0142 – Kubiak

Dans quelques jours, les Anciens de Comblain seront de nouveau réunis pour faire la fête. Cette fois-ci nous assisterons ensemble à un bal donné par l’orchestre Kubiak. J’aimerais profiter de cette occasion pour évoquer avec vous une des chansons mythiques de Stephan Kubiak, le cultisime « … do La Bassée ».

Ce titre ne vous dit rien ? C’est normal, il est assez mal représentatif de la chanson. Et si je fredonne : « Ja mu pokazał revolver mały, a on mi powiada « Vous pouvez passer » », ça vous parle ?

Je suis sûr que oui. Cette joyeuse ritournelle est solidement ancrée dans chacun d’entre nous. Elle nous renvoie à une époque déjà lointaine, mais tellement heureuse. Cliquez sur ce lien et laissez-vous entraîner : https://www.youtube.com/watch?v=Gxl7fWUqzC4

Alors ? Les souvenirs vous reviennent ? Ce titre faisait partie d’un de ces 33 tours que pratiquement tous les polonais de Belgique et du nord de la France possédaient chez eux. On l’écoutait le dimanche matin, en rentrant de la messe, en sirotant un petit verre. Je suis sûr que vous vous rappelez encore des paroles. Pas tout, mais presque … Et quand vient le refrain, vous ne pouvez pas vous empêcher de chanter à tue-tête : « Winkowin czerwone « ce n’est pas assez » ». L’originalité de cette chanson vient du fait que les paroles sont un mélange de polonais et de français ( du nord ), le tout accompagné par des commentaires « off » aussi hilarants qu’appropriés. C’est du vécu « Hein, Stara ! ».

J’entends encore mon papa, les yeux brillants ( surtout après deux ou trois verres ) et la voix pleine de malice, taquiner maman qui s’affairait encore dans la cuisine, en insistant lourdement sur le « Hein, Stara ! ».

Si vous vous demandez d’où vient notre culture populaire, n’allez pas chercher trop loin. Elle s’est nourrie de plein de choses qui étaient à notre portée ( c’est le cas de le dire ). Elle est un mélange de chants patriotiques et folkloriques, d’anciennes chansons, que même en Pologne on a oubliées, des airs les plus connus de Mazowse ou de Śląsk, d’hymnes scouts, mais aussi de ces rengaines entendues si souvent lors des nombreux bals et festivités. On a pris tout ce qui passait et on en a fait une sorte de melting-pot bien à nous. C’est déjà vrai dans notre façon de parler en polonais, mais c’est encore plus vrai dans notre façon de chanter.

Du coup, nos chansonniers, nos Śpiewnik, sont devenus des « recueils » qui ont assimilé un peu de tout.

Le Śpiewnik des Anciens de Comblain est le reflet de cette diversité. On y trouve mélangé pêle-mêle des grandes mélodies à la gloire de la nation, des marches militaires célébrant le bonheur de partir à la guerre ( ! ), des tristes complaintes de jeunes filles délaissées ou de jeunes garçons cherchant désespérément l’âme sœur, mais aussi des comptines, des berceuses, des chansons à boire, parfois coquines, et des chansonnettes à Kubiak.

Vous voulez les entendre ? Vous voulez les chanter comme jadis ? Rien de plus simple, même si vous n’êtes pas expert en informatique. Il suffit de suivre cette méthode : Cliquez sur le lien du blog des Anciens de Comblain : https://anciensdecomblain.com/

Cliquez sur l’onglet : Śpiewnik ( copie d’écran 10 ) ;

La longue liste des chansons apparaît ( copie d’écran 11 ) ; elles sont déjà plus de 80 ;

Faites défiler cette liste et choisissez une chanson, par exemple : « 012 – Hej sokoły » ( copie d’écran 12 ) ;

Cliquez sur la chanson ; une nouvelle fenêtre va s’ouvrir ( copie d’écran 13 ) ;

Cette fenêtre vous donne accès à la chanson que vous avez choisie ( copie d’écran 13 ) :

en face de la flèche noire, vous aurez le titre de la chanson et le n° ordre dans le Śpiewnik

en face de la flèche verte, ce sont des liens internet qui revoient vers des sites où on peut écouter la chanson

en face de la flèche rouge, les paroles de la chanson.

Pour entendre la chanson, il suffit de cliquer sur un des liens internet avec le bouton gauche de la souris ;

Si vous voulez en même temps entendre et chanter la chanson : cliquer sur le lien avec la roulette de la souris. Une nouvelle fenêtre va s’ouvrir à côté de la fenêtre où les paroles resteront visibles ( copie d’écran 14 ) ;

Pour démarrer la chanson, cliquez une fois sur la nouvelle fenêtre ( celle que le lien vient d’ouvrir ) ( copie d’écran 15 ) ; la fenêtre va s’ouvrir et la chanson va démarrer ( copie d’écran 16 ) ;

Il vous reste à réappuyer sur l’onglet du blog ( Śpiewnik – 012 – Hej sokoły ) pour revenir sur les paroles tout en écoutant la musique et la chanson.

Il existe encore une autre manière de se faire plaisir : démarrer la playlist de toutes les chansons et les écouter les unes après les autres. Pour ce faire, il suffit de cliquer sur la playlist qui se trouve sur les 2 endroits entourés dans la copie d’écran 17.

30/10/2017 – JP Dz

0967_Stephane_Kubiak
0967 : – Stephan Kubiak.
0968_Stephane_Kubiak_1972
0968 : – Stephan Kubiak et son orchestre en 1972.
0969
0969 : Blog des Anciens de Comblain : Mode d’emploi du chansonnier : L’onglet « Śpiewnik ».
0970
0970 : Blog des Anciens de Comblain : Mode d’emploi du chansonnier : Liste des chansons.
0971
0971 : Blog des Anciens de Comblain : Mode d’emploi du chansonnier : Choix d’une chanson.
0972
0972 : Blog des Anciens de Comblain : Mode d’emploi du chansonnier : Page de la chanson sélectionnée.
0973
0973 : Blog des Anciens de Comblain : Mode d’emploi du chansonnier : Liens internet vers la vidéo de la chanson.
0974
0974 : Blog des Anciens de Comblain : Mode d’emploi du chansonnier : Les deux onglets ouverts côte à côte permettent d’entendre et de chanter.
0975
0975 : Blog des Anciens de Comblain : Mode d’emploi du chansonnier : Les deux onglets ouverts côte à côte permettent d’entendre et de chanter.
0976_Playlist
0976 : Blog des Anciens de Comblain : Play-list : Accès à toutes les chansons.

