Si certains KSMP avaient incorporé dans leur spectacle une danse des góral – c’est-à-dire avec des garçons et des filles – au KSMP de Mons, on se voulait original … et donc on avait choisi de présenter plutôt un « zbójnicki », autrement dit une danse virile, où il n’y avait que des garçons. Le thème des zbójniki fait référence à ces brigands très populaires qui vivaient eux aussi dans les Carpates, parmi les góral, mais qui avaient une réputation particulière … Le plus connu d’entre eux, Janosik, est le Robin des Bois polonais !
Nous connaissions un peu les légendes qui couraient autour de ces brigands, sans vraiment connaître. On imaginait qu’ils passaient le plus clair de leur temps à se mesurer, à se défier et ainsi à briller aux yeux des filles. Il nous fallait donc sur scène rivaliser de souplesse et d’agilité. La danse était composée de figures en groupe, de combats de ciupagi et de solos, où chacun pouvait exprimer ses capacités et ses talents.
Les acrobaties – réalisées à l’aide de la ciupaga ou du chapeau – étaient souvent inspirées par l’ensemble Mazowse, mais parfois, c’était d’inspiration locale. Le tout était particulièrement dynamique et audacieux.
Tous les garçons se bousculaient pour y participer et tous en gardent des souvenirs cocasses. Personnellement, si je devais choisir, c’est trois anecdotes que je retiendrais :
1) Quand nous avons mis au point notre nouvelle chorégraphie, nous en étions très fiers. On avait beaucoup répété – à l’abri du regard des filles – et tout nous semblait être parfaitement au point. Tout naturellement, le premier spectacle était un moment important ; il fallait mettre « le paquet » pour impressionner le public.
Donc, nous nous sommes tous habillés au maximum … en ne négligeant aucun détail : chapeau, grosse ceinture en cuir, cape, etc … Mais … nous n’avions jamais répété en costume. Dès les premières minutes, ce fut un calvaire.
Mon chapeau – incontrôlable – m’a glissé sur les yeux. Je ne voyais plus du tout où j’étais par rapport au bord de la scène. Ma cape, dans le mouvement, s’est retrouvée devant … sur le chapeau. Impossible de m’en dépêtrer. Quant à la ceinture – beaucoup trop dure – elle m’empêchait de respirer quand je faisais des figures accroupi ; et comme la plupart des figures spectaculaires nécessitaient d’être accroupi … vous imaginez le problème ! J’ignore comment je suis arrivé au bout de la prestation ? Ni comment mes partenaires s’en sont sortis ? Les fois suivantes, j’ai dansé « light », en laissant au vestiaire chapeau, cape et ceinture.
2) Physiquement, c’était un effort incroyable. À la fin de la danse, nous étions toujours épuisés. Pourtant, une fois ( une seule fois ), l’orgueil a été plus fort que la fatigue et … que la raison. Le public était tellement enthousiaste que nous avons accepté de faire un bis. À la fin du deuxième zbójnicki d’affilée, je me suis écroulé dans les coulisses. J’étais complètement « hors service ». C’est Zdisław Blazka qui m’a emporté, dans ses bras, vers l’arrière de la salle. J’ai mis un long moment à m’en remettre.
3) Alexis Łagocki – qui entamait ses études d’ingénieur civil à Mons – devait présenter quelque chose aux autres étudiants dans le cadre des « baptêmes estudiantins ». Il a eu l’idée de présenter un zbójnicki.
Le spectacle se déroulait dans une grande salle bondée d’étudiants très excités et qui avaient consommé pas mal d’alcool. Quand ils nous ont vus arriver avec nos « déguisements » de góral, ils se sont mis à crier très fort et en chœur : « A poil, à poil, à poil,… ». Nous n’étions pas à l’aise dans nos kierpce. J’ai même cru que nous n’en sortirions pas indemnes.
Heureusement, dès les premières minutes de la danse, les cris se sont arrêtés et très vite les applaudissements les ont remplacés. Finalement, tout s’est bien terminé. OUF !
En annexe, le 3ème extrait de l’article d’Anne Wuidar consacré aux montagnards. Dans ce troisième extrait, elle nous parle des chants, des danses et de Zakopane. Merci Anne.
11/03/2019 – JP Dz








- Les GÓRALES ou Gourals ( suite ) – par Anne Wuidar
La danse : Les hommes dansent assez souvent avec leur piolet ou une hachette (outils qui se rapportent à leur vie quotidienne) ; et ce, sur un rythme d’enfer.
