0159 – Madame Bardo

Du couple formé par Pan et Pani Bardo, on retiendra surtout l’incroyable vivacité de Monsieur … toujours en mouvement, toujours en train de courir, de sourire, de s’agiter, de travailler. Véritable Zébulon, monté sur ressort et chargé comme une pile atomique, il en faisait des kilomètres sur sa journée. Après ça, on pensait qu’il avait besoin de dormir … pour récupérer … que nenni ! Il faut croire que sa lampe de poche souffrait d’insomnie, tellement il se sentait obligé de la promener partout, dans les couloirs, dans tous les recoins de la maison et du parc, jusque très tard dans la nuit. Quand dormait-il ?

Nous le soupçonnions d’être équipé d’une oreille bionique et d’un sixième sens extraordinaire … sinon comment aurait-il fait pour être partout, et surtout là où on ne l’attendait pas ? Il était capable de nous prendre la main dans le sac, avant même que le sac ne soit ouvert. C’est ça l’expérience ! Il y en a même qui disent qu’il aurait eu le don d’ubiquité … Finalement, les seuls moments où il s’arrêtait, c’était quelques secondes quand on lui demandait de faire une photo.

De Madame, on retiendra surtout le sourire plein de tendresse et de douceur. Si Comblain-la-Tour devait être représenté par un seul visage, c’est sans nul doute le sien qui serait le plus représentatif.

Elle a connu tout le monde. Présente dès les premières années, son dévouement au service de la communauté polonaise n’a connu aucun répit au cours du temps. Du coup, elle en a vu passer des enfants, des ados, des moniteurs, des monitrices, mais aussi des cuisinières, des factotums, et tous les parents qui passaient par Comblain. Pour chacun, elle avait un sourire et quelques phrases accueillantes et apaisantes. On aurait dit, que la nature, qui est bien faite, les avait réunis – elle si douce et lui si speed – l’un pour compenser l’autre … l’autre pour équilibrer l’un. Saviez-vous que Pani Bardo avait aussi été monitrice la première année ?

La dernière fois que j’ai eu le plaisir de la revoir, c’était fin des années 199.., peut-être 1999 ? En arrivant à Comblain-la-Tour, comme ça à l’improviste, alors que je n’y avais plus mis les pieds depuis tant d’années, je n’imaginais pas qu’elle puisse être encore là … Quand je l’ai aperçue, perchée sur le perron, je me suis dit : « Quel bonheur, ici rien n’a changé ! ». Quand à son tour elle nous a aperçus, Eveline et moi, on lisait sur son visage qu’elle nous avait reconnus, mais que c’était devenu impossible de mettre un nom sur nos visages.

Nous nous sommes approchés, nous l’avons embrassée, et pour répondre à la question que ses yeux posaient, on s’est présenté. On a vu alors son sourire s’illuminer. « Ah, oui … je me souviens ! ». Sa mémoire revenait et éclairait son sourire, comme un rayon de soleil après une matinée brumeuse … Maintenant, elle se souvenait de la maman d’Eveline et de la mienne … des petites bêtises qu’ensemble elles avaient vécues dans la cuisine et ailleurs. Le souvenir des papas reprenait forme aussi. Elle resituait des épisodes lointains qu’elle s’étonnait que nous ignorions. Et quand son mari est apparu dans l’encoignure de la porte, elle s’est empressée de lui dire : « Tu les reconnais ? C’est la fille d’Ogonowski et le fils de Martha ».

Les cheveux gris du couple nous paraissaient tellement inattendus … comme si eux ne pouvaient pas vieillir.
Bien sûr, Pan Bardo n’avait plus cette énergie qu’on lui avait connue ; il semblait fatigué, mais quel plaisir de voir son sourire intact et son enthousiasme toujours aussi communicatif. Dieu merci, le destin avait compris que ces deux-là étaient inséparables … il n’avait pas osé les séparer. Nous avons évoqué quelques souvenirs, quelques banalités, dans un polonais de plus en plus approximatif … Je m’en suis voulu de ne pas pouvoir leur offrir mieux … eux qui ont tant fait pour nous apprendre à parler et à chanter en polonais.

