0238 – Être jeune

Voici déjà plus de 4 ans qu’on vous entraîne, chaque semaine, à nous rejoindre au pays de notre enfance … Tous les lundis matin, ensemble, nous rajeunissons …

Je ne sais pas si c’est « courir, à nouveau, en culottes courtes dans le parc de Comblain » ou si c’est « revoir les visages de ces jeunes filles – ou de ces jeunes garçons – qui nous ont tant troublés », mais le remède est efficace … on en oublie presque nos soixante balais … voire septante pour certains …

On dit toujours que l’appétit vient en mangeant … on pourrait ajouter que la jeunesse renaît en se souvenant. Mais s’est-elle vraiment éteinte un jour ? Avez-vous eu l’impression – un jour – de devenir adulte ?

Comme disait Brel : « L’enfance, qui peut nous dire quand ça finit, qui peut nous dire quand ça commence … C’est rien avec de l’imprudence … l’enfance ». Moi, j’avoue … je n’ai rien senti. Et vous ?

Quelques années sont passées … quelques rêves se sont éloignés … quelques douleurs se sont installées … mais finalement, ça veut dire quoi « vieillir » ? Ça veut dire quoi : « Être jeune» ?

Une fois de plus, c’est dans le petit journal des « Echos de Comblain », où je puise parfois mes informations sur l’histoire locale, que j’ai découvert cette petite citation du Général Mac Arthur qui répond parfaitement à ces questions :

«Être jeune :

La jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit, un effet de la volonté, une qualité de l’imagination, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.

 On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années, on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l’âme.

 Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la terre et devenir poussière avant la mort.

 Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande comme l’enfant insatiable : « et après ? ». Il défie les évènements et trouve de la joie au jeu de la vie.

 Vous êtes aussi jeune que votre foi ; aussi vieux que votre doute ; aussi jeune que votre confiance en vous-même ; aussi jeune que votre espoir ; aussi vieux que votre abattement.

 Vous resterez jeune tant que vous resterez réceptif. Réceptif à ce qui est beau, bon et grand ; réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de l’infini.

 Si, un jour, votre cœur allait être mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard. ».

Général Mac Arthur – 1945 – Extrait des Echos de Comblain

Alors, j’espère qu’on pourra encore longtemps s’étonner et s’émerveiller ensemble. Parce qu’en définitive : « L’enfance, qui nous empêche de la vivre, de la revivre infiniment, de vivre à remonter le temps, de déchirer la fin du livre ? ». Je vous laisse, une fois de plus, avec le grand Jacques et avec cette chanson qu’on dirait qu’elle a été écrite pour nous …

 Quant à moi, je me retire sur la pointe des pieds pour vous laisser rêver encore un peu … et je vous remercie de l’attention que vous m’avez accordée.

L’aventure des Anciens de Comblain ne s’arrête pas pour autant … elle continue sur le blog et sur face-book où Vos photos et Vos commentaires continueront à être partagés … peut-être avec moins de régularité, mais toujours avec autant de plaisir.

 26/08/2019 – Jean-Pierre Dziewiacien

https://www.youtube.com/watch?v=w9clUgde-w4

L’enfance
Qui peut nous dire quand ça finit
Qui peut nous dire quand ça commence
C’est rien avec de l’imprudence
C’est tout ce qui n’est pas écrit

L’enfance
Qui nous empêche de la vivre
De la revivre infiniment
De vivre à remonter le temps
De déchirer la fin du livre

L’enfance
Qui se dépose sur nos rides
Pour faire de nous de vieux enfants
Nous revoilà jeunes amants
Le cœur est plein la tête est vide
L’enfance… L’enfance

L’enfance
C’est encore le droit de rêver
Et le droit de rêver encore
Mon père était un chercheur d’or
L’ennui c’est qu’il en a trouvé

L’enfance
Il est midi tous les quarts d’heure
Il est jeudi tous les matins
Les adultes sont déserteurs
Tous les bourgeois sont des Indiens