Le chant : Contrairement à la plupart de leurs chants et danses très vifs, voici un chant nostalgique, dont les paroles, depuis deux siècles, bouleversent les Polonais – montagnards ou non – qui ont dû quitter leur patrie avec regret pour gagner leur pain : « Góralu, czy ci nie zal » (« Montagnard, n’es-tu pas nostalgique ? »)
Il paraît que c’était la chanson préférée du pape Jean-Paul II, né au pied des Tatras.
Montagnard, ne regrettes-tu pas,
De quitter le pays de tes parents,
Ces lacs, ces bois et ces collines,
Et ces ruisseaux d’argent ?
Goural, ne regrettes-tu pas,
Goural, reviens au pays (bis).
Mais le Goural regarde les montagnes,
Et essuie ses larmes avec sa manche,
Il faut bien quitter les montagnes,
Pour du pain, Monsieur, pour du pain.
Goural, ne regrettes-tu pas,
Goural, reviens au pays (bis).
Les chants caractéristiques ainsi que leurs danses vives, impressionnent toujours les touristes des basses terres.
Zakopane et les villages des alentours hébergent de nombreux groupes folkloriques qui se transmettent l’art du folklore de génération en génération. De nos jours, les jeunes portent de plus en plus souvent les habits traditionnels et soulignent leur appartenance à cette ancienne tradition des Tatras.
La plus grande fête de la région est le « Festival International de Folklore des Hautes Terres ». Il est organisé en fin d’août à Zakopane depuis 1968. Les górales du monde entier se retrouvent ainsi en compétition pour gagner les « ciupaga » (hache traditionelle) d’or d’argent et de bronze. Le touriste y revient souvent afin d’y revivre la joie d’être dans la tradition montagnarde, pour admirer les habits traditionnels et pour ressentir cette atmosphère inoubliable.
La région de Zakopane :
Depuis le 19eme siècle, elle est encensée par les poètes et les peintres ; par exemple, l’artiste-peintre Witkiewicz qui à la fin du 19ème siècle, lança, (en construisant sa célèbre maison appelée « Koliba »), ce qu’on a nommé « le style de Zakopane » désignant ces chalets pittoresques typiques. Cette région si excentrée au Sud, et cette localité de Zakopane si nichée au sein de montagnes, ont attiré depuis longtemps, les artistes les plus fameux de toute la Pologne. Ils se groupaient ici, discutant des évènements, dans ces « karczma » de bois, ou bien, dans les moments de paix, venant respirer et prendre les eaux. Il y eut Il y eut des écrivains, tels KRASZEWSKI, SIENKIEWICZ, GOMBROWICZ, WITKACY, des musiciens fameux tels Ignacy PADEREWSKI (retrouvant ici sa grande amie la célèbre comédienne Helena MODRZEJWSKA), Karol SZYMANOWSKI (dont subsiste la maison appelée « Atma »), et KARLOWICZ qui trouva la mort dans une avalanche aux alentours de Zakopane. Tous étaient sous le charme de cet endroit unique.
Quant à Karol WOJTYLA (Pape Jean-Paul II), né aux pieds de ces montagnes qu’il a escaladées, où il a skié, où il a randonné l’été, bien des photos le montrent dans ce coin de Pologne qu’il n’avait jamais oublié !
Promenades proches : Le mont Gubalowka est le départ de nombreux sentiers de promenades et de randonnées. Paysage bucolique, doucement vallonné où des vaches paissent en toute tranquillité. On peut aller jusqu’à Chocholow, qui est à 17 km vers l’ouest de Zakopane. Chocholow est un village dont la quasi-totalité des maisons ont été construites en bois au 19eme siècle, l’une d’elle a des poutres de 1m d’épaisseur. L’église de Chocholow est également intéressante.
Mode de vie : Les górales sont bergers de père en fils. Ils vivent paisiblement dans leurs maisons de bois, la plupart jouent du violon dès leur tendre enfance, les jeunes filles brodent, fabriquent du fromage avec le lait de leurs brebis.
Même les très nombreux touristes séjournant à Zakopane, qui les observent avec curiosité, ne les changent pas. Leur vie simple et joyeuse a résisté à tant de guerres meurtrières et de régimes politiques qu’il en faudrait plus pour bouleverser leurs habitudes.
Dans un journal précédent, où j’avais abordé les diverses étapes qui précédaient le tissage de la laine, j’avais parlé de la laine des chiens de bergers Podhale au poil particulièrement doux qui assure aux tisseuses et tricoteuses des vêtements d’hiver particulièrement légers. Ces chiens, ainsi que leur nom l’indique, proviennent de la région de Zakopane et sont d’excellents gardiens de moutons.
Amicalement vôtre : Anne Wuidar – wuiwui007@hotmail.com
Extrait n° 3 des « Muses Vagabondes – Petit Journal Culturel et Artistique Slave » – n° 25 de décembre 2018.