 

Śpiewnik – 082 – … do La Bassée

https://www.youtube.com/watch?v=Gxl7fWUqzC4

Jak żem pojechał raz do La Bassée
Jak żem pojechał raz do La Bassée
Wszyscy mi mówili « Vlà un polonais »
Winkowin czerwone « Vlà un polonais ».

Jak żem zajechał do fermy jednej
Jak żem zajechał do fermy jednej
Bauer mi się pyta « Qu’est-ce vous voulez ? »
Winkowin czerwone « Qu’est-ce vous voulez ? ».

Ja mu powiadam « 5 kilos de blé »
Ja mu powiadam « 5 kilos de blé »
A on mi powiada « Fichez-moi la paix ! »
Winkowin czerwone « Fichez-moi la paix ! ».

Ja mu pokazał revolver mały
Ja mu pokazał revolver mały
A on mi przynosi « 5 kilos de blé »
Winkowin czerwone « 5 kilos de blé ».

Ja mu powiadam « Ce n’est pas assez »
Ja mu powiadam « Ce n’est pas assez »
A on mi przynosi « Kilo okrasy »
Winkowin czerwone « Kilo okrasy ».

Jak żem zaś jechał do domu mego
Jak żem zaś jechał do domu mego
Żandarm mi się pyta « Qu’est-ce vous transportez ? »
Winkowin czerwone « Qu’est-ce vous transportez ? ».

Ja mu powiadam « 5 kilos de blé »
Ja mu powiadam « Kilo okrasy »
A on mi powiada « Vous êtes arrêté ! »
Winkowin czerwone « Vous êtes arrêté ! ».

Ja mu pokazał revolver mały
Ja mu pokazał revolver mały
A on mi powiada « Vous pouvez passer »
Winkowin czerwone « Vous pouvez passer ».

Jak żem przyjechał do domu mego
Jak żem przyjechał do domu mego
Żona mi się pyta « Qu’es-ce t’as rapporté ? »
Winkowin czerwone « Qu’es-ce t’as rapporté ? ».

Ja jej powiadam « 5 kilos de blé »
Ja jej powiadam « Kilo okrasy »
A ona mi mówi « Ce n’est pas assez »
Winkowin czerwone « Ce n’est pas assez ».

Ja jej pokazał rewolwer mały
Ja jej pokazał rewolwer mały
A ona się bierze za manche à balai
Winkowin czerwone za manche à balai.

 

0141b – Le « coin JP »

Par Dominique Stefanski

Mon cher Jean-Pierre,

Ta dernière contribution m’a donné envie de t’écrire pour te dire, une fois encore … « merci ! ».

Merci pour tous ces articles qui tiennent en haleine, les lecteurs passionnés que nous sommes devenus au gré des lundis, où tu distilles tes articles avec une régularité de métronome …

Tu nous as habitué maintenant à la parution d’un sujet historique, sérieux, documenté suivi d’un sujet plus léger, reprenant souvent des souvenirs plus personnels. Cette alternance témoigne des deux facettes de ton travail : tantôt, tu fais œuvre de journaliste, d’historien, … tu nous livres des chroniques techniques, historiques, précises et documentées ; tantôt, tu te fais poète. Or, d’un poète, on n’attend pas qu’il nous livre la réalité telle qu’elle est ou telle qu’elle a été, non, d’un poète on attend qu’il nous livre sa version des faits, éclairée par son regard et sa sensibilité propre … alors, ne t’excuse pas pour tes « ûmes-âmes-âtes », ils sont le doux reflet de ces souvenirs fugaces.

Tu écris aussi qu’il « faut bien du talent pour être vieux sans être adultes » … et bien, rassure-toi, c’est réussi, j’en veux pour preuve, l’ambiance « bon enfant » qui règne à chacune de nos rencontres d’anciens !

Pour ma part, je n’ai été en colonie à Comblain qu’une seule fois dans les années septante ( ce qui fait toujours dire à mon mari que je ne suis pas une véritable « ancienne » au sens fort, mais je lui rétorque toujours qu’on peut être « ancien, une fois … » ) ( non, peut-être ..? ) ; aussi mes souvenirs se sont estompés au fil du temps. En lisant tes articles, j’ai l’impression de me réapproprier certains de ces souvenirs dont je ne sais plus finalement si je les ai vécus ou pas : les personnages emblématiques, les lieux fréquentés, les activités, … tout cela est redevenu concret, consistant grâce à tout ce travail de petite fourmi que tu réalises méthodiquement.

Car si je ne doute pas un seul instant que cette tâche que tu as décidé de mener à bien afin de ne pas voir disparaître ces pans de notre histoire te procure une profonde satisfaction, cela n’en reste pas moins un véritable « travail » exigeant et contraignant ; un vrai travail de « pro ».

Tu as souhaité que ces classeurs reprenant les innombrables photos que tu as glanées auprès des anciens, numérotées et classées puissent être mis à la disposition de tous, qu’ils puissent être consultés au centre Millennium, dans un petit coin réservé aux anciens … Un vent favorable m’a rapporté que le fruit de ce travail est désormais bien mis en lumière dans le hall d’entrée, grâce à de nouvelles bibliothèques … alors, pour moi, pas besoin de plaque ni d’écriteau, ce sera désormais « le coin JP » !

PS : Merci à René Defossé qui a accepté d’être mon « correspondant local » et qui a réalisé les photos !

