0211 – Cours de moniteurs … délocalisés – 1974

Après le succès des cours de moniteurs organisés à Comblain, l’idée d’exporter le concept outre-Rhin s’est imposée. Il s’agissait de former de futurs « cadres » pour les colonies tout en procédant à un subtil mélange de genres afin de tirer le meilleur parti de toute cette jeunesse …

Nous nous sommes donc engagés – avec armes et bagages – dans l’expédition. On était peu nombreux … juste une poignée de braves et en matière d’armes, on avait surtout privilégié celle qui constituait un langage universel et qui nous paraissait être le plus à même d’adoucir les mœurs de nos futurs amis germains : la musique. Mr Bujanowski père s’était montré particulièrement agacé par l’équipement embarqué par Bujanowski fils, notre préposé aux divertissements. Il a fallu négocier et convaincre qu’on allait en terre inconnue et Dieu seul savait ce qui nous attendait. D’ailleurs, on n’emportait que le strict minimum : deux platines, un ampli, une petite table de mixage, un modulateur de lumières psychédéliques et deux colonnes de spots … difficiles de faire avec moins !

Le trajet vers Herzogenrath s’est déroulé sans trop de difficultés … même si nous avons pris du retard à cause de l’encombrement et de la fragilité du matériel qu’il fallait ménager. Mais l’histoire est témoin qu’aucune conquête majeure n’a jamais été possible sans impedimenta.

L’histoire a prouvé aussi que visiblement nos hôtes n’avaient pas la même conception de ce que devait être un cours pour moniteurs ! Ils devaient confondre « cours de moniteurs » et « petit séminaire ». À peine arrivés sur place, l’équipement n’était pas encore installé qu’on nous a invités à entrer dans une grande salle sans fenêtre.

De prime abord, le bâtiment nous avait semblé froid et austère comme un couvent … les bonnes sœurs en moins. La grande salle, où on nous faisait pénétrer, avait été transformée en chapelle !

Une quinzaine de jeunes polonais d’Allemagne y étaient installés docilement, depuis un certain temps et nous attendaient pour la messe ! On a très vite compris que sur ce coup-là … on s’était fait avoir : « A Comblain, ça n’aurait pas été possible ! ». Pris au piège, nous avons assisté à l’homélie en nous disant : « Au moins, ça s’est fait … après on pourra passer à autre chose ». C’était sans connaître les noirs desseins qu’on nous réservait pour la suite !

Le lendemain matin, pobudka à 7 h 00. Le prêtre allemand, responsable de la formation, nous invite de nouveau à le rejoindre à la messe quotidienne, obligatoire, indispensable et indiscutable. « Ah oui, mais non ! On ne va pas commencer comme ça ! », notre réaction a été immédiate, brutale, spontanée et bruyante. Le prélat a eu l’air surpris par notre opposition. Sans doute n’avait-il pas l’habitude que l’on discute sur ce point … Par contre, Ks Kurzawa – qui par bonheur était présent – lui n’a pas eu l’air d’être étonné … On avait même l’impression qu’il avait prévu ce qui arriverait. L’expression de son visage avait l’air de dire à ses homologues allemands : « Vous voyez … je vous l’avais bien dit ».

L’information s’est répandue de chambre en chambre : « Les belges résistent … ». Les organisateurs ne pouvaient tolérer notre insoumission et nous, on ne pouvait pas accepter leur diktat. La crise a atteint son paroxysme quand on nous a menacés de ne pas servir le déjeuner si nous n’assistions pas à la messe. La guerre était ouverte.

Face à l’offensive, nous, nous étions retranchés dans notre chambre. Ils voulaient nous imposer leur modèle et nous, on voulait imposer le nôtre, le modèle Comblain !

Face à des positions aussi « tranchées » et divergentes, la marge de manœuvre paraissait très étroite. Finalement, c’est Ks Kurzawa qui a pris les choses en main ; il s’est jeté dans la bataille en nous montrant une facette de sa personnalité qu’on ne lui connaissait pas : le Ks Kurzawa négociateur.

Heureusement qu’il était là pour déminer le terrain ! Parce que l’autre prêtre – qui de surcroît était l’un des chauffeurs à nous avoir conduits là – Ks Szczęśny s’est montré d’une neutralité affligeante.

Se targuant sans doute d’être prêtre polonais, mais ayant toutes ses attaches en Allemagne et étant « seulement » détaché au Borinage … il n’a pas prétendu prendre position ! Cela deviendra d’ailleurs, par la suite, une de ses spécialités …

C’est donc sur les épaules frêles, mais déterminées, de Ks Kurzawa que reposait tout le poids des pourparlers. Je le vois encore sortir de notre chambre, franchir le couloir – véritable no man’s land – et porter à l’adversaire nos dernières revendications ; et puis, revenir, porteur d’un accusé de non-réception.

Heureusement, ces va-et-vient ont fini par payer. De propositions en propositions, les intransigeances se sont estompées. La probabilité d’un cessez-le-feu devenait enfin possible.

Dans un dernier sursaut de diplomatie, Ks Kurzawa nous a demandé de comprendre que le prêtre allemand n’accepterait jamais l’offense de perdre la face. Il nous enjoignait donc d’aller à cette messe tout en nous faisant la promesse qu’elle serait la dernière. C’était un compromis à la belge. Comment refuser ? D’autant plus que nous commencions sérieusement à avoir faim. C’est donc drapés d’une dignité toute empreinte de sobriété, mais non sans panache, que nous avons daigné rejoindre les autres qui nous attendaient déjà depuis si longtemps. L’incident était clos et le reste de la formation s’est déroulé dans une « entente cordiale ».

Cette semaine ne restera cependant pas gravée dans nos mémoires comme un souvenir des plus agréables … ça manquait cruellement de filles ! Et un cours de moniteurs sans fille, c’était comme un parc de Comblain sans … arbres ! C’était le désert, plat et sans intérêt.

Après cette première expérience, les allemands ne nous ont plus jamais invités. Allez savoir pourquoi !

18/02/2019 – JP Dz

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1.576 : DE COMBLAIN-LA-TOUR A HERZOGENRATH : Cours de moniteur délocalisé.
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1.577 : HERZOGENRATH : A défaut d’avoir la moindre photo de cette semaine-là, voici quelques cartes postales de la ville.
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1.578 : HERZOGENRATH : A défaut d’avoir la moindre photo de cette semaine-là, voici quelques cartes postales de la ville.
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1.579 : HERZOGENRATH : A défaut d’avoir la moindre photo de cette semaine-là, voici quelques cartes postales de la ville.
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1.580 : HERZOGENRATH : A défaut d’avoir la moindre photo de cette semaine-là, voici quelques cartes postales de la ville.
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1.581 : HERZOGENRATH : A défaut d’avoir la moindre photo de cette semaine-là, voici quelques cartes postales de la ville.

 

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