Quand je vous rappelais, la semaine dernière, la légende du Smok qui terrorisait Cracovie, vous vous doutiez certainement que la suite logique serait une évocation du « Krakowiak ». Comment aurais-je pu faire autrement ? En effet, comment parler du folklore polonais sans s’attarder sur cette danse emblématique ?
Le krakowiak est une des danses qui symbolise le mieux la Pologne … La musique, les chorégraphies, les costumes du krakowiak sont tous remarquables à bien des égards … Comment ne pas évoquer les danseuses avec leurs jupes colorées, imprimées de motifs fleuris et ornées de rubans dorés à hauteur de l’ourlet ? Ou ces petits tabliers en lin blanc brodés ou en fine dentelle ?
Comment décrire le corset de ces dames, aux teintes plus foncées dont la richesse des décorations – pompons en laine, paillettes et des broderies – vient rehausser l’éclat de la chemise blanche ? Ou les très belles couronnes de fleurs accompagnées de longs rubans colorés qui donnent aux danseuses un port de reine ou les bottes à lacets et le collier de 3 rangées de perles rouges … ? Toute la magie du costume tient dans cet ensemble d’éléments colorés, richement décorés et témoins d’une longue tradition.
Quant aux garçons, si le costume est basé sur l’uniforme militaire que portait l’armée polonaise à la fin du XVIIIème siècle, il est tout aussi remarquable avec sa chemise blanche à manches longues et plutôt amples, son pantalon imprimé à rayures verticales caractéristiques, sa longue veste sans manches qui descend jusqu’aux genoux, sa large ceinture en cuir agrémentée d’un ensemble de 3 rangées de ronds métalliques au tintement mythique, ses bottes noires …
Mais c’est le fameux chapeau dont la base est noire et ronde et le haut, carré et rouge, qui paraît le plus représentatif et le plus utilisé dans le folklore polonais avec sa plume de paon et ses fins rubans colorés …
Je suis sûr qu’il n’y a pas dans le monde une seule communauté polonaise où on ne trouve, au premier rang des spectacles ou des manifestations culturelles, des enfants revêtus de ce costume folklorique, tant il est l’emblème culturel de tout un pays.
Je ne suis pas sûr, par contre, que les paons de Pologne et d’ailleurs partagent cet enthousiasme ! Eux, je pense, se passeraient bien de cette notoriété qui s’organise à leurs « dépens » … si j’ose dire !
Je ne suis pas sûr, non plus, que folklore et traditions continuent à faire bon ménage avec les défenseurs de la cause animale mais que cela ne nous empêche pas d’affirmer notre soutien à l’authenticité de notre folklore … Et si d’aventure, on voulait nous condamner à expier nos fautes et nos traditions au nom du respect de l’intégrité animale, nous pourrons toujours rétorquer que les plumes de paon, avec un peu de chance, ça se ramasse, en fait.
En attendant, réjouissons-nous d’avoir tous, un jour, porté ce caftan ou ce cerdak et d’avoir tous, un jour, bondi sur scène le bras levé et la partenaire maintenue fermement. Car si le costume est particulier, que dire des pas de cette danse sinon qu’ils sont atypiques ? Atypiques d’abord dans la façon de tenir sa partenaire, pas en face de soi, mais parallèlement à soi ; atypique ensuite par ce galop, rapide et de côté, qui rappelle tellement la course des chevaux, mais aussi par ses « ciseaux », quand les talons se touchent lors d’une sorte de « ruade » latérale, et encore par ce claquement du talon dans cette espèce de glissement de la jambe vers l’avant ; atypique enfin par les gestes amples des bras qui semblent décrire de grands ronds dans l’espace.
La musique particulièrement rythmée favorise un impressionnant déploiement d’énergie et se prête parfaitement à l’enchaînement de figures de groupe. Tantôt en cercle, tantôt en ligne ou en une série de carrés, les danseurs occupent entièrement la scène qui offre un véritable feu d’artifice de couleurs, de mouvements et d’harmonie. Pas étonnant que le Krakowiak soit régulièrement choisi pour clôturer un spectacle dont il est souvent … l’apothéose !
La chorégraphie de cette danse est parfois agrémentée par la présence d’un « Lajkonik » bondissant. Ce cavalier barbu – sorte d’homme-cheval dont la monture est agrémentée d’un jupon, tel un caparaçon – est un personnage populaire du folklore cracovien. Ses origines turco-tatares prouvent, une fois de plus, que le folklore polonais s’est confronté à bien d’autres cultures. La légende du « Lajkonik » date de 1287 : « Des guerriers tartares étaient parvenus à s’approcher imperceptiblement des murs de la ville et avaient décidé de passer la nuit au bord de la Vistule, près du village de Zwierzyniec, pour attaquer au petit matin. C’est là qu’ils furent aperçus par des bateliers. Ceux-ci surprirent l’ennemi endormi et sauvèrent ainsi la ville du pillage. Puis ils se vêtirent de costumes asiatiques pour entrer dans la ville sur des chevaux pris à l’ennemi, en éveillant d’abord la terreur, puis la joie des habitants. Le maire de Cracovie déclara alors qu’en souvenir de cet événement, chaque année, un batelier déguisé en khan tartare ferait son entrée dans la ville, suivi d’un cortège de ses confrères ».
Pour ma part, le Krakowiak est le synonyme de « première fois ». En effet, c’est le tout premier costume traditionnel avec lequel mes parents m’ont habillé … je ne devais pas avoir plus de 5 ans. Plus tard, quand je suis rentré au KSMP de Mons – j’avais à peine 12 ans – c’est la première chorégraphie qu’on m’a apprise ; et comme j’étais le plus petit de la troupe, j’étais placé tout devant, avec Stéphanie … qui était la plus petite en taille. Ça a donc été mon premier spectacle et j’y ai récolté mes premiers applaudissements. Plus tard encore, quand j’ai rejoint le KSMP du Centre et que j’ai eu la possibilité de modifier le programme, c’est la première danse que nous avons réécrite avec Eveline. Et même 50 ans plus tard, la première fois … on s’en souvient toujours !
08/07/2019 – JP Dz et grand Merci à Dominique Stefanski pour sa touche féminine.