25/10/2017  – Dominique Stefanski

le_coin_jp_1
Le coin JP
le_coin_jp_2
Le coin JP
le_coin_jp_3
Le coin JP

 

0141 – Bien sûr, nous eûmes des orages

 

On me reproche parfois d’enjoliver les choses … d’essayer de montrer ce passé là plus beau qu’il n’a été … Certes, je l’avoue tout n’était pas aussi simple, ni aussi édenique.
Et, « bien sûr, nous eûmes nos orages … ». Comment aurions-nous pu y échapper ?

Nous fûmes en pleine adolescence … nous la vécûmes ensemble … les uns avec les autres … les uns contre les autres, en ne sachant plus très bien si « contre » signifiait « au plus proche de » ou « violemment opposé à ». Ce fut le temps où nous cherchâmes à comprendre … où nous nous cherchâmes nous-même. Ce fut le temps des utopies et des rêves pour les uns, des ambitions pour les autres. C’est là que s’opposèrent nos visions du monde. C’est là que se forgèrent nos convictions et nos révolutions. Il y avait ceux qui voulaient absolument tout reconstruire et ceux qui s’y trouvaient bien à l’abri. Ce fut la rage des uns contre le doux bien-être du conformisme et du suivisme des autres. On percevait déjà ceux qui ne cicatriseraient jamais de leurs rêves … ceux qui s’accommoderaient de tout … ceux qui trichaient déjà … Et parfois les plus excités du matin devenaient les plus doux du soir … et inversement. Allez comprendre l’adolescence !
Alors, alors … « bien sûr, nous eûmes des orages … ».

C’est là qu’éclatèrent nos plus grandes aspirations à plus de liberté. C’est là qu’explosèrent, enfin, d’incroyables envies, en même temps que nos pires boutons d’acné. Et puis, il y avait ces adultes qui voulaient à tout prix nous canaliser … Les confrontations furent inévitables avec leurs lots d’incompréhension, de tension et de frustration. Alors, faisant fi de nos divergences, nous fîmes bloc contre ceux qui voulaient couper nos ailes et baliser nos désirs. Génération contre génération … raison contre besoin … discipline contre enthousiasme …
Alors, alors … « bien sûr, nous eûmes des orages… ».

Les adultes, entre eux, non plus ne s’accommodaient pas toujours parfaitement. Pourtant ils étaient d’accord sur l’essentiel … mais le diable est dans les détails … c’est là qu’il recrute. Du coup, il y avait toujours l’un ou l’autre qui connaissait un meilleur chemin pour atteindre le même endroit … une meilleure recette pour arriver au même goût … des meilleurs mots pour chanter les mêmes chansons … Ce n’était jamais important, mais c’était toujours très grave. Et cette langue polonaise qui est si fleurie quand on veut semer l’hostilité !
Alors, alors … « bien sûr, ils eurent leurs orages … ».

C’est là aussi que nos amours … « nos doux, nos tendres, nos merveilleux amours », comme chantait le grand Jacques, c’est là que « de l’aube claire jusqu’à la fin du jour » ils naissaient, prospéraient … s’épuisaient. Il faut bien dire que vous fûtes si belles et que nous vous aimâmes tant …
Mais les chagrins succédaient souvent aux fièvres, les éclats aux murmures, les larmes aux frissons …
C’est là que nous comprîmes le vrai sens du mot trahison … « il fallait bien passer le temps, il faut bien que le corps exulte ». Et nous nous perdîmes de temps en temps.
Alors, « plus rien ne ressemblait à rien … on perdait le goût de l’eau … mais pas celui de la conquête ».
Alors, alors … « bien sûr, nous eûmes des orages … ».

Si aujourd’hui, je prends des libertés avec ce « passé là » … si j’use et que j’abuse des « eûmes », des « ûtes » et des « âmes », c’est seulement pour égayer un peu ce « passé pas toujours simple ». Et si la grammaire y perd un peu … la petite musique de l’âme a tout à y gagner …

Si de façon plus générale, je mets quelques guirlandes là où il y avait parfois des ronces et des épines et que je plante des petites fleurs gentilles dans les trous de nez de l’histoire … ce n’est pas pour la déformer … L’histoire n’a pas besoin de moi pour se déformer toute seule. Et il ne manquera jamais, non plus, de ramasseurs de flèches, arrivés après le combat, et qui vous expliqueront comment ils ont vaincu.

Non, ne cherchez pas ! Il n’y a là, pas de plan, pas d’objectif … C’est simplement parce que je crois fermement que « le monde a la beauté du regard qu’on y pose » et que celui que j’ai envie de poser sur Comblain, c’est celui de l’enfance. Car « finalement, finalement … il nous faut bien du talent pour être vieux sans être adultes ».

23/10/2017 – JP Dz

 

0961
0961 : COMBLAIN-LA-TOUR : Sur les hauteurs de Comblain : ( ? ) ; … ; ( ? ).
0962
0962 : COMBLAIN-LA-TOUR : Quelque part sur un banc : ( ? ) ; Dominique Ogonowski ; Pierre Bartnik ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ).
0963
0963 : COMBLAIN-LA-TOUR : Dans le parc : ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ).
0964_79
0964 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1979 : En promenade : Freddy Motała ; ( ? ).
0965
0965 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant le mât : ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ).
0966
0966 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant le perron : ( ? ) ; … ; ( ? ).

 

0140 – Revisitons Comblain ( 12 ) : le monument de la gare

Une fois le pont de Comblain franchi, nous quittons le quartier « Po d’la » pour nous retrouver dans le quartier de la gare. La première chose qui apparaît sur la gauche, c’est le monument aux héros de la première guerre ( photos 950 et 951 ).

Ce monument – inauguré le 10 août 1919 lors d’une grande fête patriotique – fut élevé par souscription publique des habitants de Comblain-la-Tour, à leurs soldats de la grande guerre.

