par Eveline Ogonowski
Je ne suis jamais venue à Comblain-la-Tour en train … et je le regrette. J’ai souvent imaginé comment devait être l’ambiance dans les wagons qui amenaient les jeunes en colonies. Les vacances commençaient déjà à la gare où ils embarquaient. Le voyage devenait l’apéritif d’un festin qui durerait au moins deux semaines. Moi, je venais en auto … avec Kz Okroj ou Kz Kurzawa.
Je ne suis jamais descendue du train en gare de Comblain, pourtant … j’ai bien connu cette gare … j’y ai très souvent fréquenté les quais. Ks Kurzawa nous envoyait régulièrement à la « station » pour accueillir les nouveaux arrivants ou pour raccompagner ceux qui terminaient leur séjour. C’est une mission qui me plaisait beaucoup. J’y allais de bon cœur, malgré ma timidité. J’imaginais les retrouvailles et le plaisir de revoir des vieilles connaissances. De temps en temps, il nous accompagnait et quelquefois, j’y allais seule.
Parfois, je ne connaissais pas ceux que Ks Kurzawa me demandait d’aller accueillir. Ma timidité naturelle faisait de la résistance. Je ne pouvais pas m’empêcher de dire au prêtre : « Mais, Monsieur le curé, je ne connais pas ces gens… Comment puis-je les reconnaître ? Comment dois-je les aborder ? Que vont-ils penser de moi ? ».
Alors, le Directeur se faisait rassurant : « Quand les portes du train s’ouvriront et que des gens descendront avec des bagages, tu n’auras qu’à t’approcher et sourire. Et ensuite, tu n’as qu’à dire « Dzień dobry » toujours en souriant et tu verras … ». Il avait raison.
Pour Ks Kurzawa, le sourire était, en même temps, une vertu et une arme ; il savait l’utiliser dans toutes les circonstances et je ne connais personne qui était capable de lui résister. Il était même passé Maître dans l’art de se servir du sourire des autres. Ainsi, quand il m’envoyait sur les quais de la gare, c’est un peu de son sourire qu’il déléguait ; j’étais son sourire « par procuration ». Évidemment, les voyageurs étaient toujours extrêmement contents de voir qu’on les attendait, qu’on était venu jusque-là pour faire ensemble le petit bout de chemin qui nous séparait encore de la maison polonaise. Et surtout, que cet accueil soit si souriant.
Je ne sais pas pourquoi c’est souvent moi que le prêtre dépêchait pour cette mission. Mais j’avoue qu’il m’a convertie à sa philosophie du sourire qui désarme et aplanit les obstacles. En cherchant un peu, j’ai même trouvé un petit poème de René Remacle qui convenait parfaitement à cette philosophie. Ça commençait comme ça : « Un sourire ne coûte rien. Il enrichit ceux qui le reçoivent sans appauvrir ceux qui le donnent … ». J’avais recopié le texte et je l’avais affiché dans notre chambre. Et chaque fois, qu’il fallait aller accueillir quelqu’un, je relisais ces quelques mots pour m’imprégner.
Quand il fallait accompagner un groupe qui repartait … c’était moins gai. On avait passé ensemble de si bons moments. Mais c’était important d’aller avec eux jusqu’à la gare … de porter un peu de leurs bagages … un peu de leur cafard. Il arrivait toujours un moment où la gorge trop serrée empêchait les mots de passer. Alors, la parole se faisait regard … l’émotion devenait silence. Les mots se transformaient en petites gouttelettes pour venir scintiller aux coins des yeux. Ce n’était pas encore la tristesse, elle viendra juste après, mais ce n’était déjà plus le bonheur. C’était quelques secondes d’éternité … d’immobilité. Et c’était encore des sourires qu’on partageait, mais des sourires noyés qui semblaient dire : « Reviendras-tu le prochain été ? ».
25/12/2017 – Eveline Ogonowski





Debouts : Wiesza de Liège ; Violette Kiełbowicz ; Christine Mironczyk ; Danièle Mironczyk ; ( ? ).


Debouts : ( ? ) ; Janek Konarski ; Zosia Król ; Monica Nauschutz ; Michel Konarski ; Richard Konarski ; Patrick Madaj ; Regina Gymza ; ( ? ) ; Isabella Cosaro ; ( ? ) ; Alexis Łagocki ; Hélène Borowski ; Zuhal Gunal ; Igor Gymza ; Georges Persich ; Danielle Konarski ; ( ? ).