0033 – Ks Kurzawa

Serge Lama chantait : « J’ai essayé à cent reprises de vous parler de mon ami, mais comment parler d’une église dont l’accès vous est interdit ? ». C’est exactement ce que je ressens à chaque fois que j’essaie de parler de Ks Kurzawa.

Il était toujours présent, toujours à la hauteur de son rôle. Il fait partie de notre histoire commune. Il fait partie de l’histoire de chacun de nous, mais que savons-nous de lui ? Pas grand-chose. Il est cette église dont l’accès nous est interdit.

Je ne dis pas que nous étions toujours d’accord avec lui … loin de là.

On pourrait remplir des pages et des pages sur nos différences d’appréciation, sur nos crispations, sur notre besoin de liberté et sur toutes les bêtises pour lesquelles on s’est fait engueuler. D’ailleurs, on va le faire…

Mais, il nous faut bien admettre qu’il a été le personnage central de nos folles aventures à Comblain.

Chaque matin, à la levée du drapeau, et chaque soir, à la descente, il était là … à l’endroit qu’il avait choisi … de l’autre côté du terrain, mais exactement en face du mât du drapeau.

Et les deux symboles se faisaient face. D’un côté le drapeau, de l’autre côté l’autorité.

D’un côté la patrie, de l’autre côté l’église. D’un côté les racines, de l’autre côté la foi.

Ks Kurzawa, c’était l’autre mât. Il y avait celui sur lequel flottaient le rouge et le blanc des couleurs nationales et il y avait celui sur lequel flottait le noir de sa soutane. Lequel de ces mâts était le plus droit, le plus rigide ? En tout cas, tous les deux s’élevaient vers le ciel. Et quand le vent prenait plaisir à agiter les tissus… c’est souvent Ks Kurzawa, dans sa vieille robe noire, qui paraissait le plus fragile.

Quant à nous, c’est évident que nous n’avons pas toujours été aussi raisonnables, ni aussi gentils qu’il le méritait.

Je me rappelle, avec un sentiment désagréable de culpabilité, cette anecdote : On avait dû faire une connerie, une de plus, – honnêtement, je ne me souviens plus de quoi il s’agissait – et Ks Kurzawa était en train de nous engueuler. Nous étions là, tous les quatre, Marek Bujanowski, son frère Géniu, Alexis Lagocki et moi, en train de subir la foudre du prêtre. Ce n’était pas la première fois ; loin de là. Mais cette fois-ci, c’était en public, et qui plus est, devant les filles. Notre amour-propre en prenait un sacré coup. Nous étions vexés à mort et bien décidé à avoir notre revanche.

Alors, comme des petits cons, on est monté au premier étage ( à ce moment-là, nous logions au premier étage, dans le fond ; c’était peut-être un cours de moniteurs ) et on a commencé, dès l’escalier et jusqu’au fond du couloir, à marcher en claquant violemment les pas, d’une façon très militaire, et en chantant très fort « Heidi heido heida, Heidi heido heida, Heidi heido hei da la la la la… ».

 La maison entière s’est mise à trembler sous nos pas. Ks Kurzawa, qui était resté dans le réfectoire, a vu le plafond vibrer et son sang se glacer. Lui, qui a tant souffert durant la guerre, qui a connu le camp de concentration et conservé des cicatrices si douloureuses, il s’est sans doute vu replonger dans l’horreur.

Après un court moment de stupeur, il s’est lancé dans l’escalier en courant. Quand il nous a rejoints, il s’est mis à hurler comme « c’est pas possible ». Nous ne l’avions jamais vu dans une colère aussi noire.

On a juste baissé les yeux. Notre bêtise était impardonnable, et nous le savions bien. On n’a pas bronché.

On s’est laissé punir. Je ne me souviens plus de la punition, mais nous l’avions largement méritée.

Si je raconte cette histoire, c’est surtout pour me soulager, pour m’excuser et pour exorciser tout le mal qu’on a pu faire. L’adolescence, c’est aussi ça… repousser les limites, tester l’autorité, aller trop loin et… le regretter.

Au nom de tous les Anciens de Comblain, je présente à Ks Kurzawa toutes nos excuses pour toutes nos conneries, et il y en a eu tellement. Je sais qu’il nous aimait et qu’il nous a déjà pardonné.

