Que serait une communauté sans ses leaders ? Que serait une passion sans ses emblèmes ? Celui sur qui j’ai envie de braquer les projecteurs aujourd’hui fait partie de ces monstres sacrés … de ces fous de folklores qui ont marqué notre histoire commune.
Dans la région de Mons, Mr Edmond Łagocki, c’est LE chorégraphe mythique du KSMP « Echo Ojczyste » … mais sa réputation a, depuis longtemps, dépassé les frontières du Borinage. Durant plusieurs décennies, il a mis toutes ses forces et toute son énergie dans un seul engagement : celui de défendre et de propager le folklore polonais …
Pour atteindre son objectif, il n’a pas ménagé sa peine. Il lui en a fallu du courage, pour traverser toutes ces années où les problèmes, les polémiques et les conflits n’ont pas manqué ! Tout le monde sait que là où il y a 2 polonais, il y a au moins 4 comités différents. Lui, il souhaitait juste partager sa passion pour les danses polonaises. Il ne voulait pas autre chose que transmettre aux générations futures ce qu’il avait appris. Qu’elles ont dû être lourdes, pour lui, ces querelles d’ego, stériles et contre-productives. Lui, sa vocation ce n’était pas de régler les conflits des « vieux » … lui, il ne se sentait bien qu’entouré de la jeunesse … Pourtant, il a dû affronter des montagnes de contrariétés … mais jamais il n’a abandonné … jamais nous ne l’avons senti découragé !
Il lui en a fallu du dévouement pour s’occuper de plusieurs générations d’adolescents, des années 60 aux années 90. Et Dieu sait combien, durant ces années-là, les mentalités évoluaient vite, combien les mœurs changeaient radicalement, combien la société se transformait en profondeur. Il a dû faire preuve de psychologie, d’ouverture, d’adaptation, de compréhension. Et nous, fidèles à nos statuts d’ados … nous ne lui avons pas vraiment rendu la tâche facile. J’ai encore en mémoire des débats animés, des revendications aussi farfelues qu’éphémères, des combats « juste-pour-gagner » … Je ne me souviens pas d’avoir vu Mr Łagocki s’énerver … Et même quand il était coincé entre les « normes » dictées par les « instances supérieures » et nos aspirations naturelles, il a toujours pris le parti de la jeunesse.
Il lui en a fallu de l’abnégation pour régler les « détails » … Pour contenir, par exemple, les musiciens … entre l’appétit féroce des uns et la fragilité des autres … entre la suffisance des uns et l’excès d’humilité des autres … Il a fallu constamment rassurer ceux-ci, canaliser ceux-là … Parfois, il fallait trancher, quitte à perdre en qualité musicale, du moment que l’intérêt général et l’esprit de la jeunesse, qu’il incarnait, triomphaient.
Mr Łagocki est le seul adulte que je tutoyais et que j’appelais par son prénom. Je pense que nous étions assez nombreux dans le cas. Pas par manque de respect … bien au contraire ! On avait l’impression qu’Edmond avait notre âge … il avait l’âge de tous ceux qu’il a formés, tant dans les années 60 que dans les années 80 … C’est sans doute le secret de sa longévité au sein du KSMP : il « était » la jeunesse. Si les autres adultes avaient voulu nous imposer telle ou telle chose, nous aurions en chœur rejeté, par principe, toute ingérence dans notre sacro-sainte liberté, lui … il faisait à peu près ce qu’il voulait de nous. Il a su, en toutes circonstances, tiré le meilleur de chacun d’entre nous !
Souvent dans l’ombre, toujours dans les coulisses, son plaisir à lui, c’était les applaudissements que nous recevions … Il a vécu le succès par procuration. Aujourd’hui, avec le recul, nous mesurons tous le bonheur d’avoir connu cette époque si heureuse et nous reconnaissons tous le rôle essentiel qu’Edmond y a joué. Et même si la vie a fait que naturellement nous nous sommes quelque peu distancés des rives de nos adolescences, chaque fois que nous tournons la tête vers l’arrière, on finit toujours par revoir cette douce lumière qui nous a guidés, protégés … tel un phare inaltérable … cette douce lumière d’une passion que Monsieur Łagocki a voulu partager avec nous.
27/07/2020 – JP Dz
Voici une courte biographie écrite par Raymond Mielcarek :
Mr Edmond Łagocki est né en Belgique en 1932, il habite Ghlin, et il est l’un des cinq enfants de la famille Łagocki : Jeanine, Monique, Edmond, Henri et Régine. Son papa, Waclaw Łagocki ( 1901 – 1947 ), fut président national de « Związek Polaków » en Belgique, à l’époque, il faisait les déplacements aux réunions à vélo !
Edmond fait partie des jeunes scouts polonais, et puis, comme d’autres polonais de Ghlin, la famille Łagocki quitte Ghlin et vient s’installer à la Cité Wauters à Tertre. À la cité Wauters, ils retrouvent beaucoup de polonais. Sa maman, Maria, sera également longtemps responsable de Matki Różańcowej de Tertre. Dans les années cinquante, il va goûter au folklore polonais avec les autres polonais de la Cité Wauters. On apprend, entre adultes polonais, à danser les danses folkloriques polonaises pour une festivité prévue au terrain de football de Tertre ( voir photos ). Mais Edmond ne s’arrête pas là, il va s’inscrire au cercle polonais d’Hautrage « Koło Solskie », et va jouer des pièces de théâtre ( voir photos ).
Début des années soixante, l’abbé Woryna crée le KSMP « Echo Ojczyste » et fait appel à Edmond pour remplir le rôle de chorégraphe de ce réputé KSMP ! Son épouse Rosalie Wierus, va l’aider dans la besogne en assumant durant de longues années le rôle de costumière du KSMP. En 1966, on retrouve Edmond à Comblain-la-Tour, cette fois-ci comme Chef moniteur ( voir photos ) il aidera alors Ks Kurzawa à la tête de la colonie de vacances. Par après, Edmond jouera encore un autre rôle, car en panne d’instituteurs polonais, il lui est demandé de s’occuper de l’école polonaise d’Hautrage, et enfin et surtout il a passé un temps considérable au centre culturel polonais « Ośrodek Kulturalno Oświatowej » d’Hautrage-Etat et ce jusqu’en 2010 ! On ne peut passer sous silence aussi le rôle joué par son épouse Rosalie qui toujours présente à ses côtés est encore aujourd’hui présidente active de Matki Różańcowy d’Hautrage ainsi que son fils Alexis qui fut membre du comité du KSMP.
Petit détail amusant … Edmond et Rosalie habitent depuis de nombreuses années … la Rue de Varsovie à Tertre.
Raymond Mielcarek