L’enfance… L’enfance

 Jacques Brel

1846
1.846 : COMBLAIN-LA-TOUR : Dans le parc : ( ? ) : ( ? ).
1847
1.847 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant le perron : ( ? ) ; … ; ( ? ).
1848
1.848 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko : ( ? ) ; Ks Kurzawa ; … ; ( ? ) ; Béatrice Laffut ; ( ? ) ; …
1849
1.849 : COMBLAIN-LA-TOUR : Dans le parc : ( ? ) ; … ; ( ? ).
1850
1.850 : COMBLAIN-LA-TOUR : En promenade : Cécile Danielewski ; ( ? ) ; … ; ( ? ).
1851
1.851 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko : ( ? ) ; … ; Fabienne Laffut ; Hélène Piech ; Christine Piech ; … ; ( ? ).
1852
1.852 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko : ( ? ) ; … ; Fabienne Laffut ; Hélène Piech ; Christine Piech ; … ; ( ? ).
1853_80
1.853 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1980 : Dans le hall : Henri Zapałowski ; Pascal Łagocki ; ( ? ) ; Richard Chwoszcz ; Elisabeth Rozenski ; ( ? ) ; Philippe Rouls ; Freddy Motała ; ( ? ) ; …

 

0237 – Sur le fil … il était temps

L’année dernière, en 2018, alors que le soleil de juillet avait décidé de taper beaucoup plus fort que d’habitude, j’ai vu apparaître, sur le fil « à pendre le linge » de mon jardin, des tissus de couleur et de forme peu ordinaire. Un jour tout était d’un blanc immaculé … le jour suivant, c’était les couleurs de la Pologne qui s’affichaient … le jour d’après, c’était une explosion de couleur … puis, que du rouge, … puis encore toute sorte de nuances.

Au début, ça m’a fait tout bizarre ! Surtout, quand j’ai vu que tout le fil du jardin était garni d’une multitude de jupons blancs qui flottaient au vent. Comment ne pas penser à toutes celles qui les avaient un jour portés. J’imaginais déjà ce que les voisins devaient penser ! Je me laissais même envahir par une certaine fierté en me disant : « Après tout, qu’ils pensent ce qu’ils veulent … ce n’est pas moi qui irais les contredire ». Le jour suivant, quand des tabliers ont remplacé les jupons … on pouvait encore fantasmer un peu … Mais le jour d’après, quand des pantalons lignés rouge et blanc ont envahi l’espace, le charme s’est tout d’un coup rompu et le mystère du fil « à pendre le linge » s’est dégonflé comme les ballons de baudruche de notre enfance.
Il devenait évident qu’Eveline s’était mise à redonner vie à des costumes folkloriques polonais.

Il faut savoir que quelques jours plus tôt, Pierre Front nous avait conviés à un déballage inhabituel ! Après moult essais et beaucoup de persuasion, il avait enfin convaincu le prêtre, responsable du Foyer polonais de Ressaix, d’ouvrir ses caves et ses greniers pour en sortir les costumes du KSMP qui gisaient là depuis … plus de 30 ans. Pierre ayant tout transporté dans son garage, il ne « restait plus qu’à … ». L’idée, c’était de voir ce qui pouvait encore être sauvé et remis à l’ensemble Spotkanie pour que les danseurs, la chorale ou les musiciens puissent à nouveau revêtir ces habits, remonter avec eux sur scène et écrire ainsi une suite à leur histoire.

Ce déballage méticuleux fut source de sentiments contrastés. Au plaisir de revoir ces costumes, que nous avions si souvent enfilés, succédait la tristesse de constater dans quel état l’humidité et l’indifférence les avaient conduits. À la surprise de redécouvrir les noms des danseurs de l’époque, succédait la désolation de devoir jeter tant de pièces totalement inutilisables. Tout ce qui pouvait encore être sauvé fut entreposé avec infiniment de délicatesse. Le reste …

C’est ainsi qu’Eveline s’est retrouvée ce mois de juillet 2018, par un soleil de plomb, à la tête « d’un fameux ouvrage ». Durant trois semaines, elle a lessivé, repassé, trié, rafistolé, raccommodé, recousu, rapiécé, … La lessiveuse et le fer à repasser ont surchauffé. Il a fallu rechercher des boutons, des lacets, des rubans … Parfois avec deux pièces défectueuses, elle a su en reconstituer une seule. Je la voyais, sur la grande table de la terrasse, choisir dans ce pantalon à jeter quelle meilleure partie pouvait convenir pour boucher le trou de ce pantalon récupérable. Moi, je suis resté largement à l’écart !