Bon, maintenant que ça, c’est fait : allez-y racontez-nous Vos bêtises. A quoi servirait de faire des sottises, si ce n’est pas pour les partager ? Et de toute façon, il y a prescription. Alors à vos plumes…

02/11/2015 – Jean-Pierre Dziewiacien

0171 : COMBLAIN-LA-TOUR : Autour du drapeau : Ks Kurzawa ;  Du côté des garçons : Pani Merta ; Georges Bardo ; Pierre Front ; François ? ; Georges Załobel ; Jean-Pierre Dziewiacien ; Marek Bujanowski ; ? …. Du côté des filles : ? …
0171 : COMBLAIN-LA-TOUR : Autour du drapeau : Ks Kurzawa ; Du côté des garçons : Pani Merta ; Georges Bardo ; Pierre Front ; François ? ; Georges Załobek ; Jean-Pierre Dziewiacien ; Marek Bujanowski ; ? …. Du côté des filles : ? …
0172_1978 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ks Kurzawa ; ……………
0172_1978 : COMBLAIN-LA-TOUR : Ks Kurzawa ; ……………
0173_1978 : COMBLAIN-LA-TOUR :: Devant la petite chapelle : Pani Bardo ; Fabienne Laffut ; ? ……………
0173_1978 : COMBLAIN-LA-TOUR :: Devant la petite chapelle : Pani Bardo ; Fabienne Laffut ; ? ……………
0174_1978 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant la petite chapelle : Ks Kurzawa ; Ks Kejke ; Pani Bardo ; Mr Paterka ; Michel Konarski ; Richard Szymczak ; ?….
0174_1978 : COMBLAIN-LA-TOUR : Devant la petite chapelle : Ks Kurzawa ; Ks Kiek ; Pani Bardo ; Mr Paterka ; Michel Konarski ; Richard Szymczak ; ?….
0175 : COMBLAIN-LA-TOUR : En promenade : Ks Kurzawa ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ) - ( collection Zdzisław Blaszka )
0175 : COMBLAIN-LA-TOUR : En promenade : Ks Kurzawa ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ) ; ( ? ) – ( collection Zdzisław Blaszka )
0176_1977 : COMBLAIN-LA-TOUR : Extrait du journal Narodowiec : Ks Kurzawa ; Pani Merta ; ? ……
0176_1977 : COMBLAIN-LA-TOUR : Extrait du journal Narodowiec : Ks Kurzawa ; Pani Merta ; ? ……

2 commentaires sur “0033 – Ks Kurzawa

  1. On comprend mieux la stupeur, la douleur et la colère de l’abbé Kurzawa, quand on sait que son frère, l’abbé Józef Kurzawa, de deux ans son aîné, a été assassiné le 24 mai 1940 dans une forêt à proximité de Osięcin, par le commandant de la police locale Johan Pichler, le commissaire-maire Ernst Daub et Willy Fritz Haack.

    Józef Kurzawa a été béatifié à Varsovie le 13 juin 1999 par le pape Jean-Paul II et fait partie des 108 martyrs polonais de la seconde guerre mondiale.

    En outre, l’abbé Bolesław Kurzawa, en tant qu’élève du séminaire de Wloclawek, a séjourné dans le camp de concentration de Dachau.

    Et pour ceux qui se demanderaient pourquoi l’abbé Kurzawa n’est pas enterré à Comblain, il faut préciser qu’il est mort le 4 Juillet 2001, à l’hôpital de Kalisz, durant un séjour dans son pays natal.

    Il a été inhumé le 7 Juillet 2001 dans le cimetière de la paroisse de Brzeziny, dont il était originaire, près de Kalisz.

  2. Bonjour Jean-Pierre !

    C’est avec un réel plaisir que je lis tes petites chroniques même si je n’ai été qu’une seule fois en colonie à Comblain et que je n’ai que des souvenirs un peu vagues des lieux et des personnes que tu évoques…
    Il y en a bon nombre que je n’ai probablement jamais croisées mais par contre, le KS Kurzawa, je m’en souviens très bien, c’est le souvenir d’une personne à la stature et à l’autorité morale exceptionnelles, unanimement reconnues.

    J’ai surtout un souvenir de Comblain lié au fait que pendant des années, c’était une étape sur le retour de certaines excursions ou pèlerinages en autocar que nous faisions au départ de Charleroi avec le KS Augustin Muller… On s’y arrêtait pour souper et il y avait toujours des « pączki » préparés par les dames qui nous accueillaient… Il me semble que c’est là que j’ai dégusté pour la première fois des pączki à la confiture de rose ( un souvenir à l’égal de la « madeleine » de Proust pour moi…).

    Ton récit à propos des « deux mâts » me fait penser à un épisode un peu cocasse qui est survenu l’année où j’y suis allée ( en juillet 73 ? )… Un beau matin, alors que nous nous dirigions vers le lieu de rassemblement pour le lever du drapeau, le fameux mât ( le blanc et rouge ) avait disparu… C’était évidemment très drôle jusqu’au moment où les chefs ont décidé que personne n’irait déjeuner tant que le mât n’aurait pas réapparu… Je ne me souviens plus si on a attendu très longtemps mais des garçons ont finalement été le rechercher : ils l’avaient démonté pendant la nuit et ils l’avaient caché quelque part dans le parc… Je ne sais pas s’ils ont été punis pour cela mais je pense bien qu’ils ont dû avoir leur petit moment de gloire auprès de nous tous pour cet acte héroïco-comique…
    Au plaisir de te lire et d’une prochaine rencontre !

    Dominika Stefanska

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