Aujourd’hui, il est plus sobre qu’à l’origine. En effet, lors de son inauguration, la stèle était encadrée par deux canons allemands bien imposants … prise de guerre des comblinois lors de la retraite des allemands ( photos 952 à 957 ). Évidemment, quand les vaincus de 1918 sont revenus en 1940 … ils les ont récupérés. La stèle est désormais solitaire mais elle n’en porte pas moins le souvenir des disparus avec beaucoup de dignité.

Dommage, je n’ai pas trouvé trace d’un récit qui aurait pu nous éclairer sur cette fameuse prise de guerre par les valeureux habitants de Comblain. Les soldats d’outre Rhin étaient sans doute un peu trop pressés de rentrer chez eux … Dans la grande débandade, leur fameuse organisation habituelle a dû souffrir de quelques « ratés ».

Par contre, il existe un récit précis de l’arrivée des Teutons à Comblain en ce début de mois d’août 1914 et avec le recul, cette histoire paraît même un peu surréaliste … Une fois de plus, ce sont les « Échos de Comblain », véritable encyclopédie rurale, qui ont pris la peine de recueillir les témoignages. Je vous livre ce court récit en remerciant les responsables des « Échos de Comblain » de nous permettre d’en apprendre toujours un peu plus sur un village si cher à nos cœurs.

Vous constaterez, à la lecture de ces quelques lignes ( documents 959 et 960 ), que les villageois étaient réellement courageux et … persuadés qu’ils arrêteraient l’offensive. Ils n’ont, en tout cas, pas manqué d’audace. Tout ce qui pouvait servir à ralentir la marche inexorable de l’ennemi fut utilisé. Des arbres furent coupés et entravaient les routes, des charrettes, des tombereaux, des machines agricoles furent renversées, des herses placées les dents en l’air et des tranchées furent creusées.

Malheureusement, les envahisseurs prirent de pauvres riverains en otage : « Et sous les ordres d’un officier, revolver au point, les obstacles furent enlevés en beaucoup moins de temps qu’il en avait fallu pour les construire … ». J’imagine donc qu’en 1918, les villageois confisquèrent les 2 canons avec un plaisir inénarrable. Et ce n’est sans doute pas un hasard si on a décidé de les placer là, juste devant le pont, et d’avoir pris soin de tourner les fûts en direction de Xhoris, d’où l’envahisseur était arrivé. Il y avait comme qui dirait : « un petit message » au cas où …

Mais si l’histoire des deux guerres avec un grand et un petit « h » est encore bien présente dans les mémoires et demeure inscrite dans la pierre, c’est une page que l’on a tournée pour en écrire une autre … celle de l’ouverture sur le monde, celle de l’amitié profonde et fraternelle avec tous ceux qui ont fait de Comblain leur port d’attache, leur point de chute l’espace de quelques colonies et ce, de quelque côté qu’ils viennent ou repartent !

Ceci dit, nous aussi, nous avions nos « canons » … et nous n’étions pas moins fiers de les exposer autour du monument. Sauf que nos canons à nous, portaient des jupes et étaient parfaitement pacifiques et inoffensifs, encore que ….  ( photo 958 ).

Ce jour-là, autour du monument, il y avait Lodzia Baun ( Madame Paluszkiewicz ), sa sœur Sophie, Bernadette Lachowicz ( ? ) et quelques autres dont le nom m’échappe. Elles étaient entourées de Jean Paluszkiewicz, Alfred Materna, Pierre Front et moi-même. Nous étions « endimanchés » … ça ne vous a pas échappé. En effet, c’était un dimanche matin.

Nous aussi, à notre tour, nous battions en retraite … nous tentions d’échapper … à l’offensive de la messe.

D’ailleurs, après une courte pause devant le monument, nous sommes allés établir notre nouveau quartier général provisoire de l’autre côté du pont … au café « Pimprenelle », chez Pimpim, notre meilleur allié.

16/10/2017 – JP Dz

0950
0950 : COMBLAIN-LA-TOUR : Le monument en face de la gare.
0951
0951 : COMBLAIN-LA-TOUR : Le monument en face de la gare.
0952_1925
0952 : COMBLAIN-LA-TOUR : Le monument en face de la gare, en 1925.
0953
0953 : COMBLAIN-LA-TOUR : Le monument en face de la gare.
0954
0954 : COMBLAIN-LA-TOUR : Le monument en face de la gare.
0955
0955 : COMBLAIN-LA-TOUR : Le monument en face de la gare.
0956
0956 : COMBLAIN-LA-TOUR : Le monument en face de la gare.
0957
0957 : COMBLAIN-LA-TOUR : Le monument en face de la gare.
0958
0958 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant le monument en face de la gare : Lodzia Baun ( Madame Paluszkiewicz ), sa sœur Sophie, Bernadette Lachowicz ( ? ) ; ( ? ) ; Jean Paluszkiewicz ; ( ? ) ; Alfred Materna ; Pierre Front ; Jean-Pierre Dziewiacien.
0959_Aout_1914_Page_60
0959 : COMBLAIN-LA-TOUR : Extraits des Échos de Comblain.
0960_Aout_1914_Page_61
0960 : COMBLAIN-LA-TOUR : Extraits des Échos de Comblain.

 

0139 – 10 %

J’aimerais revenir, une dernière fois, sur notre week-end de septembre à Comblain, pour éclaircir un mystère. Plusieurs des participants m’ont soutenu mordicus que : « La pente était de 10 % » ! ! ! Ils ont peut-être raison … reste à savoir de quelle pente il s’agit.

Pour essayer de comprendre, je me suis efforcé de visionner, et de re-visionner, les photos du week-end. Après de longues recherches, j’ai dû me rendre à l’évidence … nous avons été confrontés à plus d’une pente. Et comme je suis incapable de savoir laquelle, c’est vers vous que je me tourne pour m’aider à choisir.

À votre avis laquelle des propositions ci-dessous vous paraît la plus judicieuse :

1° la pente « montante » qui partait du Ranch Little Creek ( photo 936 ) ?

2° la pente « descendante » qui partait des hauteurs de Hôyemont vers l’Ourthe ( photo 937 ) ?