Par expérience – après 39 ans de mariage et 49 ans après notre rencontre à Comblain – je sais que, quand c’est comme ça, je ne dois pas m’en mêler. Ce serait trop dangereux ! J’ai donc trouvé refuge dans le coin de la maison où il faisait le plus frais … devant la télévision … en n’omettant pas de me rafraîchir comme il se doit en pareil cas. Les rares fois où j’ai mis le nez dehors … mal m’en a prit … quand elle m’a vu, elle s’est rappelé que j’existais et que je pouvais aussi participer un peu « Je ne vais quand même pas tout faire toute seule … etc. ». Je vous passe les détails ! Bref, j’ai donc été contraint de mettre un peu la main à la pâte, ou plutôt la cire à la botte. Pour me mettre dans l’ambiance, on m’a revêtu du fameux chapeau de Krakowiak et j’ai été autorisé à finir la bouteille de Krakus pour bien irriguer le mouvement dans la parfaite tradition polonaise ( photo 1.845 ). Et bien sûr, les costumes retapés ont été offerts à Spotkanie.

Si j’avais envie ce lundi de vous raconter cet épisode estival, c’est qu’il s’inscrit parfaitement dans la philosophie des Anciens de Comblain. En effet, entre ces costumes et nos souvenirs, il y a tant de similitudes !

Nos souvenirs aussi étaient oubliés dans des coins de nos mémoires où nous n’allions plus ; ils s’abîmaient dans l’indifférence générale et n’intéressaient plus personne. Beaucoup d’entre eux se sont complètement désagrégés … pour d’autres, il était temps d’intervenir … sinon il n’en resterait rien ! Ces souvenirs aussi avaient connu des périodes fastes, des couleurs chatoyantes, des succès et des applaudissements ; à présent, ils mouraient d’ennui à coup « d’à quoi bon » et de « faut vivre avec son temps ». Petit à petit des trous de mémoire rongeaient nos matières grises, comme les mites et la moisissure s’attaquaient à nos costumes ; des pans entiers de tissu et de mémoire disparaissaient ; les fils s’effilochaient, la trame de la toile et celle de nos liens affectifs lâchaient. Encore un peu et on aurait dû tout jeter ! Il était grand temps.

Aujourd’hui, nous sommes contents d’être intervenu … pour les costumes comme pour nos souvenirs ! Grâce aux Anciens de Comblain, on a pu restaurer ce qui pouvait l’être. Bien sûr, aucun d’entre nous ne remettra jamais un de ces costumes … on n’a plus la même taille qu’eux. On ne les a pas restaurés rien que pour nous ! Notre passé, non plus, on ne le revivra pas. Et ce n’est pas de la nostalgie que d’avoir un regard fier sur son parcours. Ce n’est pas, non plus, pour dénigrer le présent ou pour accabler le temps qui passe que nous avons décidé d’agir, mais simplement parce qu’on s’est rendu compte que c’est une joie immense que de partager un regard tendre sur des souvenirs que nous avons eu ensemble.

19/08/2019 – JP Dz

Commentaires :

Alice Golusinski : Quel travail ! Belle initiative … je me suis souvent demandé ce qu’on en avait fait … La dernière fois que je les ai vus, c’était en 1992 … lors d’un rangement de garde-robe dans la cave -chaufferie à Ressaix … mais depuis …
Très contente qu’ils aient une nouvelle vie … ils étaient magnifiques !!!

