Et voilà que Pâques est derrière nous … La fête la plus importante pour les polonais … notre « Wielkanoc 2020 » fait désormais partie des évènements du passé. Pourtant, elle restera gravée dans nos mémoires comme la Pâques la plus triste de l’histoire moderne …
Il faut savoir que pour nous, les polonais, Wielkanoc ce n’est pas seulement une fête catholique essentielle, c’est aussi une tradition séculaire qui a engendré des rites, des usages et des coutumes auxquels chaque polonais est infiniment attaché. C’est un ensemble qui comprend la préparation de plats traditionnels, la bénédiction de ces plats par le prêtre, la présentation de toute cette nourriture sur des tables opulentes, le partage des repas, jusqu’à celui du lundi de Pâques particulièrement festif … et le fameux « Śmigus-dyngus » … Tout ça n’a évidemment qu’une seule finalité … le partage dans la fraternité. C’est l’expression du bonheur d’être ensemble.
Cette année, confinement oblige, il a fallu se résoudre à festoyer chacun de son côté ! Comme si c’était possible !
Ce coronavirus a tout balayé sur son passage … Et il ne s’attaque pas seulement à nos santés … c’est tout notre mode de vie qui s’en trouve ébranlé … ce sont toutes nos valeurs qui s’écroulent. Il va jusqu’à faire vaciller certains de nos instincts les plus primaires. Notre instinct grégaire par exemple, celui qui nous rassemble, surtout dans les moments difficiles, celui qui nous conduit à nous abriter les uns contre les autres, à nous réunir dans les églises, quand la peur nous tourmente, celui qui nous mobilise dans la rue quand la colère nous submerge, celui enfin qui nous agglutine dans les parcs ou les places pour fêter ensemble les victoires ou les issues heureuses … cet instinct grégaire – essentiel à l’humanité – nous est aujourd’hui interdit !
Fêter Pâques sans pouvoir serrer ses enfants dans ses bras … sans partager la krakowska, la babka, les œufs colorés et le chrzan avec les siens … quelle tristesse ! On s’en souviendra de ce Wielkanoc !
Ou plutôt non, oublions-le vite … et rappelons-nous plutôt nos Wielkanoc d’antan … ceux de notre enfance … quand nous assistions émerveillés aux préparatifs de la grande fête … quand l’instituteur de l’école polonaise nous faisait apprendre par cœur des « wierszyki » que nous devions réciter le jour venu devant toute la famille et sous l’œil fier et ému de nos parents.
J’ai retrouvé un de ces « wierszyk » dans un des livres que Dr Pomorski avait écrit pour nous. Ce livre, c’est « Nasza szkoła » édité en 1956. Le poème s’appelle : Wielkanoc. ( à lire ci-dessous )
Pour la petite histoire, j’ai cru un moment que ce petit poème avait été écrit par Dr Pomorski lui-même, puisqu’il ne comporte aucune signature, ni indication ( comme d’ailleurs aucun autre texte du livre ). Eh bien, non ! Il faut croire qu’à l’époque, on ne s’embarrassait pas trop des droits d’auteur ou qu’à l’instar de je ne sais plus qui, on pensait que « La poésie n’appartient pas à ceux qui l’écrivent, mais à ceux qui s’en servent ».
Sachez que ce poème a été écrit par Maria Konopnicka, personnage haut en couleur, qui était en même temps poète, nouvelliste et écrivain pour enfants, traductrice de littérature française, anglaise, allemande, italienne et tchèque, journaliste et critique, tout en militant pour les droits des femmes, des enfants et l’indépendance de la Pologne … mais aussi chrétienne et anticléricale … Vous trouverez sur Wikipédia tout ce qu’il faut retenir de cette personnalité qui fait partie de notre culture polonaise et bien au-delà puisque … un des cratères de la planète Vénus porte son nom.
Sachez aussi que Maria Konopnicka est également l’auteur d’un autre poème que nous connaissons tous pour l’avoir chanté tant de fois : Rota … et si le titre ne vous dit rien, écoutez : https://www.youtube.com/watch?v=OT124Co2e8A
Sachez enfin que je n’ai pas trouvé ça tout seul … ma connaissance de la culture polonaise est très modeste. Ce qui n’est pas le cas d’André Karasinski – notre Wikipédia à nous, en chair et en os – à qui il m’a suffi d’envoyer les premiers mots du poème pour avoir une réponse complète et une explication détaillée. Merci André.
D’ailleurs, nous avons décidé d’ouvrir une nouvelle rubrique – dans le blog des Anciens de Comblain – dans laquelle André Karasinski nous rafraîchira la mémoire sur toutes ces traditions qui ont jalonné notre enfance. Il nous aidera à comprendre, à décrypter et à sauvegarder tout ce qui fait nos racines.
Voilà bien encore une preuve qu’ensemble c’est mieux !
20/04/2020 – JP Dz
Wielkanoc
Jutro będzie Wielkanoc,
Babki w piec już wsadzone,
Gotują się kiełbasy
I mieć będziem święcone.
Demain, c’est Pâques,
Les gâteaux sont déjà dans le four,
Les saucisses cuisent
Et j’aurai du « święcone » (1).
Najpierw obrus bielutki
Mama na stół położy,
Na nim stanie pośrodku
Ten baranek, ten Boży.
D’abord la nappe blanche
Que maman va mettre sur la table,
Sur elle, placé au milieu
Cet agneau, ce Dieu.
Chorągiewka czerwona,
A zaś kijek złocony,
Babka jedna i druga
Z każdej będzie stać strony.
Un fanion rouge,
Et ensuite un bâton doré,
Un gâteau puis une autre
De chaque côté sera placé.
Z rana pryjdzie ksiądz proboszcz
I poświęci stół cały,
Domek także pokropi,
By się dzieci chowały.
Dans la matinée le prêtre viendra
Et bénira la table entière,
La maison aussi sera arrosée,
Pour que les enfants se cachent.
Tak się zrobi wesoło,
Tak słoneczko zaświeci !
Ach, już nie ma, powiadam,
Jak Wielkanoc dla dzieci.
Ça va être amusant,
Il fera si beau !
Oh, il n’y a pas, je le dis,
Comme Pâques pour les enfants.
Maria Konopnicka
(1) : Petit-déjeuner festif et traditionnel du lundi de Pâques