3° la pente « double » de l’escalier du perron … point de départ de la promenade ( photo 938 ) ?

4° la pente « fatale » … celle qui nous a poussés tous – dans une espèce de folie collective – à immortaliser ce départ en posant avec des photos des top-modèles polonaises ! ? ! ( photo 939 ) ?

5° la pente de « l’âge qui s’avance » qui nous a obligés à nous arrêter souvent ( photos 940 à 944 ) ?

6° la pente des « limites qui reculent » qui nous force à prévoir des arrêts « pipi » appropriés ?

7° la pente « naturellement polonaise » … celle qui nous conduit instinctivement au bon endroit … c’est-à-dire vers le coffre de la voiture-bar ( photos 945 à 948 ) ?

Moi, je ne sais pas … je vous laisse juges ( photo 949 ).

09/10/2017 – JP Dz

0936
0936 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente « montante » ?
0937
0937 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente « descendante » ?
0938
0938 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente « double » de l’escalier du perron ?
0939
0939 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente « fatale » … en posant avec des photos des top-modèles polonaises ! ? ! ?
0940
0940 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente de « l’âge qui s’avance » qui nous a obligés à nous arrêter souvent ?
0941
0941 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente de « l’âge qui s’avance » qui nous a obligés à nous arrêter souvent ?
0942
0942 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente de « l’âge qui s’avance » qui nous a obligés à nous arrêter souvent ?
0943
0943 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente de « l’âge qui s’avance » qui nous a obligés à nous arrêter souvent ?
0944
0944 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente de « l’âge qui s’avance » qui nous a obligés à nous arrêter souvent ?
0945
0945 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente « naturellement polonaise » … celle qui nous conduit instinctivement au bon endroit … c’est-à-dire vers le coffre de la voiture-bar ?
0946
0946 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente « naturellement polonaise » … celle qui nous conduit instinctivement au bon endroit … c’est-à-dire vers le coffre de la voiture-bar ?
0947
0947 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente « naturellement polonaise » … celle qui nous conduit instinctivement au bon endroit … c’est-à-dire vers le coffre de la voiture-bar ?
0948
0948 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? La pente « naturellement polonaise » … celle qui nous conduit instinctivement au bon endroit … c’est-à-dire vers le coffre de la voiture-bar ?
0949
0949 : COMBLAIN-LA-TOUR – 2017 : Week-end des Anciens : 10 % ? Je vous laisse juges.

 

0138 – Ks Kurzawa raconté par Ks Kurzawa

Le texte d’aujourd’hui est historique et majeur.

En effet, si personne n’ignorait que Notre Directeur emblématique, Ks Kurzawa, avait « séjourné » dans les camps de concentration durant la guerre, très peu d’entre nous ont entendu le prélat en parler. C’est un sujet qu’il évitait. À titre personnel, je ne l’ai entendu qu’une seule fois évoquer cet épisode si douloureux. Je ne sais plus à quelle occasion, il m’avait expliqué que ses tortionnaires les avaient obligés lui, et ses compagnons d’infortune, à déplacer une montagne de cailloux vers l’autre extrémité du camp. Quand la montagne fut complètement reconstruite de l’autre côté, l’ordre a été donné de la replacer dans l’endroit initial. C’était le mythe de Sisyphe réinventé par les nazis.

Le texte d’aujourd’hui, est un extrait d’un livre : « Biografia byłych więźniów politycznych niemieckich obozów koncentracyjnych » ( Biographie d’anciens prisonniers politiques des camps de concentration allemands ).

Ce livre, de 1974, écrit en polonais et édité aux États-Unis, à Philadelphie, retrace le calvaire de 100 prisonniers des camps de la mort. Chacun d’eux explique, avec ses propres mots et son propre ressenti, ses années de profonde misère. Parmi ces 100 martyrs, il y en a deux que nous connaissons très bien : Ks Kurzawa et Zbigniew Bardo. C’est d’ailleurs extraordinaire que ces 2 personnages, qui ont tant marqué Comblain-la-Tour, se retrouvent ensemble dans pareil ouvrage. On y trouve aussi le témoignage de Józef Zaniewski qui a été actif, après la guerre, au sein de la communauté polonaise d’Anvers. Nous le connaissons sans doute moins – et nous n’arrivons pas à retrouver des membres de sa famille ou de ses amis qui pourraient nous le faire découvrir. Rappelez-vous cependant : au moment de l’achat du domaine de Comblain-la-Tour, il a fait un prêt d’une durée de 15 ans pour un montant de 100.000 FB. ( voir document 60 du blog « Anciens de Comblain » daté du 2 mai 2016 ).

Une fois de plus, c’est notre ami André Karasinski qui a traduit ce texte si précieux. Je ne résiste pas à l’envie de partager avec vous ces quelques mots d’André quand il m’a transmis sa traduction :

« Bonjour Jean-Pierre, comme toi, j’ai été ému et bouleversé en lisant le témoignage de Ks Kurzawa ; mais aussi déconcerté, décontenancé. Sa narration est à la fois très dure, car les événements qu’il a vécus ont été atroces et remplie d’espoir et de confiance dans l’avenir. Que dire de l’humour qui ne l’a pas quitté dans ces moments où beaucoup ont plongé dans le désespoir le plus profond. Cet humour et sa foi en la bonté de Dieu l’ont aidé à surmonter l’insurmontable. Sur les plans intellectuel et humain, ce texte est un des plus beaux qu’il m’a été donné de lire… Je vais m’attaquer à la traduction du récit de Zbigniew Bardo. Il donne une autre vision de la même expérience de vie traumatisante. Les deux ressentis s’entrecroisent, se rejoignent, se complètent. Ils doivent être portés tous les deux à la connaissance des Anciens de Comblain. Alors qu’ils auraient pu se refermer sur eux en maudissant le genre humain, nos deux devanciers courageux et exemplaires se sont dévoués pour leur communauté et particulièrement pour sa jeunesse. Et nous avons profité du fruit de leur travail. Amitiés. André ».