Dominique Stefanski : Bravo à tous pour ce sauvetage, pour ce travail d’historien et ces fouilles quasi-archéologiques ! Bravo pour ce travail minutieux de restauration de tous ces costumes et accessoires comme de tous ces souvenirs enfuis …
Je propose que Jean-Pierre soit nommé le premier au patrimoine folklorique, culturel matériel et immatériel des Anciens de Comblain … ( avant une reconnaissance par L’UNESCO, … )!!!

Elisabeth Saweruk : Quel travail beaucoup de courage à vous. C’est remis à neuf ça brille.

Anna Baginska : Dziekuje panstwu ze sie posiwecacie bo to durzo pracy ale widze ze szanujecie to co Polskie.

Marilyne Desmet : Quel bonheur de les avoir retrouvé. Nous pourrons peut-être les enfiler … pour danser ?

André Karasinski : C’est magnifique ce que vous avez fait. Quel boulot ce fut ! Bravo vous trois avec mention spéciale à Eveline. Et, comme d’habitude, très bel article, Janek.

Raymond Mielcarek : Super … ils sont partis rejoindre ceux du KSMP Echo Ojczyste de Mons !!

1834

1.834 : GOTTIGNIES : Sur le fil à pendre le linge.

1835
1.835 : GOTTIGNIES : Sur le fil à pendre le linge.
1836
1.836 : GOTTIGNIES : Sur le fil à pendre le linge.
1837
1.837 : LA LOUVIERE : Re-découverte des costumes du KSMP de Ressaix : Eveline Ogonowski ; Pierre Front.
1838
1.838 : LA LOUVIERE : Re-découverte des costumes du KSMP de Ressaix.
1839
1.839 : LA LOUVIERE : Re-découverte des costumes du KSMP de Ressaix.
1840
1.840 : LA LOUVIERE : Re-découverte des costumes du KSMP de Ressaix.
1841
1.841 : LA LOUVIERE : Re-découverte des costumes du KSMP de Ressaix.
1842
1.842 : GOTTIGNIES : Sauvetage des costumes du KSMP de Ressaix.
1843
1.843 : GOTTIGNIES : Sauvetage des costumes du KSMP de Ressaix.
1844
1.844 : GOTTIGNIES : Sur et sous le fil à pendre le linge : Eveline Ogonowski.
1845
1.845 : GOTTIGNIES : Cirage et hydratation : Jean-Pierre Dziewiacien.

 

0236 – Les glaces à l’eau de Monsieur Bardo

Ce n’était pourtant que de l’eau sucrée et glacée, aromatisée à l’orange ou au citron, et figée sur un petit bâton plat en bois … mais qu’est-ce que c’était bon les glaces à l’eau de Monsieur Bardo !

Avec sa petite échoppe, Pan Bardo parvenait à combler la plupart de nos petites gourmandises. L’essentiel nous était déjà apporté pendant les repas, mais ce petit plus … cette petite fantaisie qui fait que l’enfance est si douce … ce petit goût sucré qui nous faisait tous craquer … c’est là, dans la modeste boutique, située entre la cuisine et la grande porte d’entrée, que nous trouvions notre bonheur. Il y avait là des cartes postales, des timbres et même du papier à lettres … mais surtout des bonbons … L’offre n’était pas très diversifiée, mais elle suffisait à satisfaire toutes nos envies. À l’époque, il existait beaucoup moins de variétés de friandises. Les mentos, dans leurs tubes, étaient encore tout blancs … dans les petits sachets de gommes, on avait le choix entre des souris ou des oursons colorés … la réglisse avait la forme d’un lacet ou de pièces de monnaie noires où des visages inquiétants se laissaient dévorer … il y avait encore ces soucoupes acidulées que nous appelions des hosties … les sugus et les fruitella se présentaient en tube, mais les treets en sachets … on pouvait avoir des sucettes de différents goûts et des bonbons sous forme de quartier d’orange ou de citron.