Pani Bardo se souvenait, à présent, de nos ognisko … elle se rappelait qu’elle aimait venir s’asseoir à côté d’Eveline et Dominique pour chanter sa chanson préférée « Colonine Tango » …

« I choć nas dzieli,
Może tysiące wiosek i mil,
Nie zapominaj razem spędzonych chwil.
Tę leśną serenadę śpiewam dla Ciebie,
Colonine tango, które nam wspomnienia śle 
».

Ensuite, nous sommes repartis après les avoir embrassés une dernière fois.

Sur la route du retour, avec Eveline, nous partagions nos impressions ; on se disait : « Quel couple fusionnel … ces deux-là ne pourraient pas vivre l’un sans l’autre ». Les revoir après tant d’années, les cheveux gris et la mémoire défaillante, nous a profondément touchés. Madame Bardo, celle qui connaissait mieux que personne tous les polonais qui passaient par Comblain … la mémoire des lieux … la seule qui savait les prénoms et les noms de tous les enfants … qui avait pris la peine, et le temps, d’écouter chacun de nous, de consoler les uns et de rire avec les autres … Madame Bardo commençait à ne plus se souvenir de nous … Peut-être que sa mémoire était trop pleine de nous … peut-être que son cœur débordait de cette gentillesse qu’elle avait en trop ?

Quelque temps plus tard, nous avons appris, par hasard, qu’elle nous avait quittés … et que son mari l’avait suivi peu de temps après. Ils n’auraient pas supporté de vivre l’un sans l’autre.

Madame, soyez rassurée, le souvenir de tout ce qui s’est passé à Comblain est inscrit profondément en nous. Vous étiez comme un livre ouvert où chaque page racontait une tranche de vie de Comblain … Vous étiez comme une petite encyclopédie recueillant des connaissances sur tout et tous … Vous nous avez donné l’envie de ne rien oublier … jamais. Ces souvenirs ont laissé tant de traces en chacun de nous qu’on s’est donné pour mission de les entretenir, de les perpétuer en revisitant les années « Comblain », pour capter, inscrire et faire vivre cette mémoire …

On vous le doit bien … Cette histoire, que vous avez tant contribué à écrire, on fera tout pour qu’elle continue de rayonner et qu’elle s’éparpille, ici et là, au gré du temps … Chacun de ces souvenirs est comme une petite graine qu’on aurait plantée en nous … qui a trouvé là un terrain fertile … et qui commence à ressembler à un magnifique jardin qui s’appelle « les Anciens de Comblain ».

Madame … nous ne sommes pas près de vous oublier …

26/02/2018 – JP Dz

1115_les_Bardo
1.115 : COMBLAIN-LA-TOUR : La famille Bardo au complet : Jerzy Bardo ; Pani Bardo ; Pan Bardo ; Alice Bardo ; André Bardo.
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1.116 : COMBLAIN-LA-TOUR : Sur le perron : A l’avant plan : Zdzisław Blaszka ; Pani Bardo. A l’arrière plan : Elzbieta Kowalska ; Danielle Mironczyk ; Didier Chmielecki. ( collection Zdzisław Blaszka ).
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1.117 : COMBLAIN-LA-TOUR : Dans la cuisine : Pani Bardo ; ( ? ) ; … ; Kz Kurzawa ; Pani Załobek ; ( ? ) ; …
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1.118 : COMBLAIN-LA-TOUR : Sur le terrain de volley : ( ? ) ; ( ? ) ; Pani Bardo et ses petits-enfants, ? Brismez et son frère David Brismez ; ( ? ) ; …
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1.119 : COMBLAIN-LA-TOUR : Dans le parc : Pani Bardo ; Pani Kołodziejka ; ( ? ) ; Pani Stanislawa Gzresinska ( épouse Andzej Paluskiewicz ) ; ( ? ) ; ( ? ).
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1.120 : COMBLAIN-LA-TOUR : Sur le terrain de volley : ( ? ) ; Pani Bardo et ses petits-enfants, ? Brismez et son frère David Brismez ; … A l’arrière plan : Isabelle Swiderski ; Fabienne Laffut ; ( ? ) ; ( ? ).
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1.121 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1979 : Dans les bois : ( ? ) ; … ; Pani Bardo ; ( ? ) ; …
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1.122 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1990 : Dans la cuisine : Pani Bardo ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ).
1123_1990
1.123 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1990 : Sur le perron : ( ? ) ; ( ? ) ; Pani Bardo ; ( ? ).

 

3.605 : Pan et Pani Bardo.

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