Loin de moi l’idée de vous refaire le coup de la madeleine de Proust, mais quand même … l’odeur de la cuisine de Comblain …
Surtout quand on avait la chance d’arriver dans les premiers, après une longue période d’absence. On entrait dans la cuisine et on était submergé par cette odeur si familière et si particulière … mélange de renfermé, de senteurs bizarres et par le plaisir d’arriver enfin. Pan Jan était là, tout sourire. On avait droit à une tasse de café réchauffé et à une ou deux rondelles de son salami préféré qu’il offrait avec sa générosité habituelle. Malgré l’envie irrésistible d’aller redécouvrir le parc, on se laissait imprégner par cette odeur et envahir par l’émotion ; les deux étaient les signes d’un même état âme : le bonheur.
Il ne s’agit pas de dépeindre Pan Jan comme un héros sans peur et sans reproche ; il ne sera jamais canonisé, n’aura jamais le prix Nobel … tout au plus, pourrions-nous le nominer pour le grand prix du « dévouement » … et pourtant qu’est-ce qu’on l’aimait bien ! La simplicité avec laquelle il nous accueillait, c’était la promesse d’un séjour comme « à la maison ». Il ne possédait que très peu de choses, mais les partageait avec tant de spontanéité. Bien sûr, il avait une fâcheuse habitude à boire un peu plus que de raison … Bien sûr, de temps en temps, il laissait exploser une colère qui s’abattait sur le premier qui passait par là … mais cette colère avait la même couleur que le reste du personnage … elle était folklorique.
Épicurien, bavard, à en devenir parfois prolixe, il profitait de ces moments – où la communauté polonaise décidait que l’hiver était enfin fini et qu’il était grand temps de revenir à Comblain – pour rattraper le temps perdu et raconter, à qui voulait bien l’entendre, sa vie et son œuvre. Moi, je le vois comme un de ces monuments qui symbolisent une époque … comme une vieille statue qui aurait eu son heure de gloire et qu’on aurait déplacée, au fil des ans, au gré des modes, et qu’on aurait fini par remiser dans un coin du parc, parce qu’on ne savait plus très bien quoi en faire. Comme une statue qui aurait souffert du temps qui passe et de l’oubli. Sauf que Pan Jan, n’était ni de marbre, ni de bronze … au contraire, c’était l’émotion à l’état pur et au service de la communauté.
C’est un peu notre Obélix à nous : le symbole d’une communauté retranchée qui s’était érigée comme « libre », qui a résisté, qui avait créé son propre univers, ses propres écoles et son propre camp de vacances. Et qu’importe si rien n’était parfait ; tout était indispensable. L’histoire a prouvé que nous avions raison de défendre ces valeurs et ces traditions, de les mettre à l’abri … à Comblain-la-Tour.
Depuis 1981, Pan Jan nous a quittés, mais son souvenir perdure. J’ai été contacté récemment par un habitant de Comblain-la-Tour, Monsieur André Philippe, le responsable de la salle Talier, attenante au café des Sports. Monsieur Philippe m’a appris que Pan Jan avait une sorte de double vie … quand nous étions là, il nous consacrait tout son temps … mais quand nous désertions Comblain, il rejoignait les villageois et se fondait parfaitement dans cette autre communauté. Là-bas, on l’appelait « Jan le polonais ou Jan la belote ».
Monsieur Philippe précise que « Jan la belote aimait venir boire ses petites gouttes avec nous » et il ajoute : « Quand le bâtiment est resté inoccupé, celui-ci a été hébergé dans deux maisons à Comblain-la-Tour, un certain temps Rue des Écoles et puis Rue des Crétalles ». Ces précisions n’ont rien d’étonnant, elles témoignent de l’incroyable accueil que la communauté polonaise a reçu dans le village et de l’incroyable bonhomie qui émanait de Pan Jan.
Aujourd’hui, quand je vois Monsieur l’Ambassadeur de Pologne et Madame la Consul se pencher sur la tombe de « Jan la belote » ( photo 867 ), j’ai envie de sourire et j’ai du mal à retenir une larme de plaisir. J’imagine l’étonnement du gisant et son irrésistible envie de lever – une fois encore – son bras et crier « Na zdrowie ».
L’Histoire, celle qui fait parfois basculer des états d’un extrême à l’autre, ferait mieux de s’inspirer de scènes comme celles-là. Si l’aspiration des peuples à la sagesse et la simplicité pouvait un jour devenir des valeurs dignes d’être entendues, elle balaierait cette fâcheuse habitude qu’ont prise les politiques à « agiter les peuples pour après s’en servir », comme disait déjà Talleyrant. Merci Monsieur L’Ambassadeur. Merci pour Jan la belote, merci pour nous et merci pour la reconnaissance. Si Pan Jan avait encore été là, il aurait partagé avec vous deux rondelles de son salami.
Mais surtout Merci à tous ceux sans qui tout cela n’aurait pas été possible. Merci Madame Barbara Wojda, merci Madame Stefania Ludwikowski et merci aussi Lutek, merci Anna Kabat et à tous ceux qui travaillent là où nous, on vient seulement prendre du plaisir. Vous avez su perpétuer cet héritable, pas seulement en entretenant le parc et la maison, mais aussi en maintenant l’esprit et le souvenir. MERCI.
14/08/2017 – JP Dz
PS : Sur les photos 865 – 866 – 867 et 868 vous reconnaîtrez également Madame la Comtesse Róża Komorowska ( comtesse en polonais = « Hrabianka » ). Madame la Comtesse Róża Komorowska est la tante de notre Reine Mathilde. C’est donc la sœur d’Anna Komorowska, la maman de la Reine Mathilde, et aussi la « petite cousine » de l’ancien Président de la Pologne, Bronisław Komorowski, Comte également.
Madame Róża Komorowska est particulièrement impliquée dans la gestion du Centre Millennium de Comblain-la-Tour puisqu’elle est Secrétaire de PMSZ avec Madame Zosia Ladomirska qui est 2ème « sekretarz ».






