 à 1.134, vous verrez ces ancêtres stationnant devant l’hôtel.
Aujourd’hui, c’est toujours le cas. Sur la photo 1.135, vous pouvez voir encore une de ces « vieilles carrosseries » attendant son maître à l’arrière de l’hôtel … et je ne parle pas de ma femme en rouge, mais plutôt de la bagnole en vert juste derrière elle(*). La photo 1.136, prise le même jour en façade, montre encore un autre ancêtre ; ces deux dernières photos ont été prises en 2006 lors d’un week-end en amoureux que nous avons passé dans ce prestigieux établissement. Ce dimanche-là, nous avons partagé notre déjeuner avec deux couples de britanniques qui visitaient la Belgique à bord de ces engins d’un autre temps.
12/03/2018 – JP Dz
(*) : Pour ceux qui en douteraient … j’adore ma femme et nous avons bien rigolé, tous les deux, en ajoutant cette petite phrase … nous espérons qu’elle vous fera sourire aussi ! ( et je m’excuse de m’excuser ).
1.126 : COMBLAIN-LA-TOUR : Hôtel Gillard – fondé en 1898 : Affiche de promotion.1.127 : COMBLAIN-LA-TOUR : Hôtel Gillard – Ex Hôtel de la Gare – Vve Gillard – Philippin : Vue de l’autre côté de l’Ourthe.1.128 : COMBLAIN-LA-TOUR : Hôtel Cawet : Terrasse et un coin du parc.1.129 : COMBLAIN-LA-TOUR : Hôtel Cawet : La terrasse.1.130 : COMBLAIN-LA-TOUR : Hôtel de la Gare : Automobile d’un autre âge.1.131 : COMBLAIN-LA-TOUR : Hôtel de la Gare : Automobile d’un autre âge.1.132 : COMBLAIN-LA-TOUR : Hôtel Gillard : Trois automobiles d’un autre âge.1.133 : COMBLAIN-LA-TOUR : Hôtel Gillard : Deux automobiles d’un autre âge.1.134 : COMBLAIN-LA-TOUR : Hôtel Gillard : Voiture ancêtre.1.135 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2006 : Hostellerie Saint-Roch : Eveline Ogonowski et une carrosserie ancienne.1.136 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2006 : Hostellerie Saint-Roch : Voiture ancêtre.
Addendum de Jef Rozenski :
La photo 1.133 m’étonnait parce qu’il y avait l’inscription « Bières Vantilt Louvain » sur l’auvent de l’Hôtel Gillard. Je travaille à Louvain et je n’ai jamais entendu parler des « bières Vantilt ». Grâce à Google, j’ai trouvé que la brasserie n’existe plus car rachetée par Stella en 1952.
Voici donc, le 3ème opus des textes consacrés à ces personnages que nous avons tant côtoyés à Comblain-la-Tour mais qui « revenaient de l’enfer ». Cette fois-ci, c’est Monsieur Józef Zaniewski qui décrit son calvaire.
Ses mémoires, comme celles de Ks Kurzawa et de Pan Bardo avant lui, sont extraites du livre :
« Biografia byłych więźniów politycznych niemieckich obozów koncentracyjnych » ( Biographie d’anciens prisonniers politiques des camps de concentration allemands ).
Pour nous, qui nous sommes donné comme mission d’entretenir la mémoire de la communauté polonaise de Belgique, il est essentiel de rappeler ce passé là aussi. L’âme polonaise s’explique aussi par sa faculté de résister et de croire en l’avenir. Au moment de l’achat du Centre Millennium, Monsieur Józef Zaniewski faisait partie des généreux donateurs, il a fait un prêt de 100.000 BEF remboursable en 15 ans.
Le gigantesque travail de traduction est réalisé, comme à chaque fois, par André Karasiński.
Voici comment André présente ce document : « Ce témoignage est très précis au point qu’il peut sembler froid et détaché. On a l’impression que Jozef Zaniewski est un spectateur qui relate sa propre histoire tragique. Sans doute sa formation d’ingénieur explique-t-elle sa démarche. Personnellement je trouve que ce témoignage, que j’aime beaucoup, complète très bien celui de Ks. Kurzawa, très intellectuel et philosophique ainsi que celui de Zbigniew Bardo, plus simple, plus émotionnel. ».
