On me reproche parfois d’enjoliver les choses … d’essayer de montrer ce passé là plus beau qu’il n’a été … Certes, je l’avoue tout n’était pas aussi simple, ni aussi édenique.
Et, « bien sûr, nous eûmes nos orages … ». Comment aurions-nous pu y échapper ?
Nous fûmes en pleine adolescence … nous la vécûmes ensemble … les uns avec les autres … les uns contre les autres, en ne sachant plus très bien si « contre » signifiait « au plus proche de » ou « violemment opposé à ». Ce fut le temps où nous cherchâmes à comprendre … où nous nous cherchâmes nous-même. Ce fut le temps des utopies et des rêves pour les uns, des ambitions pour les autres. C’est là que s’opposèrent nos visions du monde. C’est là que se forgèrent nos convictions et nos révolutions. Il y avait ceux qui voulaient absolument tout reconstruire et ceux qui s’y trouvaient bien à l’abri. Ce fut la rage des uns contre le doux bien-être du conformisme et du suivisme des autres. On percevait déjà ceux qui ne cicatriseraient jamais de leurs rêves … ceux qui s’accommoderaient de tout … ceux qui trichaient déjà … Et parfois les plus excités du matin devenaient les plus doux du soir … et inversement. Allez comprendre l’adolescence !
Alors, alors … « bien sûr, nous eûmes des orages … ».
C’est là qu’éclatèrent nos plus grandes aspirations à plus de liberté. C’est là qu’explosèrent, enfin, d’incroyables envies, en même temps que nos pires boutons d’acné. Et puis, il y avait ces adultes qui voulaient à tout prix nous canaliser … Les confrontations furent inévitables avec leurs lots d’incompréhension, de tension et de frustration. Alors, faisant fi de nos divergences, nous fîmes bloc contre ceux qui voulaient couper nos ailes et baliser nos désirs. Génération contre génération … raison contre besoin … discipline contre enthousiasme …
Alors, alors … « bien sûr, nous eûmes des orages… ».
Les adultes, entre eux, non plus ne s’accommodaient pas toujours parfaitement. Pourtant ils étaient d’accord sur l’essentiel … mais le diable est dans les détails … c’est là qu’il recrute. Du coup, il y avait toujours l’un ou l’autre qui connaissait un meilleur chemin pour atteindre le même endroit … une meilleure recette pour arriver au même goût … des meilleurs mots pour chanter les mêmes chansons … Ce n’était jamais important, mais c’était toujours très grave. Et cette langue polonaise qui est si fleurie quand on veut semer l’hostilité !
Alors, alors … « bien sûr, ils eurent leurs orages … ».
C’est là aussi que nos amours … « nos doux, nos tendres, nos merveilleux amours », comme chantait le grand Jacques, c’est là que « de l’aube claire jusqu’à la fin du jour » ils naissaient, prospéraient … s’épuisaient. Il faut bien dire que vous fûtes si belles et que nous vous aimâmes tant …
Mais les chagrins succédaient souvent aux fièvres, les éclats aux murmures, les larmes aux frissons …
C’est là que nous comprîmes le vrai sens du mot trahison … « il fallait bien passer le temps, il faut bien que le corps exulte ». Et nous nous perdîmes de temps en temps.
Alors, « plus rien ne ressemblait à rien … on perdait le goût de l’eau … mais pas celui de la conquête ».
Alors, alors … « bien sûr, nous eûmes des orages … ».
Si aujourd’hui, je prends des libertés avec ce « passé là » … si j’use et que j’abuse des « eûmes », des « ûtes » et des « âmes », c’est seulement pour égayer un peu ce « passé pas toujours simple ». Et si la grammaire y perd un peu … la petite musique de l’âme a tout à y gagner …
Si de façon plus générale, je mets quelques guirlandes là où il y avait parfois des ronces et des épines et que je plante des petites fleurs gentilles dans les trous de nez de l’histoire … ce n’est pas pour la déformer … L’histoire n’a pas besoin de moi pour se déformer toute seule. Et il ne manquera jamais, non plus, de ramasseurs de flèches, arrivés après le combat, et qui vous expliqueront comment ils ont vaincu.
Non, ne cherchez pas ! Il n’y a là, pas de plan, pas d’objectif … C’est simplement parce que je crois fermement que « le monde a la beauté du regard qu’on y pose » et que celui que j’ai envie de poser sur Comblain, c’est celui de l’enfance. Car « finalement, finalement … il nous faut bien du talent pour être vieux sans être adultes ».
23/10/2017 – JP Dz