Je me dois d’ajouter que ce témoignage unique nous a été confié par Géniu Perzyna. En effet, si ce livre a été offert par l’éditeur à chaque co-auteur, Ks Kurzawa a offert son exemplaire à Géniu. Merci à lui pour cette découverte.

Voici donc le texte écrit par Ks Kurzawa. C’est Ks Kurzawa raconté par Ks Kurzawa.

Il y explique son calvaire, l’assassinat, par les allemands, de son propre frère et aussi comment il a commencé, dans sa tête à construire l’église qui sera érigée à Ressaix quelques décennies plus tard.

Ce texte est plus long que d’habitude … mais comment aurions-nous pu l’interrompre ?

Le 02/10/2017 – André Karasinski et Jean-Pierre Dziewiacien

Bribes de souvenirs … par le Père Bolesław Kurzawa – Belgique

J’ai dû me faire violence pour écrire quoi que ce soit sur les camps de concentration.

En effet, se remémorer implique de retourner vers ces lieux horribles, vers ces temps et ces gens à la frontière de l’inhumain. De revenir, en outre, en costume rayé et redevenir un numéro anonyme avec lequel on remplit un bloc, une unité de travail et que l’on dénombre lors de la distribution d’un maigre bouillon qui ne nourrit pas … Et pourtant, lorsque j’étais au camp, je brûlais du désir de faire connaître au monde tout ce qui s’y passait.

Dès la fin de la guerre, la Pologne a connu une des occupations parmi les plus épouvantables et les plus barbares mais la nation ne fut pas vaincue.

7 novembre 1939. Au retour d’une tentative d’exode en direction de Varsovie – Lublin, je me suis retrouvé à Włocławek avec un petit groupe de séminaristes. A l’exception de la bibliothèque, tous les bâtiments du séminaire étaient occupés par l’armée allemande. Nous logions dans la bibliothèque. Nous avions entamé le sauvetage des livres en les transportant en un lieu sûr car les Allemands avaient commencé à les brûler dans la cour intérieure. Nous avions travaillé jusqu’au soir dans la poussière, la transpiration perlant sur nos fronts, afin de terminer le travail au plus vite et sauver ainsi les œuvres les plus précieuses de l’inestimable bibliothèque des abbés Chodyński.

Ce jour-là, au matin, Monseigneur l’évêque Michał Kozal et le Père recteur Dr Korzyński avaient obtenu des autorités allemandes l’autorisation d’entamer une année académique au séminaire. Le soir de ce même jour, à 21 heures, nous avons tous été arrêtés : séminaristes, professeurs, l’évêque, les prêtres de Włocławek. On nous a donné 15 minutes pour faires nos bagages ! Seule recommandation des auxiliaires de police : emporter valeurs et argent liquide.

« Et les couvertures ? » demandons-nous,
« Vous pouvez» nous répond-on.
« Motif de notre arrestation ?»
« Vous partez en formation».
« Où ?»
« On ne sait pas».

C’est à ce moment-là que m’est revenu à l’esprit le proverbe appris par cœur au cours de langue allemande : « Wer einmal lügt, dem glaubt nicht, wenn er auch die Wahrheit spricht » ( traduction : On ne croit pas un menteur même lorsqu’il dit la vérité ). Ainsi donc, pensais-je, ceux qui ont menti ce matin, ne disent probablement pas la vérité ce soir.

Exactement 15 minutes plus tard, escortés par la police allemande, nous sortîmes du séminaire. En passant devant la chapelle, le groupe s’agenouilla et pria dans un grand recueillement. Ce fut un assaut vers le ciel et un appel vibrant à l’Aide divine. Après cette courte prière, naquit en moi une grande confiance dans la divine Providence ainsi qu’une paix profonde ; j’aurai suffisamment de force pour supporter le plus dur.

Un peu plus tard, la porte de fer de la prison de Włocławek se referma sur nous. On ne peut décrire par des mots ce que ressent un individu dont le seul fait d’être Polonais, prêtre, d’aimer son pays et son peuple, de les servir honnêtement, devient subitement une faute.

Chaque crissement de la clef ouvrant ou fermant la porte de notre cellule ravivait et renforçait le sentiment que la dignité humaine et que les droits humains les plus élémentaires étaient bafoués. Nous étions entassés à une cinquantaine dans l’ancienne chapelle, petite et vide, de la prison. Nous dormions à même le sol ; les manteaux servaient de couverture et la couverture, pour celui qui l’avait emportée avec lui, faisait office de couchage. Après plusieurs jours, nous reçûmes un peu de paille. Mgr Kozal était dans une cellule séparée.

Dans le registre de la prison, notre groupe était qualifié de « Sicherheitsschutzgefangenschaft » ( traduction : Détention pour des raisons de sécurité et de protection ). Que signifiait cette longue expression ? Selon l’explication sophistiquée de l’agent pénitentiaire, cela signifiait que s’il se passait quelque chose à Włocławek le 11 novembre, nous serions alors en sécurité sous la protection du Reich !

La vérité était tout autre : nous étions des otages et s’il advenait quelque chose lors de la fête du 11 novembre, nous serions fusillés. Du reste, le 11 novembre de nombreuses exécutions nocturnes eurent lieu dans la prison de Włocławek.

Au travers des fenêtres de notre prison, nous observions les mouvements des trains et voyions comment les Allemands pillaient la Pologne ainsi que le nombre de choses que, durant des mois, ils s’autorisèrent à emporter.

De tristes nouvelles nous parvenaient de la ville : la terreur y faisait rage. La population polonaise ne pouvait utiliser les trottoirs, elle devait marcher au milieu de la rue. L’usage de la langue polonaise était interdit. L’édition de livres et la parution de la presse étaient également prohibées ; les écoles polonaises étaient fermées. Les instituteurs étaient arrêtés. Seul paraissait un magazine allemand : « Leslauer Bote ».

