Où – à part dans le parc de Comblain-la-Tour – y a-t-il autant de traces de nos amours ?
Les arbres s’en souviennent … du moins ceux qui ont survécu.
À l’époque, on ne parlait pas encore d’écologie. La santé des arbres nous préoccupait moins que nos propres petits bobos … surtout ceux du cœur … alors on gravait. Et les arbres nous semblaient être l’endroit idéal pour immortaliser des idylles qu’on espérait éternelles mais qui duraient … « ce que durent les roses … l’espace d’un matin ».
Et quand, le lendemain matin, la belle avait changé d’avis … – sans doute que durant l’ognisko, à la lueur d’une lampe torche, cet autre lui avait paru plus sexy – il nous restait l’empreinte imprimée dans l’écorce et … cette petite pincette à l’âme quand par hasard l’arbre croisait notre chemin.
Parfois, l’histoire d’amour durait. Alors, tous les jours, à la même heure, comme en pèlerinage, main dans la main, même sous la pluie, on allait caresser l’écorce comme pour la consoler de souffrir à cause de notre amour. Mais ça … c’étaient les plus romantiques.
D’autres … tailladaient les arbres comme on griffonne dans un agenda … seulement pour se souvenir du prénom de celle qui venait de craquer. Ceux-là … ce qu’ils craignaient surtout, c’est que le jour suivant, devant le même arbre, la fille se répande d’amour, se liquéfie de passion, se rappelle de tous les détails « d’un moment si délicieux » … et que … eux … ne se souviennent même pas comment elle s’appelle. L’arbre devenait : « pense-bête ».
Pour les plus cyniques, les troncs devenaient des tableaux de chasse. Quand ils gravaient les initiales de leurs conquêtes, c’était seulement pour afficher leurs scores … pour rivaliser entre machos dominants. Et l’arbre n’était plus qu’un catalogue.
Et puis, il y avait les timides, les sans histoire, les sans espoir … qui gravaient seulement leur seule initiale en se disant : « Peut-être que l’année prochaine … ».
Que reste-t-il aujourd’hui de tous ses sentiments ? Tant d’arbres ont disparu. Qui se soucie encore de nos promesses et de nos rêves d’adolescent ? Pourtant … sur certaines écorces … par-ci par-là … on peut encore retrouver des traces.
Quand vous serez à Comblain, en septembre, arrêtez-vous aux pieds des arbres … vous verrez … ils portent encore les stigmates de nos flirts d’antan. Oh, bien sûr, ce n’est plus aussi lisible qu’à l’époque … mais notre vue aussi a baissé. Peut-être reconnaîtrez-vous vos initiales et celles de votre compagne … d’alors … ou celles de votre compagnon … de l’époque ? Car peut-être, nous, les garçons, nous n’étions pas les seuls à « sculpter » … peut-être que vous aussi, Mesdemoiselles, vous tentiez d’immortaliser – sur tronc – les heures les plus douces de ces vacances ? Laquelle d’entre vous nous racontera l’histoire la plus tendre ? Allez … courage … lancez-vous.
En attendant, pour vous mettre l’eau à la bouche, voici quelques-unes des gravures que nous avons retrouvées … je vous laisse rechercher vos propres inscriptions. Si vous ne trouvez pas … n’hésitez pas à faire le tour des arbres … parfois l’arrière peut aussi apporter son lot de surprises ( photo 464 ).
Et si finalement, vous ne trouvez rien, allez voir le tas de bois découpé du côté de la ligne de chemin fer ( photo 465 ) … il y a gros à penser qu’il regorge de trésors … qui finiront bientôt en cendres.
Eh oui … entre-temps les écolos sont passés par là … ils ont réussi à recycler les preuves des plus tendres de nos émois. Et si nous n’y prenons garde … c’est bientôt nous – tous entiers – qui serons recyclés. Raison de plus de vivre intensément le temps qu’il nous reste !
29/08/2016 – Jean-Pierre Dziewiacien










