Nous avons régulièrement évoqué ici le cimetière de Comblain-la-Tour où reposent tant de nos compatriotes. Mais il y a un autre cimetière, en Belgique, qui tient une place tout aussi importante – sinon plus – dans le cœur des polonais : le cimetière militaire de Lommel où sont enterrés 257 soldats polonais morts durant la dernière guerre. C’est un haut lieu de recueillement et de souvenir qui rassemble chaque année toute une partie de la communauté polonaise qui ne veut pas oublier ses héros.
Nous participions souvent à ces commémorations … certains, encore plus courageux, y allaient même avant les célébrations pour nettoyer les tombes. Quand on sait que ce cimetière se situe au Limbourg, à deux pas de la frontière Hollandaise, on mesure le temps qu’il fallait pour y arriver … surtout quand les courageux venaient de Ressaix … mais que ne ferait-on pas pour remercier ceux qui ont donné leur vie « Pour votre liberté et la nôtre ».
Pour évoquer ce cimetière et les célébrations qui y sont attachées, je vous propose de redécouvrir le petit texte que le Docteur Edward Pomorski avait écrit en 1956 – à l’attention des élèves que nous étions – dans son livre « Nasza rodzina ». Comme à son habitude, Dr. Pomorski utilise ici une petite histoire familiale pour faire plonger ses petits lecteurs dans la réalité. Ce petit texte est plein de délicatesse, de poésie et de sobriété. On peut se rendre compte ainsi du nombre de gens présents ( 3 trains spéciaux, 40 bus, une multitude d’autos, … ), de l’enthousiasme et du recueillement qui régnait alors à Lommel.
Ces célébrations continuent de nos jours à rassembler bon nombre de polonais reconnaissants. Le groupe de folklore « Wisła » y est présent chaque année. Bravo à eux.
30/11/2020 – JP Dz
Départ pour Lommel
Le dernier dimanche d’octobre, les Polonais de Belgique se rendent au cimetière de Lommel pour commémorer les soldats polonais de la 1ère division blindée qui sont morts sur le sol belge en 1944.
Cette année, toute la famille Walkowiak s’est rendue à cette cérémonie. Pour la première fois de leur vie, les enfants ont vu un si grand rassemblement de Polonais. Trois trains spéciaux, loués par nos compatriotes, sont arrivés remplis de ceux qui voulaient se rendre sur le lieu de la cérémonie sans devoir changer de train et rentrer chez eux de la même manière. Franek et Marysia se sont mis à compter les grands autobus que les Polonais de la région flamande avaient affrétés ; ils en compteront quarante. Et combien de voitures particulières, de motos et de vélomoteurs ? !
Sur la place, devant la Maison communale, un cortège a commencé à se former. Les porte-drapeaux ont sorti les étendards de leur house, et les membres du service d’ordre, reconnaissables à leurs bandes blanches et rouges, ont organisé le cortège. Le bourgmestre et les représentants belges de l’ordre, ainsi que les gendarmes, se sont mis sur le côté et ont regardé la cérémonie commencer.
« Papa », disait Franek, en se tournant vers son père, « Lommel est différent de notre colonie. Ici, les Polonais dirigent le mouvement, les Belges ne font que regarder et sont nos invités ». « Oui, fiston, nous avons un jour par an où nous avons l’impression d’être en Pologne ».
Sur un signal donné par le responsable, le cortège s’est dirigé vers l’église. Les enfants ont commencé à compter les drapeaux présents. Ils en ont compté une centaine, puis leur calcul s’est embrouillé.
De nombreux discours polonais, français et flamands ont été prononcés dans le cimetière. Tous les intervenants ont souligné le grand patriotisme et le dévouement des Polonais, qui ont libéré une partie de la France, de la Belgique et des Pays-Bas, mais n’ont pas pu atteindre la Pologne et reposent dans un sommeil éternel dans le cimetière, spécialement conçu pour eux, à Lommel.
Les délégations ont commencé à déposer leurs couronnes. Que de belles fleurs, essentiellement blanches et rouges ! Et sur chaque couronne de larges rubans avec des inscriptions appropriées … Il y avait là tant de couronnes déposées que la partie centrale du cimetière ressemblait à un jardin de fleurs.
Après la cérémonie, la famille Walkowiak s’est promenée entre les tombes, tout en lisant les noms inscrits sur les croix. Franek s’est éloigné un peu des autres. Il regardait autour de lui … des croix et des croix partout !
Il a repensé à l’histoire de son professeur sur les chevaliers endormis dans les Tatras. Et peut-être que les soldats qui reposent ici ne sont pas morts pour toujours, mais qu’ils dorment d’un sommeil profond et se réveilleront un jour pour sauver la Pologne du danger ? Et peut-être que lui aussi, Franek Walkowiak, ils l’emmèneront avec eux et le conduiront au loin, dans sa patrie bien-aimée ?
Il a marché encore, entre les croix, comme s’il marchait entre les rangs de l’armée polonaise, jusqu’à ce qu’il aperçoive Marysia courir vers lui. Il est donc retourné là où se trouvaient ses parents. De loin, il a entendu le professeur polonais de Bruxelles dire à son père : « Nous, les émigrés, ne sommes pas allés en Pologne, alors la Pologne est venue à nous ! » … et, étendant ses bras pour montrer les tombes des héros, « Elle nous rappellera ainsi que nous sommes tous Polonais ».
Dr. Edward Pomorski – extrait de « Nasza rodzina » ( Bruksela 1956 )














