Les photos d’aujourd’hui semblent directement sorties d’un catalogue de vente de jeux et d’équipements de plein air ! On y voit des enfants sagement installés sur des toboggans, des carrousels et autres portiques. On s’attend presque à voir, juste en dessous, une légende du genre : « Voyez comment ces enfants sont heureux d’utiliser les toboggans « truc-much » et les balançoires « machin-chose. Si vous voulez voir vos enfants aussi satisfaits, n’hésitez pas à acheter nos modèles en stock ! ».
Et c’est vrai, que nous adorions passer du temps sur ces engins-là. D’ailleurs, il y avait souvent la queue. Nous filions vers le terrain de volley, après chaque repas, pour être les premiers à nous balancer … mais il fallait être rapide … les places étaient chères. Heureusement, en bonne cohabitation, et devant l’impatience des retardataires, les premiers venus finissaient toujours par partager leur temps de lévitation. Les frustrations restaient de courte durée. Par contre, les cris de joie, et parfois de frayeurs, n’arrêtaient jamais.
On aurait pu proposer ces photos à des publicistes … il y avait là du bonheur à revendre … mais personne n’y a pensé. Personne d’ailleurs ne pensait à tirer profit de quoi que ce soit. Ce n’était pas encore « à la mode » de se faire sponsoriser. Le seul plaisir que nous connaissions, c’était celui de vivre intensément l’instant présent.
Il n’y a pas de doute, ces installations ont été bien amorties. Nous y avons usé nos fonds de culotte. On ne peut que remercier les responsables de l’époque d’avoir toujours veillé à nous offrir ce qui se faisait de mieux comme jeux de plein air. Même si parfois l’attraction était un peu dangereuse, comme cette fameuse balancelle qui a tant coincé de doigts ! Finalement, c’est nous qui étions plus dangereux que ces installations. La preuve, combien en avons-nous abîmé ? Et que sont-elles devenues ?
Soyons clairs, tout le monde se fiche éperdument de savoir où sont passés les quelques piquets, plus ou moins colorés, les quelques bouts de bois et de fer, les cordes et les planchettes, plus ou moins usées, qui composaient chacun de ses équipements ; bien sûr qu’on s’en fiche. Le côté matériel des choses n’a finalement que peu de valeur … mais le temps que nous y avons passé … le plaisir que nous avons pris … et l’insouciance … ça n’a pas de prix.
« C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante » disait le renard au petit Prince.
Je ne pense pas que nous avons perdu notre temps à nous balancer au gré de nos envies. On ne perd jamais son temps quand on s’en sert pour se faire plaisir ; pas plus hier qu’aujourd’hui. Ne croyez pas tous ces fâcheux qui essayent de nous culpabiliser, qui prétendent que le temps, c’est de l’argent, qui nous conseillent de « rentabiliser » chaque instant de notre existence … Pour peu qu’on les écoute, ils finiront par nous encourager à nous soumettre … à tendre la joue droite quand on nous frappe sur la joue gauche … et puis quoi encore ?
Moi, je vais mettre une des photos d’aujourd’hui comme fond d’écran sur mon ordinateur. Je veux me souvenir toujours que le bonheur c’est léger comme un petit tour en balançoire. Chaque fois que j’allumerai mon ordinateur, il me rappellera qu’on peut – l’espace d’un instant – échapper à la pesanteur …
Et si vous me permettez de vous donner un conseil, mettez-vous en vacance, trouvez-vous un carrousel ou un manège ( ou un rocking-chair, ce sera … bientôt … plus de notre âge ), replongez-vous dans vos émotions d’enfant, prenez le temps de regarder les nuages et ayez le courage de dire : « Finalement … tout le reste … on s’en balance ! »
Croyez-moi, si aujourd’hui, nous éprouvons tant de plaisir à l’écriture et à la lecture de ces petits fragments de notre passé, c’est peut-être que nous avons trouvé ici – ensemble – enfin – comment dire « au revoir » à notre enfance …
09/04/2018 – JP Dz