Le quartier le plus pauvre « Grzywno » avait été détruit par le feu. La population était maltraitée et emprisonnée sans raison. On racontait aussi comment un groupe de personnes amenées dans la cour de notre prison furent alignées contre le mur, furent battues et obligées de se cogner la tête contre le mur … Des photos de ces événements paraissaient dans les journaux allemands avec la légende : « polnische Verbrecher » ( traduction : Criminels polonais ).

Le 16 janvier 1940, la température était très basse, une tempête de neige faisait rage. On nous a transférés à l’abbaye cistercienne des pères Salésiens à Ląd. Nous y fûmes internés et coupés du monde ; nous étions privés de liberté mais avions, au moins la possibilité de poursuivre nos études. Nous recevions par différents canaux des nouvelles du diocèse et du monde. Subitement, après la Fête-Dieu, un messager secret apporta à Mgr  l’évêque la nouvelle de l’exécution à Osięciny, dans la nuit du 23 mai, de deux prêtres: mon propre frère Józef et le chanoine Matuszewski. Apparemment, leur seul crime avait été l’organisation la procession de la Fête-Dieu à l’extérieur de l’église. Ce fut pour moi un choc très douloureux.

Le 26 août, jour de la fête de Notre-Dame de Częstochowa, notre séjour « bucolique » à Ląd prit fin de manière surprenante. Au matin, subitement, nous vîmes apparaître des SS enragés. Des voitures noires, semblables à des corbillards, s’arrêtèrent près du bâtiment. Comptage. Deux personnes manquent à l’appel. Menaces d’exécution.

Très vite, nous nous sommes retrouvés dans le camp de transition de Szczeglin, près d’Inowrocław.

Trois jours derrière les barbelés. A nouveau on nous a fait part des sévices atroces qu’on fait subir les colons allemands aux personnes arrêtées et envoyées au travail forcé. Pour le moindre manquement, voire même sans raison, les gardiens frappaient avec des triques en noisetier. Ceux que l’on achevait à coups de bâton étaient enterrés dans le jardin. J’ai pensé à m’évader mais ce n’était pas envisageable et encore moins possible.

Le 29 août, nouveau départ vers l’inconnu : à pied jusque Inowrocław, puis en train jusque Berlin.

Les SS  se comportaient avec nous de façon  de plus en plus brutale. De Berlin, on nous a envoyés plus loin,  dans des voitures noires ornées d’une tête de mort. Mais où allons-nous ? Où allons-nous ? En cours de route nous déchiffrons l’inscription sur un poteau indicateur : Oranienburg. Ensuite un bois. Dans le bois, des baraquements. Les voitures s’arrêtent. Qu’est-ce que c’est ? Nous n’en croyons pas nos yeux. « Koncentrazionslager Sachsenhausen ». Porte cochère métallique surmontée par l’inscription : « Arbeit macht frei » ( Traduction : Le travail rend libre ). Est-ce vrai ? Un camp de concentration ? Pour quel motif ? Pour quel motif ? Et qu’est-ce qu’un camp de concentration ?

Sous les coups et les cris des gestapistes : « los, los », nous entrâmes dans un camp de baraquements extrêmement propre. Cet ordre et cette propreté contrastaient de manière choquante avec ce qui s’y passait. Oui, même l’ordre et la propreté peuvent mentir !

C’était la nuit. Le camp était fortement éclairé. Les prisonniers dormaient déjà. En ce moment, ils étaient au moins libres en songe ! On nous a emmenés dans notre baraquement via la place d’Armes, immense et vide. Nous avons pu remarquer sur cette place les allers-retours effectués en courant par des prisonniers en costume rayé, les coursiers « Läufer ». Il fallait toujours traverser la place en courant – « im Laufschritt ». Lorsque je vis ces prisonniers-coureurs, j’eus l’impression qu’ils étaient fous. Nous reçûmes de la soupe du camp, soupe que personne ne but.

Le deuxième sentiment désagréable ressenti au camp le fut à la vue des gens tirant des charrettes – image parfaite de l’esclave du XXe siècle. Par la suite, je ressentis beaucoup d’autres émotions, ô combien horribles.

Le camp fut une réinvention de la machine à déshumaniser l’homme, un procédé complexe de fabrication d’une mentalité d’esclave. Tout ce qui s’y passait était subordonné au principe suivant : l’homme est un numéro, sans aucune valeur. Ici, on lui retirait tout : son nom, ses vêtements, ses effets personnels et le droit à un traitement humain. La faim constante, le froid, le travail souvent absurde et les chicaneries continuelles ainsi que l’incertitude liée au sort faisaient partie intégrante des journées sombres du prisonnier.

L’hôpital, appelé « rewir – le quartier » faisait aussi partie du système hypocrite du camp. On y soignait les blessures, on y mesurait la fièvre provoquée par la faim, le froid, le travail éreintant, les coups, … Et en même temps, c’était là que l’on constatait le bon fonctionnement de l’appareil de destruction des gens.

La seule admission au « quartier », à condition d’avoir de la fièvre ou d’être blessé, se déroulait selon un cérémonial qui, pour nous les prisonniers, était amusant. Après l’appel du matin, les malades étaient conduits en colonne. Ils attendaient dans le froid, la pluie et le gel, debout pendant des heures, quel que fût le temps. Et le froid à Sachsenhausen était intense ! Outre les prisonniers, les infirmiers, des médecins SS exerçaient à l’hôpital. Ils arrivaient plus tard. A leur arrivée, les ordres tombaient : Achtung ! Kehrt um ! Mützen ab ! Garde à vous ! Demi-tour ! Otez vos bonnets ! Comme ils interdisaient aux prisonniers de les regarder, les malades leur rendaient donc les honneurs en leur tournant le dos, avec mépris. Cette cérémonie nous causait beaucoup de satisfaction. Pour un instant, elle nous exaltait littéralement. Nietzsche y aurait trouvé une illustration parfaite pour son « Umwertung aller Werte » ( Traduction : Renversement ( ou réévaluation ) des valeurs ou encore transvaluation de toutes les valeurs ).

