Quand je regarde cette carte postale ( 351 ) – dont la photo a été prise à partir du rocher de la vierge – j’ai l’impression d’entendre une petite musique … J’ai envie de me rapprocher un peu …
Plus je me rapproche, et plus cet air me paraît familier.
C’est bien ça … c’est Pierre … Pierre Bartnik. Il est occupé à jouer à la guitare : « les jeux interdits » … comme d’habitude.
Autour de lui, assises sur l’herbe, cinq ou six filles l’écoutent religieusement. Elles ont l’air d’être amoureuses. On ne sait pas si c’est le guitariste ou la musique qui les met dans un état pareil. Il a toujours autant de succès ce Pierre. À peine quelques mètres derrière, c’est cinq ou six garçons qui observent la scène … en râlant. Eux, ils ne sont pas des fans. Au contraire. « Si j’avais su qu’il suffisait de gratter une guitare pour séduire ». « En plus, il joue toujours le même morceau … ». « Au foot, il doit être nul … ». « Pour l’année prochaine, j’apprends à jouer de la guitare … ». « Ce n’est pas encore fini ce morceau ? ».
De l’autre côté du sentier, un peu en arrière, c’est le groupe des petites filles. Elles chantent la nouvelle chanson qu’elles ont apprise aujourd’hui : Piekna Hanisia. Le premier couplet ne pose plus de problème, mais à partir du deuxième, les petites filles s’emmêlent les pinceaux. La monitrice, pour les aider, s’efforce de mimer les paroles. On la voit tantôt sangloter, tantôt être heureuse. Il faudra encore répéter.
Sur le sentier, côté Ourthe, ce sont trois cuisinières qui se promènent. Elles ont enfin un moment de répit. Après une longue journée derrière les fourneaux, elles ont besoin de décompresser. Cette petite promenade quotidienne leur permet de se mélanger aux enfants ; elles adorent ça.
Dans quelques minutes, elles vont croiser Ks Kurzawa. Lui, il préfère l’autre sentier, celui qui longue le chemin de fer. C’est là qu’il avance lentement en lisant son bréviaire. Il est tellement concentré sur sa lecture, qu’il n’apercevra même pas les sourires polis de nos trois cuisinières.
Dans le fond du parc, c’est « l’arbre aux singes ». Les enfants l’ont surnommé comme ça parce qu’ils adorent monter dessus. Et comme tous les jours, il est habité. Aujourd’hui, ce sont des filles ; les cris stridents qu’on peut entendre de loin prouvent qu’elles ne s’ennuient pas.
Au centre du parc, sur la grande pelouse, une partie de l’herbe est déjà coupée. Mais le tracteur s’est arrêté … là … en plein milieu … sans raison apparente. Mais tout le monde sait que c’est l’heure de la pose pour Pan Jan. D’ailleurs, si vous regardez bien derrière le petit bosquet, vous verrez ses pieds allongés par terre. Il ronfle.
En passant autour de lui, les garçons du deuxième groupe font le tour et observent un silence respectueux. Eux, ils sont de corvée papiers. C’est-à-dire qu’ils doivent ramasser tout ce qui traîne dans le parc et ailleurs. Ce n’est pas la corvée la plus facile ; d’ailleurs ils ont pris du retard. Sans les encouragements du moniteur … et les menaces de recommencer demain … ils auraient déjà baissé les bras.
Plus près de la maison, ce sont plutôt des craquements secs qu’on entend. C’est le chef-moniteur qui a réquisitionné quelques grands garçons pour l’aider à préparer le feu de camp. La consigne, c’est de ramasser le bois mort. Mais quelques branches bien vivantes seront sacrifiées, même si elles résistent.
Tout doucement, l’édifice prend forme. Dans une heure et demie, tout le monde sera assis autour du feu. Les plus frileuses auront été chercher une couverture pour s’y abriter. On chantera beaucoup. On rira des sketches présentés, même si tout le monde connaît déjà la chute. Mr Bardo racontera une de ses histoires dont il a le secret. Pierre Bartnik nous jouera, pour la dernière fois de la journée, ses « jeux interdits ». Et il fera déjà très noir quand on entamera, de plus en plus doucement, de plus en plus faiblement, les dernières notes de la chanson : « Dobra noc… ».
23/05/2016 – Jean-Pierre Dziewiacien
PS : Ce post-scriptum s’adresse à Pierre Bartnik.
Mon cher Pierre, ne m’en veut pas pour ces quelques lignes. Nous savons tous très bien que tu jouais aussi autre chose que les « Jeux interdits ». Tout le monde se rappelle de Led Zeppelin et d’autres groupes mythiques que tu nous as fait découvrir et aimer. Et quand ces notes « différentes » résonnaient dans le parc, on savait que Pierre Bartnik était parmi nous … pour le plus grand plaisir de tous.
Bien sûr, les garçons étaient un peu agacés par le succès que tu avais auprès des filles. Elles te regardaient avec admiration. Nous, nous étions obligés d’attendre la fin du morceau de musique pour « réattaquer ». C’était frustrant.
C’est un peu pour « venger » tous les garçons que j’ai écrit ces quelques lignes en insistant sur les jeux interdits. Mais sois-en sûr, j’aurai infiniment de plaisir à te serrer dans mes bras si j’ai le plaisir de te revoir à Comblain … et je suis sûr de ne pas être le seul.







Merci pour ce magnifique texte Jean-Pierre…
Je ferme les yeux et j’y suis… Dans mon Comblain d’amour et ma si belle jeunesse… Les odeurs de la colo me taquinent les narines et l’atmosphère qui règnait sous l’arbre aux singes me transperce!
Ca y est, j’ai 15 ans!…
A bientôt…
Véronique Milczanowski.