Si les chewing-gums ( nos chics ) s’appelaient déjà « Hollywood », les chocolats étaient encore bien belges … c’étaient des bâtons de chocolat « Jacques ». Dans chaque bâton, ils avaient six morceaux détachables et on pouvait choisir entre banane, moka, trois fruits, praliné ou au lait avec des noisettes entières. Mmm. On achetait un chocolat pour aller en promenade, mais on ne résistait pas à l’envie de le déballer avant de partir … pour croquer juste un des six morceaux … En cours de route, on se rappelait encore qu’on l’avait fourré dans une poche et on s’en payait encore un bout … et puis, dans l’euphorie, on l’oubliait. C’est au soir, en se déshabillant qu’on retrouvait le sachet de chocolat … tout fondu … mais qu’on mangeait quand même.

Bien sûr, tous ces « extras », il fallait les payer nous-même. À l’époque, notre argent de poche … ce n’était pas beaucoup … Pour aller en colonies, on économisait bien un peu avant, mais ce n’était jamais une fortune ; on s’en contentait. Parfois, on aspirait à être déjà le dimanche quand les parents viendraient nous rendre visite à Comblain, pour obtenir une « rallonge ». On apprenait surtout à gérer notre budget. Et quand on avait choisi son bonbon ou sa glace et que c’était le moment de payer, on comptait les pièces, une à une, sous le regard patient et amusé de Pan Bardo. Là encore on ne pouvait pas s’empêcher de penser aux parents ! Rappelez-vous sur chacune de ces pièces, il y avait un visage de mineur qui était gravé … c’était les visages de nos pères. On avait l’impression de payer nos friandises avec des gouttes de sueur de nos papas. Et ça rendait encore meilleures les glaces à l’eau de Monsieur Bardo.

Pour que les plus petits ne perdent pas leurs sous, on les encourageait à confier leur précieux trésor soit à leur moniteur ou monitrice, soit directement à Pan Bardo. Des listes reprenaient les noms, les prénoms et le « solde des comptes » de chaque dépositaire … le tout dans une confiance totale, évidemment. Et quand l’argent venait à manquer, il n’était pas rare que le moniteur, la monitrice et même Pan Bardo, émus par nos regards tristes, « s’arrangeaient » pour nous offrir encore une de ces irrésistibles glaces à l’eau de Monsieur Bardo.

Personnellement, je n’ai pas eu recours à cette méthode car, quand j’étais enfant, ma mère travaillait toujours comme cuisinière. Quand j’avais envie d’une friandise, il suffisait que je me glisse discrètement dans la cuisine, que je slalome entre les tabliers, que je relève la tête pour être sûr d’être devant le tablier de maman … et que je tire dessus. Et même si toutes les autres dames savaient déjà pourquoi j’étais là, il y en avait toujours une ou l’autre pour me demander : « Qu’est-ce que tu voudrais ? » juste pour m’entendre dire : « J’ai besoin d’une glace ! ». Et toutes éclataient d’un rire tendre et compréhensif. Maman frottait alors ses mains dans son tablier, nous sortions ensemble de la cuisine, puis du bâtiment, pour rejoindre la vieille maison blanche près de la grille d’entrée où logeaient les cuisinières. Je grimpais les escaliers en courant et j’attendais là, devant la chambre, qu’à son tour maman me rejoigne. Elle avait pris soin d’apporter avec elle la grosse clé et ouvrait enfin la porte.

Le spectacle de cette chambre m’impressionnait toujours. C’était spartiate, vétuste et sans aucun confort ! Les six ou sept lits étaient alignés comme dans une prison … juste quelques planches pour ranger les vêtements qui pour la plupart restaient dans des sacs posés par terre … un seul lavabo … très peu de lumière. À chaque fois, ma première impression, quand je rentrais là, c’était une espèce de compassion teintée de tristesse. Heureusement, maman avait vite fait de prendre quelques pièces dans son porte-monnaie et de me les donner … adieu tristesse … adieu compassion … j’étais déjà en train de courir dans l’escalier, les pièces à la main, avant que l’échoppe ne ferme et me prive du « plus important » … une glace à l’eau de Monsieur Bardo.