Combat de boxe au camp de concentration …
Par Józef Zaniewski – Belgique
Je suis né le 2.IX.1912 au domaine Otkienszczyzna, dans le district de Suwałki. Je réside en Belgique. J’ai été arrêté par la gestapo le 15.VIII.1943 à Varsovie.
Après avoir été auditionné allée Szucha, j’ai été transféré à la prison de la rue Pawia1 où j’ai séjourné jusqu’au 26.VIII.1943. Durant cette période, j’ai été interrogé trois fois par des « spécialistes » SS, confronté à d’autres prisonniers sur place, transféré deux fois pour interrogatoire dans les bâtiments de la gestapo de l’allée Szucha. De ces interrogatoires, je garde le souvenir de la file d’attente dans ce qu’on appelait « le tramway ».
Fin août 1943, dans des conditions bestiales, traité comme un animal, j’ai été transféré à Auschwitz-Birkenau. A la gare, entourés par un groupe de SS, débarqués précipitamment (schnell, schnell), traqués par des chiens, nous avons été amenés aux bains. Après m’avoir rasé la tête, on m’a attribué le n° 150 554. Ensuite, on nous a placés en quarantaine.
Ce fut le début de l’enfer. Je vais vous en narrer certains faits :
Séances d’entraînement disciplinaire. Ces séances avaient lieu dans des fossés remplis de boue ; nous étions encerclés par des chefs de bloc et des kapos munis de bâtons et de pelles. Parmi les exercices habituels, il y avait la flexion-extension des jambes, les bras chargés de lourdes pierres et la succession de « à terre-debout ». Suivait le traditionnel « hüpfen2, hüpfen, schnell » agrémenté d’une séance de coups portés au malheureux qui, exténué, avait chancelé dans les rangs.
Un jour, à la fin d’un « entraînement », on nous refoule vers un baraquement vide avec une porte de chaque côté et une cloison centrale. Les prisonniers martyrisés, fuyant leurs tortionnaires, s’agglutinent le plus loin possible de l’entrée et de leurs tyrans c’est-à-dire près de la cloison. A ce moment, la porte de la cloison s’ouvre et surgissent quelques chefs de bloc armés de bâtons qui éparpillent à grands cris le groupe vers la gauche et la droite. S’ensuivent débandade, cris d’effroi et fuite vers la porte d’entrée qui entretemps avait été refermée. Un engorgement se crée, les gens tombent, d’autres, qui veulent échapper aux coups, piétinent ces infortunés afin de se retrouver le plus rapidement possible à l’extérieur.
Accueil d’un Zugang. Le deuxième souvenir de la quarantaine est le traitement infligé à des nouveaux arrivants. Vers midi, on amène au camp un groupe de villageois de la région de Radom. Alignés en rangs, ils attendent leur ration de nourriture et l’attribution de leur bloc. Le soir est tombé, les prisonniers du camp ont rejoint leurs blocs et le silence s’est installé. Soudain, une grande confusion semble régner à l’extérieur, on entend des cris et puis des rafales de mitrailleuse tirées depuis les miradors. Il s’avère que, fatigués par leur long voyage, affamés, les membres du « Zugang » ont eu l’outrecuidance de réclamer la ration de nourriture qui leur était due. Aucun d’entre eux ne savait encore qu’au camp, hormis les coups de bâtons et les balles, rien n’était dû aux prisonniers. Aucun ne savait non plus que leur pitance serait partagée entre les chefs de bloc et les SS. Le groupe a été terrorisé à un tel point que quelques-uns, pensant trouver leur salut dans la fuite, face à la bande de chefs de bloc, pour la plupart des Allemands avec des triangles verts3, se sont approchés inconsciemment de l’enceinte barbelée et ont été abattus par les gardes SS.
