À force de chanter « Hej tam pod lasem, coś błyszczy zdala, banda cyganów, ogień rozpala » … à force d’être toute la sainte journée sur les routes de Comblain-la-Tour … à force de passer nos plus doux moments au « Camp des gitans » … à force d’accumuler tant de plaisir à se réunir autour des ognisko … nous finissions – nous aussi – pour nous prendre pour des « cygane ».
On est toujours un peu tzigane quand on est libre dans sa tête ; on est toujours un peu gitan quand on est en vacances ; et quand, rassemblé dans l’obscurité, autour d’un feu de camp qui crépite, on entend les premières notes de guitare, on devient tous, spontanément, des romanichels … des « Cygan bez roli », des « Cygan bez chaty », mais des « Cygan szczęśliwy », des « Cygan bogaty » … Bom, stradi dadi … Bom, stradi dadi …
Pas besoin de spiewnik pour cette chanson … nous la chantions si souvent qu’on connaissait le texte par cœur et on attendait le refrain pour chanter encore plus fort « Malowany koń, malowany wóz ». Et même si on ne comprenait pas exactement tous les mots, on avait bien saisi la finalité du message … il s’agissait ici de convaincre les filles de s’intéresser plutôt à nous « Nie kochaj dziewczę, kmiecia ni pana, lecz całym sercem, kochaj cygana » … Bom, stradi dadi … Bom, stradi dadi …
Cette musique est tellement entraînante que très vite on se sentait comme happé. Ça commençait, à chaque fois, par un irrésistible balancement de droite à gauche, en rythme, où tout le monde entraînait tout le monde … puis les mains se sentaient obligées d’intervenir pour battre la mesure. On improvisait d’insolites tambourins avec tout ce qui nous tombait sous la main … et presque aussitôt les jambes, à leur tour, s’agitaient. C’était difficile de rester assis. Alors les filles enfilaient leur plus longue robe colorée, se couvraient les épaules d’un châle et Béatrice devenait « Esmeralda », et Fabienne « Rodriguo » … comme quelques années plutôt Sophie et Alice, sur le même air … Bom, stradi dadi … Bom, stradi dadi …
Après les colonies, quand on rentrait chez nous, sur nos terres, dans nos groupes folkloriques, on avait encore envie de prolonger la tentation de se prendre pour des cygane. Au KSMP de Mons, on en a fait carrément une des danses le plus souvent reprises dans nos représentations : le « Cyganski ». Tout y était, le faux ognisko, les tambourins, les robes longues, les châles et les filles dansaient … sans soulier, en chaussettes blanches … Bom, stradi dadi … Bom, stradi dadi …
C’était un moment du spectacle qui était très apprécié des spectateurs. Personne ne se posait la question de savoir pourquoi cette incursion de la culture tzigane dans la culture polonaise. Pour nous c’était naturel ; nous l’avions découvert à Comblain-la-Tour et donc nous l’avions adopté. La culture et le folklore ne sont jamais figés, au contraire, c’est un partage … on prend d’un côté et on donne de l’autre. C’est tellement vrai que la photo 1.743 est, à ce titre, assez exceptionnelle : on y voit le KSMP de Mons en costumes traditionnels – avec au premier rang, accroupies, les filles habillées en gitanes – mais on y voit aussi quelques artistes qui n’avaient rien de polonais ! Ils étaient là parce que notre enthousiasme était communicatif. Ils dansaient avec nous parce qu’ils adoraient ça … tout simplement. Ils chantaient avec nous, souvent sans comprendre le moindre mot, mais avec le sentiment d’appartenir à la communauté polonaise. C’est ce qu’on appelle le brassage culturel et nous avons tous gagné à ce mélange-là … Bom, stradi dadi … Bom, stradi dadi …
On est tous un peu bohémiens quand on est sur une scène ! Bom, stradi dadi … Bęc.
10/06/2019 – JP Dz