Par contre quand, à son tour, maman avait besoin de moi … juste pour me voir … juste pour être sûre que tout allait bien … et qu’elle me cherchait du regard dans le parc … j’essayais, comme un con, par tous les moyens de lui échapper ! Je ne voulais pas que les autres garçons se moquent de moi et me traitent de « fillette » à sa maman. Alors, je me dérobais à ses yeux, je me cachais derrière les arbres et les buissons et la laissais retourner inquiète vers sa cuisine. Et je n’en suis vraiment pas fier !

Elle aurait tant aimé qu’on passe ensemble quelques minutes … juste quelques minutes. L’enfance est cruelle !

Aujourd’hui, je m’en veux tellement de ne pas lui avoir offert ce petit plaisir. J’aurais tant aimé le faire. J’aurai tant aimé aussi avoir un tout petit peu de talent pour lui écrire quelques mots tendres à la manière du chanteur Renaud sur l’air du « Mistral gagnant » …

« Ah, m’asseoir, dans le parc, cinq minutes avec toi,
Laisser les autres y courir sans moi …
Sacrifier pour une fois quelques rires, quelques jeux
Pour prendre mon plaisir dans tes yeux.
Te serrer dans mes bras devant les autres enfants
Et t’offrir là un peu de mon temps.
Te raconter enfin mes journées en colo
M’attarder sur les trucs rigolos.
M’abreuver de ton rire en te tenant la main,
Partager mon bonheur d’être ici à Comblain.
Te remercier pour tout … et pour les glaces à l’eau …
De Monsieur Bardo !
 ».

https://www.youtube.com/watch?v=_YqzuE-5RE8

12/08/2019 – JP Dz

Commentaires :

Milczanowski Véronique : Pas de doute, Jean-Pierre, le talent est sans conteste à la pointe pleine de poésie de ta jolie plume … Merci de décrire si bien ce que mon cœur ressent si profondément …

Josee Zawadzki : Oui, Mr Bardo … je ne l’oublierais jamais. Je l’ai connu depuis ma naissance, on habitait les carrés de Bois-du-Luc en ce temps-là. Repose en paix.

1823
1.823 : COMBLAIN-LA-TOUR : En promenade dans les bois : Madame Bardo ; (? ) ; … ; Marek Bujanowski et juste derrière lui, Jean-Pierre Dziewiacien ; Pierre Front ; (? ) ; Jerzy Bardo ; la monitrice, Helcia Garsztka ; le Chef moniteur, Zdzisław Blaszka.
1824
1.824 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant le drapeau : (? ) ; … ; Ks Kurzawa ;… ; (? ).
1825_1978
1.825 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1978 : Devant la petite chapelle : ( ? ) ; … ; ( ? ).
1826_1978
1.826 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1978 : Devant la petite chapelle : ( ? ) ; … ; Ks Kurzawa ; ( ? ) ; Ksiadz Czesław Kiek ; Jef Rozenski ; Pan Paterka ; ( ? ) ; …
1827_1979
1.827 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1979 : Ognisko : Freddy Motała ; Piotr Rozenski ; Michel Konarski ; ( ? ) ; … ; Henri Zapałowski ; ( ? ) ; …
1828_1979
1.828 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1979 : Ognisko : ( ? ) ; … ; ( ? ).
1829
1.829 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko : Jerzy Kiełtyka ; ( ? ) ; … ; Pan Bardo ;… ; ( ? ).
1830
1.830 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko : ( ? ) ; Jerzy Kiełtyka ; … ; ( ? ).
1831
1.831 : COMBLAIN-LA-TOUR : En promenade : ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ).
1832_1979
1.832 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1979 : Ognisko : ( ? ) ; Ks Kurzawa ; … ; ( ? ) ; et en partant de droite : Irena Malek ; Thérèse Spiewak ; Monique Paluszkiewicz ; ( ? ) ;  … ; Nathalie Swiderski, qui danse ; plus haut : Michel Konarski ; Piotr Rozenski ; Dominique Ogonowski ; Nathalie Haine ; Cécile Dannielewski ; Béatrice Laffut, sa soeur, Fabienne Laffut, près de David et …..
1833_1977
1.833 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1977 : En promenade : ( ? ) ; Dominique Ogonowski ; ( ? ) ; ( ? ).

