En 1972, la « Macierz Szkolna » décide de mettre sur pied un cours de danses folkloriques à Comblain-la-Tour. C’est une première. Comme ce stage était destiné à tous les jeunes qui souhaitaient perfectionner leur connaissance de la danse polonaise, tous les KSMP se sont rués sur l’occasion.
Cette formation s’est déroulée du 19 au 27 août 1972. Elle a réuni des jeunes de tous les coins de Belgique.
Les KSMP de Ressaix, de Charleroi, de Liège et du Limbourg étaient présents ; mais les participants les plus nombreux venaient du KSMP de Mons et du groupe Wisła. La plus jeune d’entre nous, notre « mascotte », c’était déjà Betty Nowicki.
Ce n’était pas la première fois que tous ces jeunes se rencontraient, loin de là. Les occasions étaient nombreuses. On se voyait lors des pèlerinages à Montaigu et à Banneux, lors de rassemblements comme au cimetière de Lommel, ou pendant les colonies à Comblain, mais surtout lors des festivals des KSMP qui se déroulaient chaque année – et alternativement – dans une région différente.
Ces rencontres, aussi agréables qu’elles étaient, favorisaient néanmoins une certaine compétition entre les groupes et une espèce de rivalité, bonne enfant, teintée de chauvinisme et d’esprit de clocher animait les conversations.
Ce stage de danse à Comblain est venu tout bouleverser, tout changer : pour la première fois, tous seront mélangés et les divisions, les régions, les étiquettes n’existeront plus l’espace d’une longue semaine. Il n’y avait plus de Mons, de Liège ou de Wisła … Nous étions tous égaux, tous élèves, tous avides d’apprendre et prêts à partager l’expérience.
Parmi tous les souvenirs laissés par ce stage, un des plus touchants, des plus émouvants, aura été de voir un tel danseur de Wisła expliquer à une telle danseuse de Charleroi un pas qu’il avait su dompter ou d’observer une de « Ressaix » corriger un de « Mons », et vice et versa. Le tout dans une ambiance merveilleuse. La réussite de ce cours a été double : elle a permis d’apprendre à mieux danser et surtout à mieux s’apprécier.
Le courant est bien passé entre les jeunes et la chorégraphe, Mme Zeromska. Pourtant, le premier contact fut « difficile ».
Madame Olga Zeromska, c’était une chorégraphe, spécialiste des danses folkloriques polonaises à Londres où elle côtoyait l’élite de l’émigration polonaise ; ses élèves étaient tous issus des hautes sphères et la jeune aristocratie en exil qui se donnait rendez-vous à ses cours.
On les imagine aisément affichant une belle prestance, pleins de distinction et parlant un polonais impeccable … À Comblain, elle se retrouvait devant un groupe différent, joyeusement hétéroclite et disparate. Imaginez un groupe présentant autant de diversités physiques ( des grands, des petits, des châtains, des foncés, des minces, des plus corpulents, … ) que régionales et culturelles : certains parlaient un polonais moyen, d’autres le comprenaient à peine ; certains parlaient français, d’autres le néerlandais … mais, ils avaient cependant tous en commun d’être enfants de mineurs et de travailleurs.
À Londres, elle suscitait l’admiration et le respect. Ici, en Belgique, dans les yeux de tous ces jeunes, elle pouvait lire de la curiosité, voir une certaine méfiance ; bref, elle n’était pas en terre conquise mais elle se retrouvait devant une population qui ne lui était pas toute acquise …
Son premier mouvement fut de faire marche arrière et un long entretien fut nécessaire avec les organisateurs du cours de danse. On peut imaginer la déception de la chorégraphe et son désir de retourner à Londres mais heureusement, quand ils sortirent du bureau après cette mise au point, la cause était entendue : Madame Olga reste.
La première séance du premier cours put commencer. Pour se faire une idée générale du niveau moyen de ses nouveaux élèves, Olga débuta son enseignement par un pas très difficile de Mazurka.
Dès les premières minutes, elle stoppa les danseurs et je l’ai vu foncer sur moi, avec une certaine appréhension : « Où as-tu appris à faire ce pas ? », « Qui est ton professeur ? » …
J’ai été surpris, angoissé même, à l’idée d’avoir peut-être mal suivi ses instructions ; j’ai balbutié que je dansais au K.S.M.P. de Mons, et désignant Monsieur Edmond Łagocki, que c’était ce monsieur-là qui m’avait appris ce pas, comme d’ailleurs tout ce que je savais.
Mme Zeromska s’est précipitée sur Edmond pour l’assaillir de questions. Il a répondu qu’il était mineur de profession et que la danse, il l’avait apprise tout seul. Et que depuis, sa grande passion, c’était de partager.
En quelques minutes, elle a compris qu’ici, la noblesse elle venait du cœur et que cette aristocratie-là, valait bien toutes les autres. Elle a compris que finalement, ce serait plus facile que prévu, parce que ces jeunes avaient certes, déjà, un bagage non négligeable, mais qu’ils étaient surtout constitués d’un formidable élan de passion et d’enthousiasme !
Oubliées les différences et la méfiance, le cours a repris et ce fut inoubliable …
01/05/2017 – JP Dz


