La légende du dragon de la colline du Wawel à Cracovie ( 1 )
Il y a longtemps, bien avant que Mieszko, le prince des Polanes, ne fédère sous son autorité les peuples slaves vivant sur un territoire s’étendant de l’Oder à la Vistule, un château-fort fut érigé sur la colline du Wawel ( 2 ). Le noble roi Krak en était le seigneur.
La Principauté était belle et prospère et les sujets de Krak se réjouissaient d’être administrés par un souverain si bienveillant. La splendide ville fortifiée fut appelée Kraków – la ville de Krak. Kraków ( 3 ) se développa rapidement et séduisit les membres des tribus voisines qui se pressèrent en nombre à ses portes. Parmi les candidats en quête d’une vie meilleure se présenta un jeune cordonnier du nom de Skuba. Il aspirait à développer son propre atelier.
Tout se déroulait pour le mieux : les habitants de Kraków vivaient heureux, les journées s’écoulaient paisiblement.
Un jour pourtant, leur vie tranquille se mua en un véritable cauchemar : voici qu’apparut dans le ciel un énorme dragon ! Ses ailes immenses éclipsaient le soleil et son épaisse armure résistait aux flèches et aux épées. Le dragon élut domicile dans une grotte sous la colline et s’attaqua, pour se nourrir, à tout ce qui passait à sa portée : bétail, volailles et même de jeunes femmes. À partir de ce moment, à travers tout le pays et parmi les peuplades voisines, la bête féroce fut appelée « Smok Wawelski », le dragon du Wawel.
Peu à peu, par petits groupes, terrifiés par le dragon et horrifiés par ses exactions, les habitants commencèrent à quitter la ville. La cité se vida lentement, les rues bruyantes et animées se transformèrent en labyrinthes silencieux ; quitter sa maison devenait un acte de bravoure.
Se sentant démuni et désarmé face à cette situation tragique, le roi Krak se tourna vers ses conseillers et puis vers les chevaliers et les habitants de Cracovie. La décision fut prise de rassembler la fleur de la chevalerie slave afin de lui confier la mission de tuer le dragon du Wawel et de soustraire, ainsi, la forteresse à sa tyrannie. Le roi promit la main de sa fille Wanda à celui qui terrasserait la créature. Wanda était une princesse très belle et très sage qui avait beaucoup de prétendants ; ils se présentèrent en nombre pour défier le dragon.
Mais notre Smok n’avait pas l’intention de céder : quelques téméraires se présentant seuls dans la grotte furent immédiatement avalés et un sort identique frappa des chevaliers venus en groupe. De la même manière, le dragon dévora une armée d’une centaine de casse-cous équipés de boucliers et d’épées.
Toutes les pensées et réflexions de Skuba tournaient autour du dragon. « Ce n’est quand même pas possible que tout Kraków souffre à cause d’un seul monstre », maugréait-il. Pendant des jours et des jours il chercha un moyen de lui tendre un piège.
La ville avait été complètement désertée par ses habitants, l’atelier de cordonnerie était vide, il fallait agir. Skuba demanda à son contremaître une peau de mouton, comme celle dans laquelle on réalisait les pelisses. Curieux, dans un premier temps et incrédule devant le plan de son jeune cordonnier, le contremaître décida finalement de l’aider, redoutant seulement une pénurie de matière première. Notre petit cordonnier travailla dur pendant toute la nuit et finit par coudre une marionnette ressemblant à s’y méprendre à un mouton vivant. Il la farcit de soufre et partit la déposer à l’entrée du repère de la bête immonde. A son retour, les quelques courageux ou inconscients encore présents lui demandèrent s’il avait vu le dragon. Skuba répondit que ce dernier dormait dans la grotte et il dévoila le stratagème qu’il avait mis en place.
À un moment donné, un rugissement terrifiant retentit : le dragon avait dû se réveiller et dévorer le mouton. Tous escaladèrent les murs de la ville pour mieux voir l’horrible bête. Ils virent le Smok Wawelski avaler l’eau de la Vistule, tentant vainement d’éteindre le feu que le soufre avait déclenché. La bête ne parvint pas à se contrôler et bien que son ventre fût tendu comme une peau de tambour, il continua de boire jusqu’à ce qu’il finît par exploser. Tout le monde se précipita et dépiauta le monstre afin de s’assurer qu’il ne se relèverait plus.
Revenus de leur exil forcé, portant Skuba sur leurs épaules, les habitants déambulèrent joyeusement dans la ville. Le roi Krak, heureux que quelqu’un ait finalement vaincu le dragon du Wawel, accorda au cordonnier la main de sa fille, ce que la jeune Wanda accepta avec joie. La noce dura une semaine. Devinerez-vous ce que Skuba offrit à sa jeune épouse en cadeau de mariage ? Des escarpins en cuir de dragon ! Deux ans plus tard, Wanda mit au monde une petite fille toute mignonne à qui l’on donna le prénom de Żaganna.
06/06/2020 : André Karasiński
La grotte du dragon
Il est possible de visiter la grotte du dragon du Wawel pendant les mois d’été. Après avoir traversé un ancien puits et descendu 21 mètres, on parcourt une partie de l’ancienne demeure du dragon jusqu’à atteindre les rives de la Vistule.
Le dragon
À la sortie de la grotte, on trouve une grande statue du dragon, œuvre de Bronisław Chromy, créée en 1971. Le dragon crache du feu par la gueule toutes les cinq minutes. C’est une des attractions touristiques de la ville.
( 1 ) : Adapté du texte polonais « Smok Wawelski », disponible sur https://www.polskatradycja.pl/
( 2 ) : Fièrement dressée entre deux coudes de la Vistule, cette colline est le cœur historique de Cracovie et de la Pologne. S’y dressent, l’admirable cathédrale ainsi que le superbe château royal qui semblent veiller sur la vieille ville.
( 3 ) : En français : Cracovie



