0023 – les jolies colonies de vacances

« Ah, les jolies colonies de vacances, merci maman, merci papa.
Tous les ans, je voudrais que ça r’commence.

You kaïdi aïdi aïda. »

Pierre Perret n’a pas connu Comblain-la-Tour. C’est dommage pour lui. Mais, à écouter ses paroles, on se dit qu’il a quand même dû connaître l’ambiance des colonies. Sinon comment aurait-il pu si bien les décrire ?

Bien sûr, par moments, il exagère. Quoi que

À Comblain, on ne respirait pas « la fumée d’l’usine d’à côté » et on n’allait pas « jouer dans la décharge municipale », mais nous avions le rocher de la Vierge. L’escalader avec des dizaines de petits, c’était le sommet de l’inconscience.

Nos surveillants à nous, non plus, n’étaient pas méchants. « Ils ne ronflaient pas les trois quarts du temps », mais étaient parfois « ronds comme des queues d’pelles ». Quand on est polonais… on est polonais.

« You kaïdi aïdi aïda »

Avec l’âge, on est devenu, à notre tour, des moniteurs et des monitrices. Et on a reproduit ce qu’on avait appris.

Je n’ai pas le souvenir d’avoir puni en « attachant en plein soleil, tout nus barbouillé d’confiture ». D’ailleurs, on n’avait pas de confiture à notre disposition. Et le sirop de Liège, qu’on mangeait à 16 heures, était trop bon que pour le gaspiller. Mais nous avions nos propres méthodes. Surtout quand la troupe était difficile.

Le groupe le plus difficile que j’ai eu le « privilège » de gérer, nous a fait perdre, à mon sous-moniteur, Géniu Bujanowski, et à moi, notre patience et… quelques cheveux. Il faut dire que c’était une bande de cracs.

Le hasard avait réuni là tout ce que l’indiscipline, la provocation et la flemme avaient fait de mieux.

Impossible de les faire avancer. Impossible de les motiver. Impossible de tout.

Parmi eux, le plus terrible, c’était Freddy Motala. Celui-là était tout simplement ingérable.

Totalement rétif à toute forme d’autorité. Une véritable tête de cochon. Il ne pensait qu’à nous fausser compagnie pour « J’vous quitte là, j’vais voir ma fiancée, une vieille qu’a au moins ses dix berges ».

« You kaïdi aïdi aïda »

Le pire, c’est que c’était – déjà – un meneur et que ces conneries amusaient tellement les autres du groupe qu’ils essayaient tous de l’imiter. Il nous a épuisés Géniu et moi. D’autant plus que l’énergie qu’il fallait déployer pour contenir ses débordements, nous ne l’avions plus – ou beaucoup moins – pour draguer les filles.

Ce qui – tout le monde le comprendra – était évidemment la principale préoccupation des moniteurs.

On a donc essayé d’innover dans l’art de « mater ». Mais le bougre était coriace.

Quelques années plus tard, Freddy Motala a rejoint le KSMP de Mons. Moi, j’étais déjà parti.

Mais un jour, il est venu à la maison, avec Géniu, et nous avons reparlé de ces années autour d’un verre.

Freddy était volubile et intarissable. Il se souvenait d’une foule de détails que nous avions enterrés profondément dans nos mémoires ( sans doute, un peu, par culpabilité ). Il racontait « nos méthodes » avec un plaisir communicatif. Il riait des punitions qu’on lui affligeait et de brimades qu’il subissait.

« You kaïdi aïdi aïda »

C’est lui qui nous a rappelé que pour faire marcher la troupe, un de nous se mettait en dernier et bottait le cul du dernier enfant de la file… c’était souvent Freddy. Il bondissait alors devant, et c’est le nouveau dernier qui trinquait. Et ainsi de suite…

Il riait en racontant comment nous le faisions redescendre de son lit, dont il occupait le matelas du haut, et remonter autant de fois qu’il le fallait pour qu’il arrête de nous emm…

Il était écroulé de rire au souvenir d’avoir été enfermé, pendant la sieste, dans une armoire métallique avec des « pschitts » de bombe anti-moustiques à travers les trous d’aération. Quelle horreur !

Mais le pire de tout, c’est le jour où nous avons décidé, Géniu et moi, pour être tranquille quelques jours, de leur apprendre à danser comme des « gόrales ». Les convaincre n’a pas été compliqué. Nous leur avons expliqué que c’était pour le feu de camp. On a donc taillé, la veille, des bâtons pour en faire des « czupagis » et dès le matin, nous avons commencé un entraînement intensif. Très intensif. Très très intensif.

Bien sûr, nous savions qu’elle serait la conséquence. Nous-mêmes, pour montrer comment il convenait de faire, nous faisions preuve de beaucoup de retenue et d’économie. Eux par contre, ils y allaient de bon cœur… toute la journée. Le lendemain matin… aucun d’eux n’a su descendre les escaliers pour aller déjeuner. On a dû les porter. Les deux jours qui ont suivi, nous avons pu – enfin – draguer un peu.

«You kaïdi aïdi aïda »

À peine quelques mois plus tard, Géniu m’annonçait que Freddy s’était suicidé.

En suivant son enterrement, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à tous ces souvenirs mémorables.

À cette tête de cochon, qui n’en faisait qu’à sa guise, mais qu’on ne pouvait qu’aimer.

Trente ans après, son souvenir reste intact. C’est bien la preuve qu’il nous manque.

Freddy, je suis sûr que tu es au paradis… J’espère que tu les fais ch… un maximum. N’hésite pas à leur pourrir leur éternité. Ils n’auraient pas dû, si vite, te reprendre à nous.

« You kaïdi aïdi aïda »

 07/09/2015 – Jean-Pierre Dziewiacien – https://anciensdecomblain.com/

0114 : -COMBLAIN-LA-TOUR – 1977 : Patrick Magdaj ; Cécile Dannielewski ; Michel Konarski ; Hélène Piech ; Freddy Motala ; Christine Piech.
0114 : – COMBLAIN-LA-TOUR – 1977 : Patrick Madaj ; Cécile Dannielewski ; Michel Konarski ; Hélène Piech ; Freddy Motala ; Christine Piech.
0115 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1979 : Devant le drapeau : Piotr Rozinski ; Michel Konarski ; Richard Szymczak ; Freddy Motala.
0115 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1979 : Devant le drapeau : Piotr Rozenski ; Michel Konarski ; Richard Szymczak ; Freddy Motala.
0116 : COMBLAIN-LA-TOUR - 1979 : Piotr Rozinski ; Freddy Motala.
0116 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1979 : Piotr Rozenski ; Freddy Motala.
0117 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1980 : Freddy Motala ; Piotr Rozinski ; Michel Konarski.
0117 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1980 : Freddy Motala ; Piotr Rozenski ; Michel Konarski.
0118 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1980 : Freddy Motala ; Piotr Rozinski ; Michel Konarski.
0118 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1980 : Freddy Motala ; Piotr Rozenski ; Michel Konarski.
0119 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1980 : Freddy Motala ; Piotr Rozinski ; Michel Konarski.
0119 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1980 : Freddy Motala ; Piotr Rozenski ; Michel Konarski.
0120 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1980 : Dans le parc : Freddy Motala ; Fabienne Laffut ; Michel Konarski.
0120 : COMBLAIN-LA-TOUR – 1980 : Dans le parc : Freddy Motala ; Fabienne Laffut ; Michel Konarski.

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