Quelques instants plus tard, le « Lagerältester »4 – un Allemand portant également le triangle vert – avec quelques chefs de bloc, pousse un vieillard du nouveau groupe dans le bloc 2, mon bloc. Déjà battu et désorienté, ce prisonnier est à nouveau brutalisé devant les autres détenus : on lui assène des coups avec une pelle jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Lorsque le manche de la pelle s’est rompu, un des chefs de bloc a donné au tortionnaire son bâton et le « prisonnier politique » a été assassiné de manière bestiale. Ensuite, le « Lagerältester » a ordonné au « sztubowy »5 d’évacuer le cadavre et de nettoyer les traces de sang puis il a appellé deux prisonniers qu’il connaissait bien, des boxeurs (Czortek et Chmielewski), et les a contraints à disputer un match de boxe sur le lieu même de l’exécution. Après ce combat, je m’en souviens, les deux boxeurs sont retournés dans leur couchette les yeux remplis de larmes. Apparemment, l’odeur de sang frais ne s’était pas encore complètement dissipée … A la fin, le tortionnaire principal s’est adressé aux prisonniers du bloc en ces termes :
« Savez-vous ce qu’il s’est passé ici ? Il y a eu un combat de boxe et rien de plus ! » Et personne ne s’est aventuré à murmurer ne fût-ce qu’un mot sur ce qui s’était produit juste avant.
Souvenirs du camp de travail. Incorporé dans un commando qui partait travailler à l’extérieur du camp, j’ai eu la possibilité, durant l’été et l’automne 1944, d’observer l’arrivée de nombreux nouveaux transports : la sélection sur le quai de Brzezinka6, le désespoir des parents et des enfants que l’on sépare. Une partie des arrivants étaient affectés au camp et les autres dirigés directement vers le crématorium. Pour ces derniers, cela commençait par un « bain » obligatoire dans un bâtiment attenant. Le scénario était le suivant : introduction dans les « bains », souvent en poussant les réticents. Des scènes dramatiques se déroulaient parfois, de gens se rendant compte au dernier moment en quoi consistait cette « douche ». Puis fermeture bruyante des portes et admission du gaz Cyklon n° 27. Après environ une minute et demie, j’entendais des cris effroyables devenant petit à petit inaudibles et enfin un silence profond s’installait.
Transfert. À l’automne 1944, j’ai été emmené dans un camp de transit près de Berlin dans des bâtiments de la firme Heinkel8. On y a dormi à même le béton, sans couverture, dans des conditions inhumaines. Ensuite, j’ai été transféré au camp de Sachsenhausen où on m’a attribué le n° 113 282. Peu de temps après, nouveau transfert dans un camp plus petit dans un commando de travail dénommé « Klinkiernia ». Nous y avons été les témoins oculaires de fréquents raids aériens sur Berlin. C’est ainsi que le 20.IV.1945, voyant le largage des bombes, nous réjouissions-nous de cette orientation prise par la justice. Mais cette fois, les bombes commencèrent à exploser à côté de nous. Il y eut un début de panique, on cherchait n’importe quel endroit où se cacher ; dans le bunker, si on y trouvait de la place. Je fus un de ces chanceux. Quelques minutes d’attaque nous semblèrent une éternité. Le bunker tanguait au rythme des bombes. Heureusement, elles épargnèrent justement cette parcelle de terrain. Après la fin de l’alarme, nous avons contemplé un tableau de malheur et de désespoir. Le fer, les hangars en béton de la Klinkiernia9 étaient éparpillés sur le sol, il n’en restait que des débris. Le résultat fut que, le jour même, les survivants furent ramenés au camp principal de Sachsenhausen. De notre commando comptant près de 3.000 prisonniers, une bonne centaine seulement revinrent au camp.
Evacuation ultérieure. Après quelques jours, nouvelle évacuation. Départ du camp et marche vers ce qui était alors pour nous une destination inconnue et qui s’avéra être Lübeck. Notre affectation : les navires bombardés. Durant la marche, interdiction de faiblir ou de s’écarter du groupe. En cas de désobéissance, un SS s’arrêtait à côté du malchanceux, on entendait le bruit d’un tir et les randonneurs continuaient à réciter : « Seigneur, donne-lui le repos éternel »… En raison de l’avancée des fronts de l’Est et de l’Ouest, la situation générale devint incertaine. Aussi, pendant une semaine restâmes-nous à la lisière des forêts. Nous dormions à la belle étoile et ne recevions aucune nourriture, à l’affût du bruit du cliquetis fatal d’une arme. Un jour enfin retentit l’ordre de départ. Je dois mentionner ici un fait inoubliable illustrant l’amitié qui régnait au camp. Epuisé par la marche et le manque de nourriture et d’eau, je m’évanouis pendant l’appel. Grâce à l’aide de mes codétenus (ceux de Auschwitz) j’ai pu me relever et, soutenus par eux, rejoindre l’étape suivante. C’est comme cela que, quelques jours avant la libération, j’ai pu échapper au sort de ceux qui n’arrivaient pas à suivre le groupe.
