Moi … je ne m’en souvenais plus …
Mais, c’est vrai. Nous étions évalués sur l’ordre et la propreté de nos chambres !
Dominique Ogonowski a retrouvé dans les caves de la colonie, un de ces grands tableaux sur lequel l’autorité jugeait et notait l’état de nos chambres. Comme il était impossible de scanner une si grande feuille, j’ai reproduit le tableau à l’identique … c’est le document 765.
Je ne sais pas ce qu’il faut penser de cette évaluation, ni comment il convient d’interpréter les notations ?
Il est clair qu’au hit-parade des chambres les plus pimpantes, ce sont les n° 7 ( si chère à Georges Zalobek … « Mets-là dans la 7 … » les intéressés s’en souviendront ), la n° 11 et la 24 qui brillent par leur régularité. À l’opposé, les chambres 13, 26 et 15 … sont nominées ex aequo dans la catégorie des plus négligées.
Sur le tableau retrouvé, il ne figure ni de date, ni les noms des « candidats » … c’est frustrant ! Il aurait été très amusant de taquiner ceux et celles qui étaient ainsi mis à l’honneur … ou à l’index.
Moi, la seule chose dont je ne souvienne, dans les chambres des garçons … c’est l’odeur des chaussettes roulées en boule dans le fond des armoires. Cette odeur virile était « accablante » … surtout au début … Après, elle ne disparaissait pas – bien au contraire – mais on finissait par s’habituer.
Par contre, si nous étions responsables de nos chambres, vous êtes-vous déjà demandé qui veillait sur la propreté des parties communes ? À l’époque, cela ne nous préoccupait aucunement. Je dirais même qu’on s’en fichait royalement. Le réfectoire était toujours très propre. Les halls, escalier, échoppe, perron … étaient toujours impeccables. Cela tient de l’exploit quand on y pense … Rappelez-vous ces marées humaines tantôt montantes, tantôt descendantes qui déferlaient sur les parties communes, par tous temps … ces dizaines de pieds martelant le sol, les inévitables petits accidents à table … les verres renversés, les gouttes perlant sur le sol ….
Mais pourquoi se serait-on préoccupé de savoir pourquoi et comment ce petit miracle se produisait quotidiennement, alors que nous avions tant d’autres choses à penser ? Tout cela n’était pour autant, pas laissé au hasard ; ces tâches étaient le lot quotidien des factotums.
Leur présence bienveillante a été constante. Même si ce n’était pas toujours les mêmes, il y avait toujours plusieurs bénévoles dévoués dont le rôle consistait à nettoyer derrière nous, à effacer en quelque sorte, les traces de notre passage. Ils profitaient de ce que nous étions en vadrouille pour frotter, balayer, astiquer et ranger. Leur discrétion les rendait presque invisible. Par contre, leur travail et leur dévouement les rendaient indispensables. J’aimerais tant retrouver le nom de tous ces courageux, les mettre, pour une fois, à l’honneur et les faire passer de l’ombre dans laquelle ils accomplissaient leurs tâches à la lumière de notre reconnaissance et de notre gratitude.
Si chacun d’entre eux était sympathique, chacun avait son style, ses habitudes et ses marottes.
Le plus « folklorique » d’entre eux a été certainement Léon Warchulski. Léon était à la fois épicurien, philosophe et le violoncelliste attitré du KSMP de Mons. Même s’il faut bien l’avouer que ses dons pour la philosophie et le violon étaient parfois inversement proportionnels à son état de sobriété : Léon soignait, en effet, sa timidité naturelle avec une médication que la morale réprouve mais que la franche camaraderie – surtout polonaise – encourage fortement …
Donc, notre brave Léon – qui se consacrait toute la journée au nettoyage et autres tâches ingrates qui lui était assignées – souhaitait s’investir davantage dans l’intérêt général. Il organisait donc, régulièrement, en fin de soirée, des activités aussi utiles que sympathiques. Pour faire court, il avait installé, dans la remise, un atelier « vodka ». Le but : fabriquer de la wiśniówka pour alimenter toutes les manifestations où les adultes étaient présents et favoriser leur intégration, et assurer ainsi une meilleure ambiance. Avouez qu’il n’y a pas plus noble comme intention.
Nous, les moniteurs, nous étions sollicités par Léon pour l’aider à la concrétisation de cette œuvre de bienfaisance. Donc, à la nuit tombée, quand les enfants étaient enfin couchés ( et laissés à la surveillance des sous-moniteurs ), nous allions discrètement rejoindre Léon dans son atelier d’alchimiste. On s’asseyait alors en rond et notre participation consistait à enfoncer des cerises dans des bouteilles.
Régulièrement, le Maître des lieux, d’une façon très militaire, stoppait la chaîne de fabrication pour « huiler » les rouages de la machine ( c’est-à-dire nous ). Il fallait bien goûter à la production pour être sûr du résultat. Et puis on reprenait en cadence l’introduction de ces longs chapelets de cerises que nous manipulions quasi religieusement.
Je ne me souviens plus de la quantité de cerises qu’il fallait enfoncer avant chaque pose … Je ne me souviens plus du nombre de poses dont on bénéficiait … Ni de combien de temps ça durait … Je ne me souviens plus – non plus – comment je parvenais à rejoindre ma chambre ? Peut-être à l’odeur des chaussettes ?
Par contre, ce dont je me rappelle … ce sont les lendemains matins …
Au lieu du « Salut les copains » habituel, c’était plutôt « Âge tendre et gueule de bois ».
C’est sans doute déjà là que nous avons laissé quelques neurones aux « abonnés absents » … même si, avec le temps, je peux dire que tout cela n’a entamé ni notre mémoire ni notre enthousiasme … Par contre, je ne suis pas sûr de pouvoir rechanter le « temps des cerises » avec le même tempo aujourd’hui !
15/05/2017 – JP Dz






Lis Zygmunt po lewej na dole po lewej stronie z skrzypcami