0235 – La soirée … avec ou sans ognisko ?

Nous avons pris l’habitude d’évoquer ensemble toutes sortes de sujets, et plus particulièrement ceux qui concernent tout ce que nous avions à Comblain. Jamais, jusqu’ici nous n’avons parlé de ce que nous n’avions pas ! Vous me direz : « Quel intérêt de perdre son temps à discuter de quelque chose qui n’existait pas ? ». Pourtant, j’ai envie, ce matin, de vous entraîner sur le sujet de l’absence …

Le début des années soixante a été marqué par l’apparition ( que dis-je l’apparition, l’invasion ), dans tous les foyers du monde civilisé, de la télévision. Nous avons été la première génération d’enfants qui ont eu une télé à la maison. Très vite, ce nouvel équipement est devenu le centre d’intérêt et l’objet de toutes nos préoccupations. Bien sûr, les émissions n’étaient pas encore diffusées en continu … il fallait attendre l’heure du début d’antenne ; notre impatience nous faisait souvent regarder la « mire » durant de longues minutes. N’empêche que c’est tout notre mode de vie qui a été bouleversé. Dorénavant, toutes les soirées étaient conditionnées par la curiosité de savoir ce qui passerait dans le petit écran. Nous sommes vraiment les « enfants de la télé » et même les « premiers enfants des premières télés ». Mais quand on débarquait à Comblain … plus de TV !

Aujourd’hui, vous imaginez-vous des vacances sans télévision ? La moindre chambre du moindre hôtel, le plus modeste soit-il, est pourvu d’écran plat. C’est la même chose dans les gîtes, les chambres d’hôte, les auberges. Même les campings sont équipés de grands écrans pour ne pas rater tel ou tel match, ou telle ou telle finale de concours plus ou moins intéressants ou … plus ou moins débiles.

À Comblain-la-Tour, il n’y avait pas de télévision. Et pourtant, nos séjours ne nous ont jamais paru « monacaux » ( cet adjectif est à prendre ici dans le sens de monastère et n’a rien de commun avec un certain rocher et une certaine Stéphanie de même nom ! ). Ceux qui débarquaient pour la première fois étaient étonnés … mais très vite on s’habituait à vivre « sans ». Au contraire, c’est l’absence de télévision qui a permis de créer des liens uniques.

Du coup, cette absence faisait que nos soirées étaient rythmées par deux options : avec ou sans ognisko ?

Les soirées sans feu de camp devenaient des espaces de liberté. C’était la seule fois de la journée que nous étions libres de faire ce que bon nous semble. Le reste du temps, les activités s’enchaînaient, dès le réveil, à une cadence infernale … c’était « pobutka » … débarbouillage … levée du drapeau … déjeuner … remise en ordre de la chambre … première promenade de la journée, la plus longue … dîner … sieste … deuxième promenade … goûter … troisième randonnée … souper … et enfin … un peu de temps pour soi. On en profitait pour prendre possession du parc ; pour s’y disperser, pour changer de groupe, pour découvrir ceux qu’on avait croisés durant la journée, mais qui étaient allé se promener autre part. C’est là que les véritables affinités se forgeaient. C’est là que l’alchimie de l’amitié distillait ses savants dosages qui faisaient de celui-ci « notre meilleur ami » ou de celle-là « notre âme sœur ». La douceur de la soirée et l’obscurité qui s’installait lentement semblaient sceller des pactes invisibles mais définitifs.

Les soirées avec feu de camp écourtaient ces instants magiques de liberté pour nous rassembler autour de l’ognisko. Pourtant, personne ne considérait cette dernière activité de la journée comme une contrainte … au contraire.

Sans doute qu’être dehors quand il faisait déjà noir, qu’être assis autour d’un brasier, avec des flammes gigantesques, qu’être entouré par ses nouveaux amis, et partager ensemble des moments d’exception, nous apportaient ce petit frisson supplémentaire et l’impression de vivre des minutes dont on se souviendrait encore 40 ans plus tard … la preuve.