En nous imposant un travail pénible, inutile souvent et improductif, on nous détruisait physiquement et moralement. Ainsi, en automne 1940, on nous a obligés à porter une brique, les bras tendus, d’un endroit à un autre. Interdiction absolue d’alléger la tâche de quelque manière que ce soit en utilisant un fil ou un bout de ficelle ou en plaçant du papier. Toute la colonne de prêtres, entourée de gardiens, se déplaçait lentement, pas après pas, dans la pénombre. Sous les effets combinés de la fatigue et du froid, les mains s’engourdissaient, défaillaient, tout le corps, à peine protégé par le treillis à rayures, se raidissait. Une question nous obsédait : « Pourquoi faisons-nous cela ? ». Nos tortionnaires le savaient : c’était du mépris, de la torture mentale ! Afin de ne pas me soumettre à cette ineptie, afin de me calmer, de ne pas me révolter, je cherchais ma propre réponse, ma raison d’être.

Je l’ai trouvée grâce à mon imagination et ma réflexion : «  Avec cette brique que tu portes dans tes mains, tu bâtis une belle, une superbe église en action de grâce pour ton salut. Manqueras-tu de force pour la réalisation d’une telle œuvre ? ». Et toute la journée, en pensée, j’étais libre … Je faisais ce qu’on me disait de faire au camp mais dans un autre but, fictif en réalité, mais choisi par moi. Et cet objectif, pour un temps, a mobilisé toutes mes ressources dans le seul but de survivre.

Un peu avant la Noël est arrivé l’ordre de transférer tous les prêtres à Dachau. « Comment cela va-t-il se passer là-bas ? ». Mais le plus important, en ce moment, c’était que quelque chose changeait dans nos vies. Lorsque le 14 décembre notre train s’arrêta à la gare de Dachau, nous confiâmes notre sort futur entre les mains de la Mère de Dieu. À la stupéfaction des SS et de la population locale, de plusieurs centaines de poitrines jaillit le cantique « Serdeczna Matko » ( Mère Affectueuse ), Et à nouveau nous fûmes face à la porte cochère surmontée de la même inscription qu’à Sachsenhausen : « Arbeit macht frei ».

De l’autre côté de la porte, c’était plus ou moins la même chose, à l’exception du climat qui me paraissait plus supportable et de l’organisation du camp dont le fonctionnement interne dépendait de communistes allemands et de prisonniers de longue date qui, pour certains, avaient connus les débuts des camps en Allemagne. Nous retombâmes dans le système retors et hypocrite du recensement et des mensonges. Nous venions d’arriver et on s’inquiétait déjà de la cause de la mort à communiquer à nos familles si notre carrière de prisonnier devait s’achever ici. On nous pèse, et comment ! Ce n’est pas pour cela qu’on nous donnera une ration supplémentaire de pain s’il nous manque quelques kilos. On nous mesure. On définit même notre type anthropologique. Ensuite, des lèvres des bureaucrates SS, fusent les questions suivantes : « De quelles maladies avez-vous souffert ? A quelles maladies êtes-vous sujet ? Quelles sont les maladies infantiles dans votre famille » …

On m’a attribué le numéro 22.817. Au début, tous les prêtres, et puis, presque tous les prêtres, ont été affectés aux tâches les plus dures et les plus difficiles « dans les plantations ». Personnellement, le sort m’a un peu souri par la suite car pendant un temps j’ai travaillé dans la menuiserie, « à l’intérieur », ce qui était le rêve de chaque prisonnier.

Dans ce camp également, le travail était planifié pour épuiser et exterminer physiquement et moralement mais après la déroute de Stalingrad, il a été décidé d’exploiter nos forces pour un travail productif et utile.  Nous devions à ce fait providentiel l’autorisation de recevoir des colis en provenance de nos familles. Mais après un certain temps, les colis aussi disparurent. Et s’ensuivirent, à nouveau, une grande famine, le typhus, des jours de grande terreur.

Les gens tombaient comme des mouches et parmi eux des personnes de grande valeur : le séminariste Tadeusz Dulny, le prêtre Frelichowski, l’évêque Kozal, le prélat Kaczorowski, … et beaucoup, beaucoup d’autres. En général, de nombreux intellectuels polonais périrent à Dachau.

Si, d’une part, nous étions effarés par la rapidité avec laquelle les gens périssaient, nous étions étonnés, d’autre part, par les résistances morale et physique miraculeuses d’un grand nombre de prisonniers face à tout ce qu’ils subissaient au camp.

La dernière période de notre vie à Dachau a été très dramatique. La guerre touchait à sa fin. Le front se rapprochait. La liberté approchait et notre vie était très incertaine et menacée. « Qu’est ce qui nous attend ?  Soit nous allons périr pendant l’évacuation du camp, soit les SS vont nous exterminer dans le camp avant de se rendre ». Des évacuations fictives furent organisées. Nous, les prêtres, célébrâmes une neuvaine à Saint-Joseph. Le dernier jour de la neuvaine tombait le dimanche 29 avril 1945. Ce fut le jour de notre libération.

Ks Kurzawa

0930
0930 : Biographie d’anciens prisonniers politiques des camps de concentration allemands : Couverture.
0931
0931 : Biographie d’anciens prisonniers politiques des camps de concentration allemands : Exemplaire de Ks Bolesław Kurzawa.
0932
0932 : Biographie d’anciens prisonniers politiques des camps de concentration allemands : Comité de rédaction.
0933
0933 : Biographie d’anciens prisonniers politiques des camps de concentration allemands : Page 140 : Ks Bolesław Kurzawa.
0934
0934 : Biographie d’anciens prisonniers politiques des camps de concentration allemands : Page 141 : Ks Bolesław Kurzawa.
0935
0935 : Biographie d’anciens prisonniers politiques des camps de concentration allemands : Page 142 : Ks Bolesław Kurzawa.
Ks Kurzawa
Ks Kurzawa