« T’as bien connu Chose ? » comme dirait François Pirette « Mais si … même que sa sœur elle venait avec … V’la que j’ne reviens plus sur l’nom de famille ! » Eh oui, on en est tous là … Pourtant, nous aussi on a bien connu « chose » et même sa petite sœur … et même son grand frère … mais quand il s’agit de remettre un nom de famille sur un visage … ça devient plus compliqué. Il faut dire que c’était il y a tellement longtemps.
Et puis, nous avons une bonne excuse, en colonie, tout le monde s’appelait par son prénom. Du coup, on était parfois surpris d’apprendre, au bout d’une semaine, qu’une telle était la sœur de celui-ci ou que celui-là était le frère de ces deux autres. Dans certains cas, la ressemblance physique ne laissait aucun doute « ça se voit sur son visage que c’est son frère … ». Mais … dans d’autres cas … on n’aurait pas dit !
Quant aux liens du sang, ceux qui sont normalement là pour créer des liens forts, durables et invisibles … on aurait dit – parfois – qu’eux aussi ils étaient en vacances … mais ailleurs. Sans doute que les colonies étaient des moments propices à découvrir les autres … ceux avec qui on ne cohabitait pas au quotidien … comme une sorte de trêve socio-familiale. Un peu de distance, ça ne peut pas faire de tort … Peut-être même qu’après la colonie, les relations n’en seraient que meilleures ? Oui … peut-être. Mais quand même … parfois, ces trêves ressemblaient plus à des « cessez-le-feu » et les hostilités n’attendaient qu’un petit détail pour embraser à nouveau les esprits ! Il y avait comme de l’électricité dans l’air ! Au moins, ça mettait de l’ambiance.
Dieu merci, dans leur immense majorité, les « choses » se passaient bien … Et j’avoue que je regardais, avec une certaine envie, ces grandes sœurs qui avaient des gestes de tendresse envers leur fratrie … qui parvenaient à veiller sur leurs petites sœurs et petits frères tout en gardant cette distance nécessaire qui permet de faire croire aux plus jeunes qu’ils sont libres et totalement livrés à eux-mêmes. Pour le fils unique que j’étais, cette tendresse-là, c’était une émotion teintée de regret que seuls l’esprit de famille qui régnait à Comblain et la certitude d’être entouré d’amis parvenaient à atténuer.
Que reste-t-il aujourd’hui de ces familles, plus ou moins grandes, qui ont fait les beaux jours de Comblain-la-Tour ? Le temps est passé … avec son cortège d’épreuves, de chagrins et de fatalités. Certaines de ces fratries ont disparues complètement … d’autres tentent de se remettre de quelques absences définitives … d’autres encore, se sont perdues dans les vicissitudes d’un quotidien qui les a malmené et sont persuadées que rien ni personne ne pourra jamais les réconcilier … Pourtant, vu de l’extérieur, ils nous paraissent encore tellement complémentaires … Mais comme dirait cet autre humoriste : « Cela-ne-nous-regarde-pas ! ».
Il reste des « Smalas » qui sont restées intactes, qui cultivent la famille comme on cultive un jardin et récoltent l’attachement comme un fruit précieux dont la saveur n’a pas d’égal. Il reste le souvenir de ces noms à consonance polonaise – mais pas toujours – qu’on a si souvent entendus mais qu’on ne sait plus si ceux-là étaient des cousins ou des frères … Il reste quelques photos … celles d’aujourd’hui sont consacrées à une de ces grandes familles dont tous les enfants sont passés par Comblain et ont marqué l’histoire de la colonie … les Konarski : Christiane, Danielle, Bogdan, Janek, Richard et Michel. Si nous avons côtoyé à Comblain beaucoup de fratries, avoir eu les six qui se sont succédé … c’est rare … même exceptionnel. D’autant plus que leur présence s’est répartie entre les années soixante et les années quatre-vingt … belle amplitude ! On peut dire qu’on a tous connu au moins un Konarski.
Reste encore l’envie de retrouver d’autres noms de fratries avec qui nous avons partagé de si doux moments. Rafraîchissez-moi la mémoire … avant que tout cela ne se mélange définitivement …
Reste enfin, pour moi, se souvenir mélancolique qu’à chaque fois que je revenais d’un séjour à Comblain-la-Tour, je ne pouvais pas m’empêcher d’écouter en boucle la chanson de Maxime Leforestier :
« Toi le frère que je n’ai jamais eu
Sais-tu si tu avais vécu
Ce que nous aurions fait ensemble
Un an après moi, tu serais né
Alors on n’se s’rait plus quittés
Comme des amis qui se ressemblent
On aurait appris l’argot par cœur
J’aurais été ton professeur
A mon école buissonnière
Sur qu’un jour on se serait battu
Pour peu qu’alors on ait connu
Ensemble la même première ».
03/08/2020 : JP Dz