Enfin, le 2.V.1945, la pause de la mi-journée se prolonge. En regardant autour de nous, nous constatons qu’il n’y a plus de gardes : nous sommes enfin libres mais toujours encerclés par les Allemands. Cela se passait dans la forêt près de Schwerin. Nous prenons rapidement la décision de marcher vers cette ville (10 km).
Peu avant Schwerin, nous apercevons un soldat anglais et la ville est abandonnée. Nous passons la nuit dans un parc à la belle étoile. Le lendemain, c’est ce beau jour du 3 mai et nous le fêtons spontanément dans toute la ville, avec le sentiment de nous être affranchis et d’avoir enfin retrouvé la liberté…
La liberté. Par la suite, camp des anciens prisonniers politiques à Schwerin puis à Lübeck. Prise de contact avec mes frères, Edouard prisonnier de guerre à Murnau et Romuald, prêtre, prisonnier politique lui-aussi, interné aux camps de Neugamen et de Dachau et qui résidait déjà à Leuven en Belgique. Suite à ces contacts, je pars pour faire des études en Belgique. Titulaire d’un titre d’ingénieur de la Polytechnique de Varsovie, j’obtiens un dipôme complémentaire d’ingénieur en constructions navales. Cela va me permettre de décrocher un emploi dans le plus grand chantier naval belge de réparation de navires, « Mercantile Marine Engineering » et de m’installer définitivement dans la ville portuaire d’Anvers.
Entretemps, je contacte mon amie de Varsovie, elle-aussi ancienne internée du camp de Ravensbrück, Eugenia Szyszkowska, séjournant alors en Suisse. Je la convie à venir en Belgique et nous nous marions en 1947.
Actuellement, avec mes amis, nous sommes toujours en procès avec la Bundesrepublik pour obtenir le rembousement des frais médicaux engagés pour retrouver la santé.
Texte de Monsieur Józef Zaniewski – Traduction d’André Karasiński
[1] NdT : La « ulica Pawia – rue du Paon » a donné son nom à la prison – Pawiak – qui y a été construite en 1835. Ce fut la principale prison pour hommes de Varsovie. Après l’invasion de la Pologne par les Allemands en 1939, les locaux ont été transformés en prison de la Gestapo et firent partie du camp de concentration de Varsovie.
2 NdT : le verbe allemand « hüpfen » se traduit par sauter, bondir
3 Grüne « Vert », prisonnier de droit commun portant un triangle vert sur ses vêtements. Ce seront souvent des bourreaux sadiques et sans pitié pour les prisonniers, car les « verts » constituent en général l’encadrement des détenus (Blockälteste », Kapos…)
4 Doyen du camp : détenu ayant la responsabilité de la gestion interne du camp. Il est placé sous l’autorité directe du Lagerführer SS. C’est la plupart du temps un droit commun. Le suffixe « Ältester » qui signifie littéralement « le doyen d’âge » n’est qu’une formule vide de sens. Ce n’est pratiquement jamais le plus âgé.
5 Stube : terme allemand pour désigner la chambre des prisonniers ; traduit en polonais par sztuba. Sztubowy était un prisonnier chargé de l’entretien de la chambre.
6 NdT : Birkenau
7 NdT : Zyklon B
8 NdT : Heinkel Flugzeugwerke était une société allemande de fabrication d’avions fondée par Ernst Heinkel. Durant la Seconde Guerre mondiale, constructeur de bombardiers pour la Luftwaffe.
9 NdT : le substantif allemand Klinker se traduit par mâchefer, scorie, déchet qui sort du fer soumis à la forge, au fourneau, ou battu rouge sur l’enclume La Klinkiernia était peut-être une forge ? Il pourrait aussi s’agir d’une briqueterie ?
1.124 : Monsieur Józef Zaniewski. Extrait du livre : « Biografia byłych więźniów politycznych niemieckich obozów koncentracyjnych » ( Biographie d’anciens prisonniers politiques des camps de concentration allemands ) – page 270.1.125 : Monsieur Józef Zaniewski. Extrait du livre : « Biografia byłych więźniów politycznych niemieckich obozów koncentracyjnych » ( Biographie d’anciens prisonniers politiques des camps de concentration allemands ) – page 271.