Bonjour à tous et à toutes,
La famille Bardo est indissociable de Comblain-la-Tour. Mr et Mme Bardo ont consacré leur vie au bon fonctionnement de la maison polonaise. Ils ont largement contribué – avec quelques autres – à nous laisser Comblain en héritage. Photos 68 et 69.
Les anecdotes concernant Mr ou Mme Bardo sont légions.
Personnellement – et comme à mon habitude – je me contenterai d’aborder le sujet par le « petit bout de la lorgnette ».
Cette année-là, mon moniteur était un certain Krystof ( en rouge sur la photo n° 70, juste à droite de Ks Kurzawa ). C’était un gars robuste, bien dans sa tête et bien sur ses jambes. Membre des scouts du Limbourg, il était le responsable du groupe Wisła.
Son autorité naturelle et son sens du respect en imposaient.
Moi, je devais avoir 8 ou 9 ans. Notre groupe était composé d’une bonne quinzaine d’enfants de mon âge.
Toute cette joyeuse troupe logeait dans la petite maison au bord de l’Ourthe. Nous disposions de 2 petites chambres et 2 grandes, réparties au rez-de-chaussée et au premier étage. Avec un chef comme Krystof, nous marchions droit et personne n’avait jamais rien à nous reprocher. Jusqu’au jour où…
C’était un vendredi après le repas de midi. La consigne nous imposait, à tous, une sieste d’une heure et demie. Nous étions donc en chambre – dans un calme relatif – à lire ou à écrire aux parents, quand… tout d’un coup… et sans vraiment savoir pourquoi… la pagaye s’est installée : bataille générale de coussins. Je ne sais pas qui a commencé, mais Krystof a laissé faire. Pire, il s’y est mis aussi ! Attiré par le bruit et les cris, les enfants des 3 autres chambres sont arrivés et tous se sont jetés dans une bagarre totale : Krystof et son sous-moniteur contre tous les autres. Très vite, des plumes ont volé dans toute la chambre. On aurait dit des belettes dans un poulailler.
Rapidement, les matelas se sont érigés en barricades. Tout ce qui pouvait servir de matériaux pour construire des remparts était réquisitionné ; tout ce qui pouvait servir d’arme était utilisé. Des couvertures sont passées par la fenêtre, des draps aussi. C’était le chambard absolu. La chambre ne ressemblait plus à rien ; si à un champ de bataille. Mais le pire était encore à venir…
Quand la première tomate s’est écrasée contre le mur… il y a eu un moment de stupeur. Qui avait osé dépasser les bornes ? Qui avait ramené, la veille, du marché de Comblain-au-Pont ces tomates ? Et qui les sacrifiait maintenant comme projectiles ?
Mais quand la deuxième s’est écrasée à son tour, l’hystérie collective a repris de plus belle. C’était l’apocalypse, le breakdown.
On ne s’était jamais autant amusé.
Nos cris de joie devaient s’entendre de loin et ont fini par attirer l’attention de Mr Bardo. Personne ne l’a vu arrivé. Nous avions mieux à faire. Quand il est apparu dans l’encadrement de la porte… et qu’il a vu le « bałagan »… il a jeté ses bras en l’air en hurlant : « Skandal, skandal ». Et il est reparti, en courant, chercher Ks Kurzawa en continuant à crier « Skandal, skandal ».
Cette courte apparition, nous a tétanisés. C’était comme-ci, en une fraction de secondes, nous prenions enfin conscience de la gravité de la situation. Nous avions dérapé. La folie collective faisait maintenant place à une culpabilité douloureuse. Mais très vite, notre instinct de conservation nous a dicté le bon réflexe : tout remettre en place. Vite. Très vite. Tout me monde s’y est mis.
Les uns ramassaient les plumes, les autres refaisaient les lits. Celui-là est descendu ramasser ce qui était dehors, et celui-ci frottait les taches de tomates. Le balai, la ramassette, les torchons, mais aussi les essuies, les gants de toilettes et… les brosses à dents, tout s’est mis en action en même temps pour effacer les traces du dérapage. Et pourvu que Ks Kurzawa tarde à venir…
Heureusement, le bon Dieu est du côté des « repentis ». Ks Kurzawa était loin. Sans doute au fond du parc à lire son bréviaire comme tous les jours. Le temps que Mr Bardo le retrouve, lui explique et le ramène, dix minutes s’étaient écoulées.
Et quand, finalement, ils ont fait irruption dans la chambre, tous les deux, essoufflés, c’est un calme absolu qui y régnait.
Nous étions couchés, sagement, sur nos lits ; chacun sur le sien. Krystof et le sous-moniteur étaient assis un livre à la main. Ils avaient même l’air d’être étonnés par cette visite impromptue. On entendait voler les mouches.
Mr Bardo s’est agenouillé pour voir en dessous des lits : rien. Ils ont ouvert quelques armoires métalliques sans rien trouver d’anormal. Ils ont cherché les tomates. Quelles tomates ? Se sont précipités sur la poubelle : vide et propre.
Aucun des deux n’a ouvert la bouche. Qu’auraient-ils pu dire ? Leurs visages reflétaient une colère contenue, mais impuissante.
Ils ont fini par redescendre, la « queue entre les jambes ».
Quand ils ont été suffisamment loin, nous avons éclaté de joie ! On s’embrassait les uns les autres. C’était un immense soulagement.
J’ignore si, après cet épisode, Krystof a été « recadré ». Il n’en n’a jamais parlé. Mais notre affection pour lui s’est encore accrue.
Quant à Mr Bardo… je n’ai pas raconté cette histoire pour le diminuer. Au contraire. Il jouait parfaitement son rôle.
Dans le petit jeu du chat et de la souris, cette fois-là, c’est nous qui avions gagné. Mais lui aussi a gagné.
Il a démontré qu’il protégeait NOTRE héritage, mais que, dans le fond, il nous aimait bien.
Il a prouvé qu’il n’était pas rancunier et jamais il n’est revenu sur l’incident.
Il représentait une autorité que notre statut d’adolescent nous dictait de provoquer. Les relations n’ont pas toujours été simples.
Mais, tout compte fait, il mérite bien notre tendresse.
Panie Bardo, dziękujęmy wam za wszystko.
Sur la photo 71, Pan Bardo admire sa fille – la très belle Alice – qui exécute une danse des gitans avec une grâce absolue.
03/08/2015 – Jean-Pierre Dziewiacien




C’est VOTRE tour … racontez-nous vos chahuts, vos chambards et toutes les bêtises que vous avez faites à Comblain.
Nous sommes impatients de vous lire.