Ceci dit, il nous faudra bien – bientôt – comprendre que tous les plaisirs ont une fin ! Il nous faudra apprendre à passer le relais, à offrir à d’autres la possibilité de prendre la relève … à accepter de passer de « l’actualité » aux « archives » … en un mot : « de rendre l’antenne » ! Alors pour paraphraser Mr Léon Zitrone, je dirais : « A vous Comblain-la-Tour ».

05/08/2019 – JP Dz

Commentaires :

Anne Wuidar : Tes dernières phrases laissent-elles augurer de la fin de ces retrouvailles à Comblain, Jean-Pierre ? Il n’y a pas très longtemps que je participe à ces denières mais c’est à chaque fois une telle joie !!! La perspective de devoir me passer de la chaleur et de la belle humeur de chacun d’entre vous m’attristerait profondément. Même si je ne comprends pas les paroles des chansons, j’ai plaisir à chantonner en votre compagnie autour du feu, dans la clairière, où chaque fois la même magie opère. Chacun de vos visages est entré dans mon cœur et je vous remercie de m’avoir si bien accueillie et intégrée. Grâce à vous, toutes et tous, grâce à tous ces petits papillons souvenirs que tu partages, Jean-Pierre, je me sens riche d’une sève qui m’épanouit. Bises à tous, mes amis !

JP Dz : Merci Anne, c’est très gentil. Tu sais, si ces rencontres t’ont tant plu, c’est que les Anciens de Comblain c’est avant tout un « énorme enthousiasme » … Mais le plus grand ennemi de l’enthousiasme, c’est la routine ! Et si on n’y prend garde, la routine c’est le plus court chemin vers la lassitude. Ce serait dommage ! Je pense que c’est Voltaire qui disait : « Les choses ont souvent besoin d’être quittées pour être bien senties. ». Il faut donc prendre le risque, de temps en temps, de changer de direction. D’autant plus que j’ai souvent le sentiment d’être trop envahissant, trop pesant. Je déteste ma gravité. À présent, j’ai surtout envie de Vous écouter, de Vous entendre et de Vous lire ! Nous en reparlerons lors de notre week-end des ACLT, le 31 août, d’ici là, il y a encore 3 semaines …

Alice Golusinski : Bonjour … je me disais bien que tes mots prenaient ce sens … mais dans chaque groupe … quel qu’il soit il y a un meneur … tu écris et gères ce groupe comme personne pourrait le faire … encore ce matin tu m’as mis les larmes aux yeux avec la chanson de Renaud et tes mots si beaux envers ta maman …
Je ne vais plus à Comblain … mais en te lisant c’est un peu comme si je retrouvais cette enfance à jamais perdue … et qu’est-ce que ça fait du bien !
Merci pour ta belle plume, tes mots si justes … tes souvenirs si intenses …
Je me permets de te dire ces mots ici et non en privé … car tout simplement envie de le dire haut et fort … je ne te connais que par tes écrits … mais mes lundis ne se passeraient plus au soleil … comme le disait cloclo … si tu t’arrêtais de publier tes belles chroniques !
Bravo et merci.

Janina Urbanek : Très juste et beau commentaire Alice, je ressens la même chose ainsi mes souvenirs sont encore plus intenses.

1815

1.815 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko : Géniu Bujanowski ; ( ? ) ; Mr Joseph Szczepanski ; Mr Andreï Makarow ; ( ? ) ; Christian Szczepanski, 2ème avec les bras croisés ; … ; ( ? ).

1816
1.816 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko : ( ? ) ; … ; ( ? ).
1817
1.817 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko : ( ? ) ; … ; ( ? ).
1818
1.818 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko : ( ? ) ; … ; ( ? ) ; Ludovic Serwan ; Piotr Rozenski.
1819
1.819 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ognisko : ( ? ) ; … ; ( ? ).
1820
1.820 : Télévision – RTF : La mire.
1821
1.821 : Télévision – ORTF : L’horloge.
1822
1.822 : Télévision – ORTF : Léon Zitrone.